Vélocité et plaisir

Par Guy CaronPublié le

Il semble que la race humaine ait un certain penchant pour la vitesse. Est-ce une question d’évolution? Fort probable. Quoi qu’il en soit, nous, les motocyclistes, sommes pour la plupart enclins à rouler vite. C’est amusant! Jusqu’à un certain point… Dépassé la zone de confort auquel mon cerveau est habitué, le plaisir se transforme en stress. C’est après ma visite au centre d’essai de Bosch, à Boxberg en Allemagne, que cette réflexion m’est venu. Dans le grand virage de l’ovale haute vitesse, je me suis rendu compte que je n’avais pas roulé à une vélocité aussi élevée depuis longtemps et que je devais m’appliquer pour garder un certain calme neuronal.

Ce n’est pas tant d’atteindre 300 km/h au bout de la ligne droite qui me semblait rapide, mais plutôt le long virage incliné d’un kilomètre. J’ai quand même l’habitude de rouler pas mal, en piste et parfois peut-être ailleurs, la différence est que je roule plus souvent sur des circuits plus petits et donc plus lents. Et 200 ou 220 km/h, c’est loin du 300. À Tremblant, Mosport, Jennings ou dans une moindre mesure Calabogie, ça monte au-delà des 250 km/h, voire 280, selon mon chronomètre GPS (laptimer), mais je n’ai pas la chance de rouler souvent sur ces tracés. D’ailleurs, lorsque je me retrouve sur un circuit de ce genre, j’ai besoin d’un temps d’acclimatation avant de prendre mes aises. Quand je dépasse les vitesses auxquelles je suis habitué, tout semble se passer très vite. Que ce soit à 280 km/h sur cette S1000RR dans ce virage incliné ou à 60 km/h dans une descente accidentée en vélo de montagne, même constat, trop d’influx à assimiler trop rapidement, ce qui induit un inconfort encéphalique… Avec de la pratique, tout se place, mais il ne faut pas se retrouver trop loin en dehors de notre zone de confort; on ne fait que déclencher les réflexes de panique, ce qui n’est pas du tout productif au niveau du pilotage.

À Boxberg, j’ai commencé mes essais en piste sur le circuit de manœuvrabilité, un tracé sinueux assez serré. Dès le départ, j’étais dans mon élément, tandis que d’autres collègues de mon groupe l’étaient moins. Juste à les voir aborder le freinage en descente, où le circuit passait de sec à abondamment arrosé, il était facile de départager ceux qui se sentaient en confiance de ceux qui trouvaient que le petit ruban d’asphalte était trop étroit. Plus tard, sur le grand ovale de trois kilomètres, la largeur de piste ne nous faisait pas défaut, mais le niveau d’aisance entrait encore en jeu, la vitesse étant seulement plus élevée.

Après quelques tours, nous roulions tous à la limite affichée pour le virage plus serré, ou du moins assez près du 160 km/h imposé. Avec les motos à notre disposition, je pouvais accélérer au-delà de 250 km/h sur la ligne droite avant le grand virage, mais mon poignet droit ramenait instinctivement la cadence à 220 au début de la courbe, que je regarde le compteur ou non. C’est cette vitesse que le mécanisme de survie de mon cerveau évaluait comme correcte quoiqu’en fin de session, après une heure et une bonne dizaine de sorties de trois tours chaque, j’ai réussi à le convaincre que 240 était acceptable à ce point…

À regarder les photos de mes passages dans ce virage rapide, je peux constater que je n’étais pas tant en confiance. Ma position trahit mon état d’esprit et laisse transparaître un certain niveau de stress. Même si je me suis rendu compte là qu’il est vraiment temps de remplacer mon casque et avec mon ensemble de rue semi-ventilé, qui laissait passer l’air comme si je n’avais pas eu la doublure étanche, je ne me cachais pas très bien derrière la bulle à ces vitesses, ce qui aurait été vraiment justifié dans les circonstances. Mes pieds, mal placés sur les repose-pieds, sont aussi un signe que ma tête n’était pas disponible pour voir à tous les détails du pilotage.

J’aimerais bien retourner à Boxberg. J’ai besoin de m’améliorer pour mieux profiter de l’adrénaline grisante que procurent ces vitesses indécentes.

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