Sur la route de Manawan : un voyage au bout de l’instant…

Par Caroline Paul-HusPublié le

Rouler au guidon d’une moto aventure/double usage vous stimule? Vivre une immersion culturelle au sein de la communauté atikamekw vous intéresse? Cette expérience unique s’adresse alors à vous!

Comme on dit, il suffit d’une rencontre pour modifier notre chemin de vie. Eh bien, ma rencontre avec Le Racer sur le site de La Classique – le plus grand rassemblement de motos aventure/double usage au pays avec ses quelque 500 participants – me propulsa vers Manawan au guidon d’une moto double usage, alors que je n’ai pratiquement aucune expérience hors route. Néanmoins, je roule en moto depuis 1995 et mes cours d’équitation m’ont apporté des notions fort utiles : guider la monture avec mes jambes, regarder loin…

Et puis, je crois au slogan de Honda : « La puissance des rêves », surtout lorsqu’ils sont réalistes et que nous sommes déterminés à les réaliser!!

Débordant d’énergie, de talents et d’initiatives, Guy Caron, alias Le Racer, souhaite vous faire partager cette expérience unique, celle de combiner une formation sur les techniques de pilotage chez Mécaglisse avec leur mise en pratique lors d’une visite dans la communauté atikamekw de Manawan, située au bout d’un chemin forestier s’étirant sur plus de 80 km.

Personnellement, cette étonnante aventure débuta lorsque Guy vint à ma rencontre au kiosque Honda, sur le site de La Classique. À cet événement, se tenant à Lachute, mon rôle était d’encadrer les pelotons composés de plusieurs Africa Twins, CRF 250L et NC 750 lors d’essais routiers, et ce, durant tout le week-end. En réalité, Honda me prête des motos depuis un an afin que je fasse rêver les gens… de voyages en moto!

Saint-Roch-de-l’Achigan

La fin de semaine suivante, le dimanche 26 mai, Guy nous donne rendez-vous chez SRA Motocross à Saint-Rock-de-l’Achigan. Quand je quitte la maison, le ciel est nuageux et la route mouillée par de récentes averses. Pourtant, selon les prévisions météo, il fera beau! Je me croise les doigts et reste bien au sec jusqu’au point de rencontre. Sur place, on se présente et je constate que notre groupe est composé de huit motocyclistes : quatre femmes et quatre hommes. Fantastique!

Le but étant de rouler à moto, nous enfourchons nos montures afin de suivre Guy au guidon de sa Ducati Multistrada Enduro. Heureusement, le ciel se dégage et nous profitons du soleil pour sillonner de petites routes secondaires offrant à la fois des paysages bucoliques, de nombreuses courbes et d’importants dénivelés. Quand le moteur de la petite CRF 250L ronronne autour des 8000 RPM, je tombe littéralement sous son charme! Une fois à Chertsey, on effectue une boucle en passant par la route 125 puis le chemin Marie-Reine-des-Cœurs. Cette route de gravier n’est qu’un léger préambule à ce qui nous attend sur le chemin de Manouane.

Plusieurs pauses photos sont prévues à différents endroits du parcours, puisqu’il s’agit d’une présentation pour les médias. Le travail de Filip, Jennifer et Marie-Jeanne est une belle occasion pour nous de se voir en action et de socialiser lorsque nous ne sommes pas sous l’œil vigilant des photographes.

Notre-Dame-de-la-Merci

Quelques gouttes de pluie nous accueillent au Circuit Mécaglisse. J’aime bien croire qu’il s’agit là d’un bon présage, puisque le ciel se dégage par la suite, nous permettant de s’asseoir confortablement sur la terrasse près du circuit. Devant une table remplie de victuailles, Guy et Véronique nous présentent officiellement le projet. Franck, le patron et conjoint de Véronique, ne peut toutefois être présent, car des essais libres de moto sport sont en cours et c’est lui qui agit en tant que commissaire de piste.

En quittant Mécaglisse, nous roulons vers la fameuse route 347 en direction de Saint-Côme. Cette route traverse la forêt Ouareau. Sur 26 km, les courbes et les contre-courbes se succèdent; une véritable route de rêve pour nous! Une fois à Sainte-Émilie-de-l’Énergie, virage à droite; direction plein nord!

Saint-Michel-des-Saints

De Saint-Michel-des-Saints, 86 km nous séparent de Manawan. Selon Google Map, on devrait arriver dans environ deux heures. À travers mes recherches, j’ai lu un article mentionnant la mauvaise qualité du chemin. Intéressant; n’est-ce pas là ce que recherche tout motocycliste friand d’aventures et de défis? La route est tout de même relativement achalandée pour un chemin forestier, alors nul besoin de s’inquiéter outre mesure si jamais une panne ou un bris mécanique surgissait pendant le périple!

Tout juste après l’Auberge du Lac Taureau, la belle surface asphaltée se transforme subitement en terre fraîchement remuée. Les conseils de Guy fusent dans ma tête: « Laisse bouger la moto comme elle veut… Regarde loin et tient l’accélérateur égal. » Sur le coup, tout cela me semble contre nature. J’ai tendance à crisper mes bras alors que je dois les garder détendus; freiner alors que je dois accélérer; regarder le sol près de ma roue alors que je dois regarder loin, là où je veux aller! Ouf. Piloter une moto dans ce genre de situation nécessite carrément de la reprogrammation! C’est loin d’être évident, mais ça s’apprend! Après tout, nous sommes plusieurs novices comme moi parmi le groupe!!

Par la suite, le chemin de Manouane se fait plus ferme. Cahoteux et couvert de gravier, mais plus ferme. Sans comprendre pourquoi, quand je roule en position debout, une envie irrépressible me pousse à dépasser Guy. Comme si ma monture voulait « galoper » plus vite que lui! Il me fait signe de le dépasser et je peux ainsi améliorer mes habiletés tout en respectant mon propre rythme. Fantastique!

Rouler ainsi, debout sur les repose-pieds de la CRF 250L, me procure un sentiment grisant. J’ai vraiment l’impression de voler, seule avec le vent et la route qui s’étire devant moi! En plus, j’ai l’occasion de mettre en pratique la technique de négociation de courbes en transférant mon poids uniquement sur l’un des repose-pieds, sans utiliser le guidon. Décidément, c’est l’expérimentation qui permet de réellement comprendre; la théorie, ce n’est que des mots.

Au kilomètre 43, le groupe s’arrête pour la pause prévue. C’est le point médian de la route entre Saint-Michel et Manawan. Guy en profite pour nous raconter fièrement qu’il s’agit là du numéro qu’il utilisa lors de sa carrière de pilote de course. Lorsque Audrey débarque de sa moto, elle constate que le pneu arrière de la CRF 450L est à plat. Guy et Jean s’empressent alors d’installer un nouveau tube. Malheureusement, celui-ci se dégonfle aussitôt. Puisque le temps file, nous dénichons un endroit sûr pour stationner la moto jusqu’au lendemain. Audrey s’installera donc derrière Guy pour les 43 km qui nous restent à parcourir.

Seulement 5 km plus loin, nouvel arrêt; le pilote de la Triumph 800 a perdu le contrôle dans la terre meuble, tombant et fracassant son pare-brise. N’étant blessé que légèrement, c’est avec beaucoup d’humour que Pierre prend la situation. Après l’installation judicieuse de plusieurs Ty-rap, lui et sa moto sont en état de reprendre la route… à notre grand soulagement!

Communauté atikamekw de Manawan

Arrivés à Manawan le temps semble suspendu. Un enfant joue dehors. Deux chiens errants croisent notre chemin : un noir marchant tête basse et portant une vieille cravate autour du cou, puis un autre, beaucoup plus robuste, de type husky-malamute. Ici, les rues sont asphaltées mais bordées par une importante quantité de sable qui donne au village un aspect désertique, sauvage et reculé. Devant ces maisons modestes et ces terrains dépourvus d’aménagements paysagers, de vieux souvenirs surgissent. Je me retrouve à Port Hedland, une ville minière située sur la côte ouest australienne quand j’explorais le continent en CB 750 1983 alors que je n’étais âgée que de 27 ans.

Nous stationnons devant l’épicerie du village vers 18 h 30. Remplie de fierté et d’émotions, je tape dans la main droite de Sophia en m’exclamant « We made it! ». Le regard de Sophia est teinté de fatigue.

Personnellement, je jubile! Quel beau défi avons-nous relevé! Je prends une photo de notre groupe car le ciel au-dessus de nos têtes est vraiment de toute beauté, zébré de bleu, de gris et de blanc immaculé. Plusieurs autochtones viennent nous saluer et nous poser des questions. Patrick, de Tourisme Manawan, se joint à nous; leur accueil est franchement chaleureux! Ce soir, nous serons hébergés à l’Auberge Manawan, car le site traditionnel Matakan n’est pas encore prêt à nous accueillir sous les tipis pour la nuit. Patrick prend le temps de nous expliquer que la glace recouvrait encore le lac Kempt quatre jours plus tôt, empêchant leurs bateaux de s’y rendre! Ce soir, il nous sera toutefois possible de parcourir les 22 km séparant la réserve de l’île afin de visiter le site et y passer la soirée.

Pendant qu’on s’amuse à prendre des photos au bord du quai, un chien errant s’empare d’un gros sac de chips laissé sans surveillance. Soyez donc avisés; les chiens de Manawan sont d’habiles chenapans! Pierre a même capturé une photo du gourmand, savamment caché derrière un camion pour s’empiffrer, tête plongée dans le sac!

Lorsque le ponton arrive, Warren, le capitaine, nous accueille à bord. Puisque la température est fraîche, on apprécie grandement la présence des toiles qui nous protègent du vent ainsi que le confort moelleux des sièges. Le trajet représente 47 minutes de pure contemplation… L’eau prend la teinte d’un bleu profond. La forêt de conifères et de feuillus qui longe les berges semble impénétrable. C’est magnifique. Sauvage. Majestueux!

Arrivés sur l’île, nous assistons au coucher de soleil. Wow! Le timing n’aurait pu être meilleur! Encore une fois, c’est magnifique. Sauvage. Majestueux! J’en profite pour m’asseoir sur une grosse bûche, sous la structure d’un futur tipi. Celui-ci sera construit autour d’un grand trou destiné au feu de camp. Ce type d’hébergement inclut les matelas de sol que l’on déposera sur du sapinage. Plusieurs tentes de prospecteurs – avec poêle à bois – se trouvent aussi sur l’île ainsi qu’un bloc sanitaire avec douches et toilettes.

Un peu plus loin, un pont étroit nous permet de marcher jusqu’à la cabane de bois où le repas nous sera servi. L’ambiance est tamisée et conviviale. Tous les murs ainsi que le plafond sont recouverts de planches de bois. La cuisine occupe le même espace que plusieurs tables autour desquelles on s’empresse de prendre place. Hum… ça sent rudement bon! Dominique, le cuisinier, nous sert une chaudrée de doré. Sérieusement, c’est de loin la meilleure soupe que j’ai mangée de ma vie!

Devant le regard ahuri des convives, j’ose lui demander de me dévoiler quelques éléments de sa recette et… il accepte volontiers: du doré fraîchement pêché, du persil, du thym et une feuille de laurier. Wow! Aussi simple que cela? La soupe sera suivie par une délicieuse tarte… remplie de bleuets et de morceaux de pêche. Vraiment, on se régale!

De retour à l’auberge, un lit bien douillet nous attend. Les installations sont fort modernes. Au total, une dizaine de chambres offrant une vue magnifique sur la baie abitienne nous permettent de bien récupérer.

Après une nuit sans rêve, à dormir d’un sommeil profond, je me réveille extrêmement courbaturée… surtout au niveau des trapèzes. C’est là que je réalise à quel point j’étais crispée hier, en roulant le long de mon premier chemin forestier!!

Pour le petit-déjeuner, Guy nous attend à l’intérieur de l’unique restaurant ouvert en cette période. Le chemin pour s’y rendre est fort simple; il s’agit de rouler au bout de la rue située en face de l’auberge! En signe de gratitude, Guy nous offre une jolie bouteille de sirop d’érable de Patrice, un maitre sucrier apparemment reconnu au niveau national. Après quelques cafés et un repas bien protéiné, on reprend la route.

Par ce lundi matin au ciel d’un bleu éclatant, le fond de l’air est frais; c’est un temps parfait pour rouler! Je m’en donne à cœur joie… jusqu’au moment où ma roue avant se met à osciller dangereusement de droite à gauche, puis de gauche à droite, sans vouloir s’arrêter? La route n’est plus qu’un amas de terre meuble après le passage d’une niveleuse. J’ai peur et je regarde le sol, puis je me ravise en regardant loin devant. Déterminée, je me dis : « Ce n’est pas vrai! Il n’est PAS question que je tombe et brise la CRF qu’on m’a si généreusement prêtée! » Je déplace alors tout mon poids vers l’arrière et j’accélère afin de stabiliser la moto, et… ça fonctionne!

Quand le chemin redevient plus ferme, je cherche une pancarte verte pour savoir à quelle distance je me trouve et je vois KM 50. Il me reste donc 7 km avant d’arriver à la zec Boullé, là où Guy, qui avait filé devant avec Audrey, réussira finalement à trouver l’origine des deux crevaisons; une mince tige de métal ayant traversé le pneu de la CRF 450L.

Une chose est certaine, quand on revient d’un pareil périple, on ne pilote plus de la même façon. On peut le faire les yeux fermés! Sérieusement, l’ensemble de ces petits et grands défis nous aide à mieux chevaucher notre monture, à mieux anticiper son comportement routier et… à perfectionner le nôtre!!!

Après 700 km parcourus en deux jours, je peux non seulement confirmer que la CRF 250L est confortable, mais aussi qu’elle est franchement sympathique à chevaucher!

Merci Guy pour cette inoubliable aventure en territoire Atikamekw; un authentique voyage au bout de l’instant…

 

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One thought on “Sur la route de Manawan : un voyage au bout de l’instant…

  1. Je dois premièrement vous féliciter pour si bien composer et écrire un français pratiquement sans faute et qui nous donne le goût de vous lire jusqu’au bout de votre article. Vous décrivez si bien votre périple que c’est comme si j’aurais fait le voyage avec vous. On le vit en vous lisant. Si j’aurais une moto de ce type, il est assuré que j’irais faire cette tournée. Mais avec ma grosse custom, j’arrête au Lac Taureau quand je dépasse St Michel des Saiints, et à mon âge (71), je crois bien que je vais finir ma carrière en custom. Par contre, au début des années 80, j’ai eu une Honda XL 250 et je faisais le même style de moto que vous avez fait dans ce voyage et parfois, je m’ennuie de cette période. Je fais de la moto depuis 1975 minimum et je fais encore ça par passion. De 12000 à 15000 km par année et ce sera ainsi tant que la santé me le permettra. Bonsoir à vous et continuez vos bons articles, Christian Champagne, Bécancour

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