Ducati Panigale V4R 2019 : prête au décollage

Par Éric MénardPublié le

La piste de course de Jerez en Espagne est relativement courte mais elle comporte des courbes magnifiques. C’est sur cette piste mythique que les journalistes triés sur le volet étaient conviés à tester cette toute dernière itération de la famille Panigale.

Nous étions 15 journalistes et il y avait 4 motos. On nous a annoncé quelques jours avant que nous n’aurions droit qu’à 4 séances de 15 minutes pour nous familiariser avec la bête. Ce n’est pas beaucoup pour apprivoiser une moto aux spécifications techniques aussi impressionnantes.

À l’arrivée au circuit sous une petite bruine, la journée de test ne s’annonçait pas tellement bien. Rouler pour la première fois une moto de 234 hp sur une piste mouillée ne s’avère pas nécessairement une bonne idée. Surtout quand ces motos doivent devenir des motos d’écurie pour la prochaine saison. Il ne fallait donc surtout pas les envoyer dans le décor. En regardant la moto, je me dis que les ailes dont elle est munie doivent être assez faciles à arracher en cas de chute à haute vitesse. Il faudra donc être d’autant plus prudent.

Après la présentation d’usage, nos hôtes nous expliquent que nous devrons attendre un peu pour commencer nos essais, le temps que la piste sèche un peu et que les mécanos installent des pneus de pluie.

C’est donc en fin de matinée que l’on reçoit le signal de mettre nos combinaisons de cuir pour faire une première séance. Ça reste toujours stressant d’aborder et de découvrir un nouveau circuit, mais quand on le fait sur la moto de production la plus puissante jamais fabriquée par Ducati, c’est encore plus… excitant. Et tout ça sur une piste comportant des sections encore humides et d’autres sèches. Disons que le niveau d’excitation était à son maximum.

En plus, j’avais eu la bonne idée d’étrenner un nouveau casque Araï et une toute nouvelle combinaison de cuir Alpinestar. Et avec un décalage horaire de six heures qui m’a fait faire une nuit de seulement deux heures de sommeil, disons que tout s’y trouvait pour donner un scénario catastrophe. Heureusement, mon âge presque respectable me rend capable de me résonner pour ne pas agir au-delà de mes compétences avec une telle moto sur un tel circuit, mais surtout de me faire confiance pour dompter la bête.

Pas besoin d’un signal pour nous dire que les séances en piste allaient bientôt débuter. Le son complètement débile des V4R font vibrer tout l’immeuble des puits. On les entend ronronner pendant qu’on termine de s’habiller. Elles sonnent réellement comme de vraies motos de course. Elles en sont d’ailleurs sous plusieurs aspects . Ducati a construit cette V4R en visant une homologation pour participer au championnat World Superbike. On a donc là une vraie de vraie moto de piste, mais avec les attributs nécessaires pour la route.

En m’assoyant sur la selle rigide mais magnifique je constate que le poste de pilotage ressemble beaucoup à celui de la Panigale 1299 que j’avais essayée lors de sa sortie. Je me sens instantanément à l’aise. La position est parfaite, mais je ne me verrais pas rouler cette moto lors d’une longue randonnée sur la route. La bulle élargie et rehaussée par rapport à celle de la V4S offre une bonne protection. Les contrôles sont intuitifs et les menus plutôt simples pour autant qu’on soit familier avec la logique des tableaux de bord Ducati.

Malgré un moteur ultra puissant et qui peut atteindre les 16 500 tours par minute en sixième vitesse, la courbe de puissance est tout d’abord assez linéaire et tire gentiment dès les 1500 tr/min sans donner l’impression qu’on l’impatiente. Mais c’est autour de 9000 tr/min qu’il révèle toute sa puissance, mais, encore une fois, avec une livraison de puissance plaisante et précise.

La direction ultra précise et la stabilité en accélération autant qu’au freinage me mettent encore plus en confiance. Je ne m’attendais pas à me sentir aussi bien aussi vite sur la V4R sur chaussée mouillée. Impressionnant. Les aides électroniques font leur travail et me permettent de me penser meilleur pilote que je ne le suis vraiment.

 

 

Et il s’agit d’une des premières réflexions que j’ai après ma première séance en discutant avec l’équipe de mécanos et d’ingénieurs Ducati qui me demande mes impressions. Quand on dit « pilote » on s’entend que cette moto sera majoritairement achetée par des gens qui passent plus de temps au travail que sur une piste de course. Il n’est pas facile d’avoir un budget discrétionnaire de 48 000 $ pour s’acheter une moto. Même à un niveau de pilotage assez élevé, bien des coureurs professionnels n’ont pas assez d’argent pour s’acheter cette moto et doivent compter sur de sérieux commanditaires pour boucler leur budget. La V4R verra probablement beaucoup plus de garages de résidences cossues que de puits de piste de course. Il y aura donc bien des fois où cette moto sera d’abord un bibelot pour affirmer sa masculinité ou s’amuser un peu sur la route. C’est le lot de ces motos hors normes fabriquées majoritairement pour l’homologation. Tant mieux pour nous, car ça permet au commun des mortels de goûter à ce que c’est d’être un coureur professionnel.

Mais ceux qui oseront la mettre en piste devraient s’amuser ferme. Même si la plupart ne pourront en exploiter que 25-50 % de sa capacité. Vraiment? Mais non! Avec les fabuleuses aides électroniques, on peut moduler la puissance et le comportement de la V4R pour la découvrir tranquillement et à son rythme. Avec un peu d’entraînement et un niveau de confiance grandissant, le gentleman rider pourra devenir le pilote le plus rapide à n’importe quelle journée en piste. On peut commencer avec toutes les aides au maximum et plus on acquiert de la confiance et de capacités, plus on peut réduire le niveau d’aide pour devenir un pilote qui conduit (presque) à l’instinct.

Rouler cette moto avec toutes les aides électroniques fonctionnant au maximum, c’est carrément tricher. Rien de moins. Tout a été conçu pour aider le pilote à la mesure de ses besoins : le contrôle de traction DTC Evo, l’anti-wheeling DWC Evo, la commande de frein moteur DBC Evo, le quick shifter Up&Down, le contrôle de glisse DSC, l’assistant au départ arrêté DPL et l’ABS Evo Cornering. Le DTC, le DWC et l’ABS sont couplés avec une unité de mesure inertielle à six axes pour plus d’efficacité. Les assistances ont toutes été repensées en fonction de la puissance supérieure et de l’orientation très racing de cette Panigale.

On a aussi en prime sous le magnifique réservoir en aluminium un limiteur de stand pour vous rendre aux puits, un chrono au tour avec GPS, l’analyse de données DDA avec GPS et une instrumentation TFT couleur.

Et il y a trois modes de conduite : le Road, avec les assistances au maximum et une réponse moteur douce; le Sport, avec une réactivité moteur pompe et moins d’interventions de l’électronique; et le mode Race, pour les pilotes de haut niveau, avec une réponse moteur maximale, les assistances au minimum et un ABS actif que sur l’avant. Et tout ça toujours avec la puissance 221 ch sur le modèle « stock » et toujours 234 ch avec la ligne de silencieux Slovène.

Entre deux séances, les coureurs de World Superbike Chaz Davies et Alvaro Bautista, présents pour l’événement, nous donnent tous une sérieuse leçon d’humilité. Ils sont tellement rapides qu’on les voit à peine passer sur la ligne des puits. En fait, leurs motos deviendront évidemment des versions encore plus performantes de la V4R comportant entre autres un cadre optimisé pour la course.

D’ailleurs, le cadre de cette Panigale est revu. Sa structure en aluminium ressemble fortement à celle des autres versions (normale, S, Speciale, Corse), mais elle est allégée et rigidifiée dans sa partie avant. Le bras oscillant bénéficie aussi d’un point d’ancrage réglable sur quatre positions pour ajuster encore plus la moto aux besoins du pilote de course.

La suspension Öhlins Smart EC 2.0 qu’on retrouve sur la V4S ne se retrouve pas sur cette R simplement parce que les suspensions électroniques ne sont pas autorisées en WSBK. On a donc muni la V4R d’une fourche à gaz pressurisé de 43 mm qui permet de retranché 0,6 kg sur la moto. En la combinant avec un amortisseur arrière TTX-36, on arrive à donner une agilité et une stabilité en tout temps à cette moto ultra puissante. Encore une fois, ceci joue en faveur de l’agrément de conduite éprouvé en la pilotant.

À la deuxième séance on roulait sur les pneus de course. Le feeling est complètement différent et j’avais encore plus confiance. La moto se montre très, très stable. À haute vitesse et au freinage, les petites ailes dont elle se voit munie viennent ajouter de l’appui aérodynamique. Même lorsque je fais de petits ajustements sur mes premières lignes de course, je peux corriger facilement. La V4R est un scalpel. Encore une fois, le contrôle de la traction permet des sorties de virages spectaculaires avec, pour ajouter du piquant, de petites glissades latérales contrôlées. En plus, il y a tellement de couple que, même avec l’anti-wheelie au niveau maximum, chaque fois que je redresse la moto à la sortie de l’épingle débouchant sur le droit des puits, je sens que le roue avant ne touche pas au sol sur une très longue distance. Grisant! Avec en prime le son rauque de la ligne complète Akrapovic, je suis prêt à prendre une deuxième hypothèque pour entendre ça tous les weekends. Je vous le disais, c’est une moto de course, alors pourquoi se priver du bonheur de la piloter comme un vrai coureur. La puissance est telle que je peux me maintenir en deuxième et troisième vitesse sur une bonne partie du circuit. Sur les longues sections, je m’amuse à tenter de tirer tout le jus de chaque rapport, mais je n’y arrive pas. Il me faudrait plus long pour réussir à passer tous les rapports à leur maximum.

La piste est courte et on en fait le tour rapidement. Certains collègues en piste vont tourner moins vite et d’autres plus vite que moi. Ça me permet de constater que même avec des niveaux d’expérience différents , on s’amuse tous comme des fous. La V4R offre énormément de puissance, mais grâce aux aides électroniques on peut facilement la rouler à son rythme et se sentir bien à son guidon peu importe notre niveau. Alors que moi j’apprécie les électroniques à des niveaux moyens, certains collègues les enlèvent complètement pour expérimenter la glisse à son maximum. Et c’est la beauté de cette moto hors normes. On peut s’amuser dès qu’on a un niveau intermédiaire. Pas besoin d’être un pro.

La Panigale V4R est un avion de chasse aux podiums. Avec ses Winglets, inspirés par ceux de la Desmosedici GP16, elle offre un appui de 30 kilos à 270 km/h sur l’avant de la machine, ce qui augmente la stabilité du train avant à haute vitesse et lors des phases de freinage. Elle s’avère un nouveau point de référence autant pour les riders pros et très expérimentés que pour les riders de weekend qui ont assez de pognon pour se payer cette magnifique pièce de design.

Si sa fiche technique vous donne déjà un petit frisson dans le dos, rappelez-vous ceci : même si ses caractéristiques hors normes la placent tout en haut des génératrices de puissance de sa catégorie, si on a le courage d’embarquer sur cette moto, elle vous tendra la main et vous soufflera à l’oreille que tout est possible. En autant que vous respectiez vos limites, parce que s’il n’en tenait qu’à elle, ses petites ailettes vous feraient décoller.

 

Fiche technique

MOTEUR

4 cylindres en 90° V, 4 temps

Refroidissement: par eau

2×2 ACT, desmodromique

4 soupapes par cylindre

Rapport poids/puissance : 0.78 kg/ch

CYLINDRÉE

998 cm3

PUISSANCE

162 kW (221 ch) à 15 250 tr/min i

COUPLE

112 Nm (83 lb-pi) à 11 500 tr/min i

POIDS SEC

172 kg (379 lb)

POIDS D’EXPLOITATION

193 kg

HAUTEUR DE LA SELLE

830 mm (32,7 pouces)

CADRE

Cadre : aluminium semi-périmétrique

Réservoir : 16 litres

Empattement : 1471 mm

ÉQUIPEMENT DE SÉCURITÉ

Modes de conduite, modes de puissance, ABS ABSO en virage Bosch, contrôle de traction Ducati EVO, contrôle de wheelie Ducati EVO, contrôle de glisse Ducati (DSC), contrôle de frein moteur (EBC) EVO, calibrage automatique des pneus

ENTRETIEN (KM/MOIS)

12 000 km (12 500 mi) / 12 mois

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