Je me suis récemment porté acquéreur d’une Suzuki V-Strom 1000 XT 2018 utilisée dans le cadre d’un essai à long terme. J’ai versé un peu plus de 10 000 $ pour obtenir ce modèle de démonstration principalement parce que la grosse V-Strom est la moto de tourisme d’aventure de grosse cylindrée la plus simple sur le marché.
J’ai eu la chance d’essayer la plupart des machines d’aventure actuelles de 1000 cc ou plus et j’avais le budget pour acheter un modèle plus cher au besoin. Mais je ne voulais pas de tous ces bidules qu’on nous présente comme absolument nécessaires de nos jours. Je ne voulais pas de suspension électronique complexe ni de pare-brise à commande électrique – qui ajoute un poids supplémentaire haut perché. De même, je ne voulais pas privilégier la puissance, mais plutôt le couple et, surtout, je voulais profiter d’une des principales qualités légendaires de la V-Strom, la fiabilité. Bref, je n’ai pas choisi la V-Strom malgré son manque de gadgets, mais à cause de son manque de gadgets.
J’aime beaucoup la Triumph Tiger 1200, mais son centre de gravité est stratosphériquement élevé! La grosse GS de BMW est une merveille technologique, mais elle s’avère plus lourde que bien des modèles de tourisme sportif. La Ducati Multistrada tient très bien la route, mais en augmentant la précharge de l’amortisseur arrière, la V-Strom XT fait tout aussi bien, sinon mieux.
Cela dit, la V-Strom n’est pas parfaite, loin de là. Mais à partir de sa construction de base simple et légère, je me suis donné pour objectif de rendre cette machine économique égale – ou même supérieure! – à ses rivales vendues à gros prix!
Un des effets secondaires de l’obsession de Suzuki pour obtenir un prix de vente abordable, c’est le comportement de la suspension. La fourche inversée KYB semble sophistiquée avec ses possibilités d’ajustement (précharge, amortissement en compression et en détente), mais comme nous l’expliquons en détail dans l’article technique sur les suspensions présenté ailleurs dans ce numéro, il s’agit en réalité d’un modèle très basique. Le dispositif d’ajustement de l’amortissement en compression, par exemple, situé en bas de chaque poteau de fourche, n’a pratiquement aucun effet sur le comportement de la suspension. Au début, nous avons cru que l’explication provenait de vis d’ajustement endommagées. Mais non, c’est juste qu’elles ne servent presque à rien. J’ai pu regagner une plage d’ajustement digne de ce nom avec une valve K-Tech, à 185 $. Il en va de même pour les composantes intérieures. Les ressorts et l’amortissement en compression se trouvent bien calibrés pour un pilote de 80 kg, mais la fourche arrive à bout de souffle dès qu’on prend un passager ou qu’on roule sur des routes trop cabossées. La seule façon de corriger la situation, c’est de faire faire une reconstruction complète chez Racetech ou de remplacer les cartouches en entier par les modèles AK-20 de Traxxion Dynamics (c’est ce que j’ai fait).
La situation est semblable dans le cas de l’amortisseur arrière. Pour rouler à deux régulièrement, il faut absolument un nouveau ressort plus ferme et une mise à niveau du système hydraulique. De plus, pour améliorer ces composantes internes peu sophistiquées, il faut faire appel à des spécialistes et la facture peut monter rapidement. Mieux vaut alors opter pour un produit de remplacement de meilleure qualité. Personnellement j’ai choisi un amortisseur Touratech (ce n’est pas parce qu’on aime la simplicité qu’on n’est pas prêt à payer pour des composantes haut de gamme…!).
Les valises latérales offertes par Suzuki pour les V-Strom 2014 à 2018 font également partie de la catégorie des choses à améliorer. Très semblables aux minuscules valises proposées par Yamaha Canada pour la Tracer GT, elles sont capricieuses et pas très costaudes. Et elles coûtent une petite fortune : 1397,18 $. Pour environ le même prix, vous pourriez obtenir des valises latérales Shad SH35, plus la valise centrale SH59X et toute la quincaillerie de montage. Cette valise centrale est extensible; elle peut passer d’un format relativement compact de 46 litres à un imposant volume de 59 litres (ce qui permet de mettre facilement deux casques intégraux). Ce trio de valises est le meilleur que j’ai jamais essayé. Il a en plus l’avantage de vous permettre de retirer la clé sans nécessairement verrouiller les valises. Le seul défaut par rapport aux valises de Suzuki, c’est qu’on ne peut pas les actionner avec la clé d’allumage.
J’ai également installé le plus récent pare-brise Airflow de Givi. En combinaison avec le système manuel d’ajustement de la hauteur, il illustre à merveille toute l’élégance de la simplicité. Ce Givi est le meilleur pare-brise de remplacement qui soit. Sur la XT, il crée une zone de protection aérodynamique et sans ballottements de très haut niveau. Même dans la position la plus basse et avec le deuxième écran ajusté en position inférieure, il n’y a pratiquement pas de turbulences jusqu’à 150 km/h. En position élevée, la protection contre la pluie équivaut presque à celle d’une Gold Wing. La simplicité est souvent l’expression ultime de la sophistication; ce système à ajustement mécanique s’avère supérieur à tous les systèmes à commande électrique que j’ai essayés jusqu’ici sur des machines d’aventure.
La selle de série du modèle 2018 n’est pas aussi confortable que celle de la première génération, du moins pour ma morphologie. L’assise est sensiblement plus ferme et trop inclinée vers l’avant à mon goût. Selon mes observations préliminaires, le modèle de remplacement Shad, de largeur et de hauteur comparables, semble un peu plus accueillant. La Sargent est plus large et plus confortable (mais plus haute). Pour l’instant, j’aurais tendance à recommander la Shad pour les pilotes plus petits ou qui priorisent la conduite sportive et les déplacements latéraux sur la selle en virage. Quant à la Sargent, elle a séduit un ami de grande taille amateur de grandes distances. Cette selle s’avère aussi particulièrement bien construite et sa structure abrite une lampe de poche et un compartiment pour les papiers. Voyez l’essai complet de ces deux modèles dans un prochain numéro ainsi que l’évaluation d’une selle de série modifiée.
Et combien ça coûte, toutes ces améliorations? Environ 6500 $ pour tous les accessoires présentés ci-dessus. Je sais, le montant semble élevé pour une moto qui se veut économique au départ. Par contre, le prix total pour une DL1000 2019 neuve (14 099 $) plus ces accessoires demeure bien inférieur à celui d’une Triumph Tiger 1200 (avec valises rigides Givi) ou d’une Ducati Multistrada de grosse cylindrée. De plus, ma V-Strom 1000 est tout aussi confortable que la Tiger tout en donnant l’impression de peser 50 kg de moins. Et elle tient certainement la route aussi bien que la Ducati tout en se montrant nettement plus confortable. En outre, les valises sont supérieures.
Je crois que Suzuki fait une grosse erreur en continuant à installer certains éléments bas de gamme dans la grosse DL. D’accord, c’est sans doute une bonne idée de marketing de continuer à offrir un modèle de base à prix avantageux, mais je crois que la firme rate une belle occasion dans le cas de la XT, qui se veut plus sophistiquée. À en juger par le nombre d’amateurs de V-Strom qui s’échinent à faire des modifications semblables aux miennes, Suzuki aurait pu doter la XT d’une meilleure suspension et de meilleures valises. Elle aurait ainsi facilement pu justifier un prix supérieur – 1500 $ de plus, par exemple – au lieu du maigre 600 $ actuellement requis pour passer à la XT. Un ajout de 1500 $ n’est pas négligeable, mais ce montant s’avère tout de même radicalement inférieur au coût des accessoires ajoutés par les V-Stromistes. De plus, le prix de détail final demeurerait bien en dessous de celui des concurrents.
Ceci dit, il y a de l’espoir puisque Suzuki offrira une version « Aventure » de la XT en 2019 avec poignées chauffantes, protège-moteur et, surtout, des valises latérales SW-Motech qui semblent excellentes. Il ne restera plus que la suspension à améliorer. L’année prochaine, peut-être?