En lisant mon titre, vous vous demandez sûrement c’est qui ce gars-là (comme dirait un ancien premier ministre). Bien franchement, pour moi aussi, ce nom n’évoquait rien avant de lire un article provenant du livre On Motorcycles : The Best of Backmarker de mon confrère Mark Gardiner (un cadeau de Noël de ma douce). Ce bouquin renferme près de 80 de ses meilleures chroniques publiées au fil des ans sur son blog. En fait, Pierlucio « Spadino » Tinazzi, c’est un gars ordinaire, accessoirement motocycliste, qui a accompli, le 24 mars 1999, un acte extraordinaire pour tous, mais qui, pour lui, n’était qu’une partie de son boulot. Voici donc ce qui se serait passé en ce mercredi noir qui restera gravé dans la mémoire de plusieurs. Le tunnel du mont Blanc, d’une longueur de 11,6 km et qui permet une réduction de parcours entre Chamonix et Aoste (Italie) de 60 km, fut inauguré en 1965.
En ce matin du 24 mars 1999, un camion semi-remorque frigorifique belge qui transportait de la margarine et de la farine a pris feu vers 11 h, à environ 7 km de l’entrée française du tunnel. Le violent incendie qui en suivit a causé la mort de 39 personnes et entraîné la fermeture du tunnel pendant une durée d’environ 3 ans. Il aura duré près de 53 heures et provoqué la destruction de 24 poids lourds, 9 véhicules légers et une moto, sans prendre en compte les deux véhicules de secours immobilisés dans le tunnel sans qu’ils aient pu intervenir. Il fallut attendre près d’une semaine avant que le tunnel se refroidisse assez pour que l’investigation puisse débuter.
Que faisait donc Spadino ce jour-là? Une partie de son travail consistait à faire des allers-retours dans le tunnel sur sa motocyclette pour garder le trafic fluide, guidant les dépanneuses et fournissant l’assistance mécanique aux usagers de la route si nécessaire. La légende voudrait que, lors de l’incendie du tunnel du mont Blanc, il sauvât la vie à 8 personnes en faisant des allers-retours avec sa motocyclette dans le tunnel pour porter secours aux personnes prises au piège. Lors de son dernier voyage, il se réfugia dans un abri dont il ne sortit jamais. Pierlucio avait auparavant refusé une promotion lui permettant de travailler au bureau principal du côté italien, car il préférait piloter sa machine (une BMW K75) plutôt que de rester assis dans un bureau. Si Hollywood décidait un jour de faire un film sur sa vie et sa triste fin, ce serait une version à la Sylvester Stallone, la moto traversant les gerbes de feu et des explosions de chaque côté, le héros sauvant la totalité des gens pris au piège… Dans les faits, Spadino n’aurait secouru qu’une seule personne, qu’il a aidée à sortir de son véhicule et à l’accompagner dans un abri, qui leur permettra d’échapper au brasier que momentanément. L’abri en question étant conçu pour protéger ses occupants pour une durée de 4 heures, l’incendie fit rage durant plus de 50… Parfois, notre imagination nous aide à déformer la réalité. Le jour de l’incendie, plusieurs rescapés auraient affirmé avoir été sauvés par ce motard téméraire. Pourtant, quelques mois plus tard, l’enquête démontrera qu’en réalité, aucun d’entre eux ne fut réellement sauvé par lui. Qu’importe, depuis plus de 15 ans, le dernier dimanche de mars, des centaines de motocyclistes se donnent rendez-vous pour une randonnée jusqu’au monument commémoratif qui lui a été érigé. La FIM (Fédération internationale de motocyclisme) lui a décerné, en 1999, à titre posthume, la médaille d’or du Mérite Motocycliste. Son courage a également été reconnu par la remise de la medaglia d’oro al Valor Civile.
Les superhéros font salle comble dans les cinémas ces temps-ci. Des personnages imaginaires dotés de pouvoirs plus fantastiques les uns que les autres… Pourtant, nous pouvons tous être des Spadino; il suffit d’être à l’écoute de notre entourage et de foncer! Je sais, les tunnels en feu sont assez rares au Québec (quoique certains viaducs représentent un danger certain). Je veux plutôt dire que par de petits gestes, nous pouvons devenir le héros d’un jour à plus petite échelle. Laisser passer un piéton (prenons exemple sur nos voisins des autres provinces et États) à une intersection, dans un stationnement ou à une traverse piétonnière. Je le fais et, chaque fois, je reçois un sourire gratuit! Même chose pour les entrées et sorties d’autoroute, laissez de l’espace aux poids lourds qui, bien souvent, se font couper par des étourdis qui croient qu’un 53 pieds s’arrête sur un 10 sous! Et finalement, si vous êtes un motocycliste expérimenté qui pilote selon les règles, donnez un peu de votre temps en accompagnant un débutant. Il vous en sera reconnaissant éternellement!