Polaris Slingshot: Dérapages imprévus

Par Neil GrahamPublié le

Neil Graham a été un des premiers journalistes à essayer le Slingshot de Polaris, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu…
J’avais un mauvais pressentiment. J’ai ralenti, j’ai gardé un œil plus attentif sur le trafic en sens inverse et j’ai manipulé le volant de façon aussi fluide que possible. Mais c’est arrivé quand même : le Slingshot s’est mis à déraper, il a glissé dans un fossé et je me suis retrouvé dans un marais… J’ai mis la main dans l’eau pour détacher la ceinture de sécurité et je suis revenu au bord de la route. Je venais de partir du siège social de Polaris au Minnesota et j’avais parcouru à peine 10 km. Pour un lancement de nouveau produit, c’était raté.

Quand j’ai appris que Polaris voulait produire un véhicule à trois roues, je croyais qu’il viserait directement son grand rival, BRP, le fabricant des Spyder. Mais ce n’est pas le cas. Mis à part la configuration de base – deux roues à l’avant et une à l’arrière – ces deux modèles n’ont absolument rien à voir entre eux. 

Le Slingshot est propulsé par un quatre cylindres General Motors de 2,4 litres. Il livre ses 173 chevaux par l’intermédiaire d’une transmission manuelle à cinq rapports. Sous la carrosserie aux lignes impressionnantes, on trouve un cadre en acier tubulaire et un bras oscillant en aluminium. La roue arrière est entraînée par courroie. Le modèle de base (21 999 $) est gris; il est doté de roues de 17 pouces à l’avant, et 18 à l’arrière. Le SL (26 499 $) est habillé de rouge; roues de 18 pouces à l’avant et 20 à l’arrière. Il est également équipé d’un écran ACL, de la connectivité Bluetooth, d’une caméra de recul, d’une chaîne stéréo à six haut-parleurs et d’une paire de pare-brise tronqués.

Lors de ce lancement, il y a eu pas mal de pluie, mais pas assez pour ralentir l’enthousiasme des gens de Polaris. J’ai donc pris place dans un modèle SL, avec le directeur des produits Chad Nibbelink à mes côtés. Dans le stationnement, j’ai enfoncé brièvement l’accélérateur pour vérifier que le système antipatinage était bien enclenché. Il en est résulté un dérapage significatif du train arrière… Rien pour me rassurer. Puis, sur la grande route, j’ai constaté que le régime du moteur fluctuait passablement même en maintenant l’accélérateur en position stable. J’ai supposé que c’était parce que le pneu arrière faisait de l’aquaplanage et que l’antipatinage n’arrivait pas à réagir assez rapidement. Un peu plus loin, à environ 70 km/h sur une ligne droite, le Slingshot est parti de côté et il a quitté la route. Ça s’est passé tellement vite que je n’ai pas eu le temps de réagir.

Les gens de chez Polaris sont venus nous chercher et ils ont ramené le Slingshot pour le faire inspecter par les ingénieurs. Ils ont conclu que les pneus avant avaient été montés à l’envers, et qu’au lieu de chasser l’eau à l’extérieur de la surface de roulement, c’est le contraire qui se produisait, d’où l’aquaplanage.

Avec les pneus dans le bon sens et une accalmie côté précipitations, j’ai repris la route avec Nibbelink pour une promenade d’une vingtaine de minutes. Le Slingshot s’est alors révélé un véhicule exceptionnellement agréable à piloter, particulièrement rapide et agile. Un peu plus tard, j’ai pris place comme passager avec un pilote de Polaris au volant, et nous avons roulé sur la piste d’essai. Les forces générées en virage m’ont impressionné et, même avec l’antipatinage débranché, le Slingshot gardait toujours solidement le cap. J’ai pris le volant à mon tour et je me suis amusé comme si j’étais dans un kart avec un gros moteur. Très très agréable!

Puis c’est arrivé encore : une autre sortie de route. Sur la même section de route que moi, Nibbelink s’est retrouvé dans le fossé. De toute évidence, le problème ne provenait donc pas uniquement des pneus montés à l’envers.

Environ une semaine après être revenu au bureau, j’ai reçu des coups de fil de la compagnie de relations publiques de Polaris qui demandait gentiment si j’accepterais de retarder la publication de mon texte, et de retourner au Minnesota pour essayer le Slingshot à nouveau. J’ai patiemment expliqué qu’on ne pouvait pas effacer la réalité, et que j’aimerais parler à un ingénieur afin de comprendre ce qui s’est passé au juste, et de voir ce que l’entreprise allait faire pour régler le problème. Trois semaines plus tard, j’ai reçu un appel : Nibbelink et le directeur de produit pour le Slingshot, Chris Doucet, étaient en ligne.  

Doucet a expliqué qu’après notre départ, il y a eu un branle-bas de combat et qu’on a déterminé que ce comportement du Slingshot était « inacceptable ». Je lui ai demandé s’ils avaient fait des essais sous la pluie auparavant. Doucet a répondu qu’ils avaient conduit le Slingshot dans toutes les conditions météo possibles, et qu’ils n’avaient jamais expérimenté rien de semblable à ce qui s’est passé ce jour-là.

Après une semaine d’examens, les techniciens de Bosch (qui fournit le système de stabilisation électronique) en sont venus à la conclusion que le problème ne provenait pas des composantes électroniques. Pendant ce temps, Doucet et son équipe poursuivaient leur analyse; ils ont remarqué que les deux pertes de contrôle avaient eu lieu alors que seulement une des deux roues avant franchissait une flaque d’eau. Ils ont donc recréé cette situation en aménageant une dépression de 25 mm remplie d’eau sur la piste d’essai. Nibbelink a pris le volant et, effectivement, le Slingshot s’est retrouvé hors de contrôle, tout comme lors de cette journée fatidique quelques semaines plus tôt.

Maintenant que le problème était connu, les ingénieurs pouvaient se mettre au travail. Les gens de Polaris ont fait des centaines de passages dans la flaque d’eau artificielle de la piste, avec toutes sortes de véhicules à deux, trois et quatre roues. (Doucet a refusé de révéler les modèles spécifiques, mais on peut parier qu’il y avait un Spyder). Finalement, en modifiant l’inclinaison des roues avant, la pression des pneus et la calibration de la direction assistée, Polaris a réglé le problème. (Une abondante documentation vidéo permet de voir le comportement du véhicule avant et après l’implantation des changements)

Au départ, les gens de Polaris auraient préféré que cette histoire ne soit jamais publiée. Mais je dois reconnaître que par la suite, ils ont agi de façon très transparente et offert une collaboration réelle. Il arrive souvent que de nouveaux véhicules présentent des problèmes. Même Toyota doit parfois rappeler des modèles. Pour Polaris, le défi était encore plus grand parce qu’il s’agissait d’une première expérience avec ce type de véhicule. En ayant eu l’occasion de voir les hommes et les femmes de chez Polaris réagir à cette situation, mon estime de la compagnie n’en est que plus forte.

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