Pour du plaisir garanti, il suffit d’ajouter un piston, beaucoup de puissance, un poids minime et un châssis rigide. La puissance élevée de certaines sportives n’est pas toujours facile à gérer. Arriver à maîtriser une supersport moderne de classe Open, dont la puissance avoisine les 200 ch, exige une maîtrise de pilotage que peu de gens possèdent. Même les pilotes les plus chevronnés actionnent la poignée droite de ces monstres de puissance avec une touche d’appréhension. Tournez la poignée trop vigoureusement, et ces motos vous le feront payer. La puissance des supersports de moyenne cylindrée se gère nettement mieux, mais il manque à la plupart la poussée à bas régime qui facilite et agrémente la conduite en ville. À moins que vous ne fassiez grimper les tours jusqu’à ce que le moteur atteigne un régime dans les cinq chiffres, la faible livrée de puissance de ces poids moyens est à peine suffisante pour vous faire battre des cils. Les bicylindres et les trois cylindres proposent une bande de puissance musclée, un profil effilé ainsi qu’un son envoûtant, mais ils n’arrivent toujours pas à égaler l’agilité et le faible poids des monocylindres (la seule exception possible étant les bicylindres en V compacts de 450 et 550 cm3 d’Aprilia).
Par contre, les monocylindres manquent de puissance brute et émettent souvent des vibrations d’une intensité qui se fait ressentir jusque dans les os. Il s’agit de machines simples et peu coûteuses à entretenir, mais pour ce qui est de leurs performances pures et simples, mieux vaut comparer leur consommation d’essence que leur temps de passage !
KTM se spécialise dans les monocylindres puissants. Après avoir piloté les derniers modèles 690 Duke et 690 SMC dans le cadre du lancement de presse de KTM, qui a eu lieu à Almeria, en Espagne (j’ai également piloté une 690 Enduro, mais je vous en dirai plus au sujet de ce modèle dans un prochain numéro), j’ai changé mon fusil d’épaule à propos des idées préconçues que j’entretenais à l’égard des performances des monocylindres de route. Si ce n’était le calage à 720 degrés de son moteur, on pourrait facilement penser que la Duke que j’ai testée était tout sauf un monocylindre. Le fait d’enrouler la poignée des gaz entre chaque virage serré sur des routes de montagne étroites sans glissière de sécurité procure des accélérations qui, je dois l’admettre, s’apparentent à celles des sportives les plus puissantes. La puissance attribuée de cette moto est de 65 ch, valeur que seules les sportives pures à monocylindre pouvaient développer auparavant. Cette puissance pourrait être loin d’impressionner ceux qui ne conduisent qu’en faisant frotter leur genou en virage, mais il faut tenir compte qu’avec un poids à sec d’à peine 148 kg (326 lb), la Duke affiche un avantage de poids d’environ 13 kg (29 lb) sur les plus légères des 600.
Avant de vous donner mes impressions sur la conduite de ces deux montures, il est important de noter qu’elles n’ont en commun que leur moteur et le filage. La SMC s’articule étroitement sur le modèle Enduro, mais est dotée de suspensions plus fermes réglées en mode supermoto, de roues de 17 pouces et d’un freinage plus puissant. Son cadre treillis en chrome molybdène affiche une géométrie de direction légèrement modifiée – chasse de 27 degrés/112 mm et empattement de 1 480 mm (58,3 po) contre une chasse de 26,5 degrés/115 mm et un empattement de 1 472 mm (57,9 po) pour la Duke –, un bras oscillant en aluminium moulé en coquille coulée par gravité et un sous-cadre arrière unique en plastique intégrant un réservoir d’essence de 12 litres. Le moteur est situé plus loin à l’avant du cadre et la boîte à air est montée au-dessus du moteur, à l’endroit où se trouve habituellement le réservoir d’essence. Le cadre treillis de la Duke est conçu de façon plus rigide, se composant de poutres principales d’un plus grand diamètre, est plus large à l’arrière et est muni d’un bras oscillant en aluminium moulé sous pression au revêtement extérieur nervuré monté à l’intérieur des poutres du cadre. La boîte à air de la Duke se situe sous la selle, soutenue par un sous-cadre en aluminium, et le réservoir d’essence se trouve à son emplacement habituel au-dessus du moteur. Le système d’échappement de la SMC comporte des silencieux surélevés sur le côté gauche de la moto, et ils produisent une chaleur brûlante, ce qui n’est pas le cas sur la Duke puisque son pot d’échappement est situé sous le moteur comme sur les Buell. On trouve des repose-pieds pour le passager sur la Duke et sur la SMC, mais ils ne sont pas installés sur cette dernière.
La principale caractéristique des nouveaux modèles 690 est leur tout nouveau bloc LC4 de 654 cm3. Introduit l’an dernier sur la 690 Supermoto, au sujet de laquelle nous avions déclaré qu’elle était « le monocylindre le plus puissant que nous ayons jamais piloté », il donne un sérieux coup de pied aux fesses. L’injection d’essence électronique alimente des corps de 46 mm, mais fait plus important encore, le système d’injection Keihin du bloc LC4 est un véritable système « fly-by-wire », très semblable à celui de la Yamaha R6. Le papillon des gaz est actionné par servomoteur, mais peut être désactivé manuellement par le câble d’accélérateur si le système subit un pépin électrique. Grâce à ce contrôle électronique, les ingénieurs ont été en mesure d’offrir plusieurs configurations de la courbe de puissance, qu’on peut sélectionner au moyen d’un bouton de commutation automatique situé sous la selle sur la SMC, et derrière le longeron latéral droit du cadre sur la Duke. Trois courbes de puissance sont disponibles : une courbe standard (numéro 2) qui procure une puissance maximale à régime élevé et une réponse plus modérée à basse vitesse, une courbe agressive (numéro 3) qui permet d’ouvrir plus rapidement le boîtier papillon à régime moins élevé pour une meilleure réponse, et une courbe de faible puissance (numéro 1) qui réduit la puissance de 30 pour cent sur l’ensemble de la plage des régimes, limitant la puissance à 48 ch. Une quatrième courbe est disponible sur la SMC quand de l’essence de piètre qualité et à faible degré d’octane est utilisée.
La position de conduite sur les deux modèles s’apparente à celle d’une monture hors route, ce qui accroît la maîtrise et rehausse le transfert de poids quand on pilote l’une ou l’autre de ces montures sur des sentiers en lacet étroits. La position de conduite relevée (la SMC possède un guidon ajustable en quatre positions) se veut également plus confortable que la position recroquevillée propre aux supersports, ce qui soulage les poignets et le dos du conducteur, bien qu’à vitesses plus élevées, cela entraîne d’ennuyeux coups de vent. La selle de la Duke (hauteur 865 mm/34 po) est ferme tout en étant large, procure un bon soutien et était toujours relativement confortable après notre boucle de 120 km que nous avons effectuée deux fois. Selon Joachim Sauer, directeur des produits pour KTM, la selle plus étroite et plus rigide de la SMC est « conçue pour une conduite agressive », ce qui signifie en jargon KTM : restez debout ou trouvez-vous une route très sinueuse et faites-la rapidement, parce si vous demeurez assis sans bouger pendant à peine 15 minutes, vous aurez mal au derrière jusqu’au lendemain. Au moins, la douleur infligée par la selle sadique de la SMC (hauteur de 900 mm/35,4 po) n’est pas exacerbée par des vibrations. Un contre-balancier par commande par engrenages permet de réduire les trépidations du moteur à un faible soubresaut, transmis principalement par le guidon en aluminium évasé Renthal. La réduction des vibrations par rapport à celles que produisait l’ancien moulin LC4 rehausse davantage l’attrait des nouveaux modèles 690. Seule une vibration brouillant la vision dans les rétroviseurs se manifeste à 100-110 km/h (4 300-4 500 tr/min), ce qui est plus perceptible sur la Duke, mais l’est beaucoup moins que sur n’importe quel modèle Ducati, par exemple. L’espacement des rapports est éloigné sur les deux machines, afin de répondre aux normes en matière d’émissions polluantes, et il l’est plus encore sur la Duke (40 pignons à l’arrière contre 42 pour la SMC), étant donné que sa boîte à air moins restrictive produit plus de bruit à l’admission (ce qui explique la puissance de 63 ch légèrement moins élevée de la SMC).
Le style de ces deux modèles est non seulement différent, mais indique sans équivoque l’utilisation prévue de la moto. La SMC se comporte exactement comme son allure le suggère, soit comme une moto hors route convertie en supermoto. Elle est donc davantage conçue pour la piste, ce qui compromet son utilisation sur route. Sa direction est vive comme l’éclair, au détriment de sa stabilité à vitesses élevées, et la suspension WP est trop rigide pour être confortable telle que livrée, mais de nombreux réglages sont possibles aux deux extrémités (la suspension arrière est à tringle sur tous les modèles 690, ce qui constitue une première pour KTM en temps moderne). Des secousses sont perceptibles à vitesse stabilisée au-dessus de 120 km/h, lesquelles sont produites principalement par l’effet de levier que procure le large guidon, mais aussi par une répartition du poids plus directe que sur la Duke. La direction plus rapide de la SMC constitue un atout sur la piste de supermoto improvisée par KTM dans le stationnement de l’hôtel. Sur cette piste, la SMC s’incline aisément dans les virages serrés se négociant en première, en communiquant une rétroaction étonnante à l’avant et une adhérence exceptionnelle à l’arrière. J’ai été surpris à maintes reprises par le degré d’adhérence du train avant, m’attendant souvent à me retrouver sur le derrière après avoir appliqué une pression continue sur les freins avec tellement de force qu’il ne semblait pas naturel que la moto demeure en position relevée. Si j’étais tombé et n’avais pu relever la moto dans les cinq secondes suivant ma chute, un senseur mobile aurait coupé le moteur et il aurait fallu éteindre et rallumer l’interrupteur d’allumage pour le réinitialiser. Un embrayage à rétroglissement (également offert de série sur la Duke) rehausse nettement les amorces en virage. Avec ses 140 kg (310 lb à sec), la SMC est légèrement trop lourde pour la piste hyper serrée du stationnement de l’hôtel et elle n’affiche pas l’agilité s’apparentant à celle d’un vélo de la 560 SMR que j’avais testée l’été passé (MJ, Nov./Déc. 2007), mais elle récolte plusieurs points au chapitre de l’agrément de conduite.
La Duke a fière allure avec ses phares avant superposés, sa tête étroite, ses lignes angulaires et ses roues en aluminium coulé. C’est une moto de route plus équilibrée, combinant une tenue de route irréprochable et une plus grande stabilité à haute vitesse ainsi qu’un confort accru grâce aux réglages plus souples de ses suspensions et à une selle plus confortable. KTM a nettement amélioré les aspects plus bruts de l’ancien modèle, tout en conservant son côté sportif qui cadre avec le slogan « Prête à courser » de la firme autrichienne. En ville, la Duke se comporte comme une moto standard tout en négociant les virages comme une authentique sportive. Grâce à sa grande livrée de puissance, les changements de rapports sont presque superflus, même si la boîte de vitesse permet des changements de rapports avec une précision et une facilité propres à KTM. L’espacement légèrement plus éloigné des rapports requiert un léger glissement de l’embrayage au décollage, et les dépassements rapides à partir de 100-110 km/h nécessitent que l’on rétrograde, tandis qu’une brève incursion sur l’autoroute révèle une conduite sans effort à 140 km/h, et une accélération plus que suffisante à partir de 160 km/h. J’envisagerais d’espacer les rapports sur la Duke comme sur la SMC afin d’obtenir la même maîtrise de l’accélérateur à basse vitesse que sur cette dernière ainsi qu’une réduction des vibrations présentes sur le dernier rapport à la limite de vitesse.
J’ai également piloté la Duke sur la piste de supermoto, où elle m’a surpris par son agilité, malgré son poids accru. Elle affiche également une adhérence et une rétroaction étonnantes à la roue avant, et ce, même si elle est chaussée de pneus Dunlop Sportmax (la SMC est offerte de série avec des pneus Pirelli Super Corsa), et les transitions entre les virages s’effectuent de façon à peine plus laborieuse. Le freinage est similaire sur les deux motos, qui sont dotées d’étriers radiaux à quatre pistons (et quatre plaquettes de frein) Brembo agrippant des disques différents de 320 mm en raison de la configuration différente du montage des roues (roues à rayons sur la SCM comparativement à des roues en aluminium coulé Marchesini sur la Duke). La puissance du frein avant permet facilement de faire lever la roue arrière d’une simple pression de deux doigts, tout en étant facile à moduler, et aucun fading n’était perceptible après une douzaine de tours de piste.
J’ai testé les trois courbes de puissance sur les deux modèles. La courbe agressive rend la réponse de l’accélérateur un peu trop saccadée à bas régime pour une utilisation pratique sur route, mais a procuré une excellente réponse à la sortie des virages plus serrés de la piste de supermoto improvisée. La courbe standard convient mieux à un usage au quotidien, transmettant une réponse plus douce de l’accélérateur, tout en livrant toute la puissance nécessaire. La courbe de faible puissance m’a semblé superflue, mais elle vous empêchera de vous mettre dans le pétrin puisque ces deux motos tentent constamment de se relever sur la roue arrière quand les modes de puissance plus élevés sont sélectionnés. Il faut noter que lorsque vous sélectionnez un mode de puissance, il demeure enclenché jusqu’à ce que vous vous arrêtiez, contrairement à certaines autres motos (Suzuki, Aprilia et Benelli), qui permettent de changer le mode de puissance en roulant.
KTM produit depuis longtemps des motos hors route de qualité aux performances élevées, et au cours des dernières années, le constructeur autrichien a fait une percée sur le marché des motos de route. Après avoir parlé aux ingénieurs et au personnel administratif au cours du lancement de presse, je peux vous affirmer avec certitude que vous ne verrez jamais un cruiser d’usine KTM. Vous constaterez une présence accrue de KTMsur la route, mais l’objectif visé demeurera la haute performance. La SMC, qui se détaille 9 898 $, sera plus difficile à vendre, son utilisation étant trop pointue pour être pratique. Toutefois, la Duke, qui se détaille 10 498 $, s’envolera fort probablement comme des petits chauds des concessions, et à mon avis, ce modèle redéfinira la catégorie des motos de route à monocylindre. Mais peu importe le modèle que vous choisissez, trouvez-vous une petite route sinueuse et faites monter la cadence – et pour un monocylindre, vous constatez qu’elle peut atteindre une cadence étonnante – et vous mettrez dans l’embarras vos amis pilotes de sportives.