Yamaha TZ750, le pur-sang

Par Neil GrahamPublié le

Elle est la moto de course la plus crainte de son époque, mais si la Yamaha TZ750 est féroce sur les pistes de course, elle est de la folie sur la route.

Les instructions de démarrage de Bar Hodgson étaient simples : « Je vais te pousser et quand je crie, tu lâches la clutch. » Facile à dire, sauf que je fais face à une clôture d’acier au bout de son entrée de garage, et qu’après avoir fait démarrer cette GP deux temps à quatre cylindres, je vais devoir parvenir à l’arrêter à temps pour ne pas m’incruster dans le grillage et en ressortir en tranches fines. Mais j’ai appris avec le temps qu’il vaut mieux paraître en confiance lorsqu’on emprunte une moto, et que plus elle vaut cher, plus il faut montrer sa bravoure. Un frisson m’envahit, même s’il fait 35 °C.

Lancée en 1974, la TZ750 (les premiers exemplaires avaient 700 cm3, mais le saut à 750 cm3 s’est fait peu après) était la réponse de Yamaha à un créneau vacant dans sa gamme de modèles. La marque avait eu du succès avec son bicylindre parallèle de 350 cm3 à deux temps, remportant Daytona contre des motos plus grosses, mais elle désirait maintenant concourir avec un moteur plus costaud. Son moteur à quatre temps bicylindre en parallèle ne convenait pas pour la compétition, car il manquait de puissance aux côts des concurrents à trois ou quatre cylindres. Yamaha a alors développé une moto GP pour les professionnels. La première mouture de 200 unités (requise pour l’homologation de l’AMA) surpassa instantanément toute autre moto de course. Giacomo Agostini remporta le Daytona 200 en 1974 sur une TZ750, à une époque où cette course était la plus convoitée de toutes, et chaque année jusqu’en 1982, ce fut aussi une TZ750 qui se classa en tête. Si vous étiez un coureur très compétent et suffisamment fortuné, vous disposiez là d’une monture professionnelle. Après la disparition de la catégorie World GP 750 à la fin des années 1970, et alors que la production cessait, plus de 500 exemplaires avaient déjà trouvé preneurs chez des particuliers. Et dans les années 1990, un cardiologue de Washington D.C., Sean Dwyer, dénicha une TZ750 tout en morceaux.

Dwyer avait déjà couru dans des compétitions de la WERA dans l’ouest des États-Unis sur une TZ350, et il avait eu vent de la rumeur qu’une deux-temps anglaise avec un cadre Spondon et un moteur TZ750 languissait en Floride. Étant donné son expérience en course sur une TZ350, j’avais demandé à Dwyer pourquoi il n’avait pas choisi de faire des compétitions pour motos anciennes au lieu de transformer cette TZ750 en moto de route. « C’est que je voulais fabriquer la moto de route la plus excessive qui existe, s’était-il esclaffé, mais même avec un plein atelier de machines-outils, ce fut beaucoup de travail.»

Débutant avec un simple manuel d’entretien, Dwyer reconstruisit d’abord le moteur, un processus qu’il a décrit comme « bien amusant », puis il se mit à la recherche de pièces pour compléter le tout. Les roues et la fourche proviennent d’une ancienne GSX-R, mais l’alignement de la roue arrière avec les pignons du moteur fut « un très long travail avec une règle à mesurer » qui a requis la fabrication d’un pignon de contre-balancier décentré, avec moins de dents que le pignon de série afin d’abaisser le ratio final, dans l’espoir que la moto serait moins « déplaisante à basse vitesse que la moto originale ».

Le plus grand défi fut sans doute le pot d’échappement. Dwyer acheta un ensemble de cônes individuels de la firme britannique Swarbrick et l’assembla lui-même. Le réservoir de carburant fut importé d’Angleterre et Dwyer retrouva un ancien fabricant de queues de motos en fibre de verre vivant à présent en Floride. Il n’en avait pas fabriqué depuis des années – la dernière lui servait maintenant de boîte à lettres – mais devant l’insistance de Dwyer, il accepta de reprendre du service. La peinture « bourdon » Yamaha fut réalisée en l’honneur du pilote le plus souvent associé avec la TZ750, ancien champion AMA et Grand Prix 500, Kenny Roberts (Sr). Et avec l’ajout des carénages, voilà le travail.

La plupart des amateurs de reconstruction admettent que la fabrication les motive davantage que de rouler avec leur œuvre, et Dwyer acquiesce. « Le plaisir est dans la fabrication », dit-il en parlant des curieux qu’il attirait dans les rassemblements nocturnes des stationnements. Mais « c’était impossible dans la rue » et il la vendit deux ans après, afin de mettre sur pied un projet de course de voitures, un geste qu’il regrette à présent. La moto passa en fin de compte dans la collection de Bar Hodgson, promoteur du Salon de la moto de Toronto. 

Pendant que Hodgson concocte le mélange essence-huile pour le réservoir flambant neuf de la TZ, je m’assieds sur la moto, sous le regard sceptique de notre photographe Hugh McLean. Le rapport entre les marchepieds et la selle se situe à mi-chemin entre une moto sportive moderne et une moto de poche et, comme le prouveront plus tard les photos, j’ai l’air d’un singe de cirque sur une minimoto. Les carburateurs de la TZ ne permettent pas de tourner au ralenti; je dois donc attendre que la circulation passe pour monter en régimes et éviter l’étouffement et l’encrassement des bougies. Le bruit d’échappement est si prenant qu’on dirait que les tuyaux enveloppent le bas de mon corps et, lorsque je rejoins enfin le trafic rural plus lent, c’est comme écouter à tue-tête les Ramones dans une maison de retraite – je surgis méchamment derrière des mères en fourgonnette d’où les enfants se collent le nez à la lunette arrière pour mieux voir ce psychopathe qui arrive en fou.

Même si je n’ai pas d’expérience avec un quatre cylindres à deux temps, on dirait que quelque chose cloche, comme si j’avais perdu un cylindre, car les accélérations sont moins fulgurantes. S’arrêtant au bord de la route, Hodgson descend de sa camionnette d’escorte et touche avec précaution les tuyaux d’échappement; c’est bien cela : voici maintenant une TZ trois cylindres. Même en roulant sur trois cylindres pour le photographe, la TZ vous tient bien occupé. Le demi-tour s’effectue en une douzaine d’étapes embarrassantes, car la direction n’est pas très agile, et garder un moteur en hautes révolutions tout en pédalant par terre d’avant en arrière pour s’enlever du milieu de la route, ça fait bien transpirer.

Nous sommes retournés au garage de Hodgson pour changer les bougies, et cette fois, dès le démarrage, nous avons constaté que les quatre cylindres faisaient leur travail. Pour cette randonnée-ci, je serai seul. Je m’éloigne donc de chez Hodgson avec la ferme intention de garder les révolutions élevées et en espérant conserver l’intérêt de ce quatrième cylindre peu coopératif. Je coupe sur une route secondaire, enfonce les gaz et monte les rapports. C’est comme ça qu’il faut conduire une telle moto; si on retient son moteur, elle est moins à son aise, et vous aussi.

Au-delà de 7 000 tr/min, cette moto n’est plus la même. Dans les rapports élevés, le bruit de l’échappement et de l’aspiration des carburateurs augmente de façon exponentielle – mais ce sont les vibrations qui frappent vraiment. La sensation à travers vos bras et vos jambes n’est plus un simple tremblement; elle se transforme en un courant électrique qui vous traverse entièrement.

La route est droite à perte de vue, mais les longues collines ressemblent à une croustille ondulée. À la crête de la première colline, la roue avant décolle un peu et je relâche l’accélérateur, mais le moteur hoquette et le châssis vacille, et je décide qu’il vaut mieux ouvrir les gaz que corriger avec le guidon. Je prends de la vitesse en descendant la colline et, sur la crête suivante, j’avance la tête au-dessus de la roue avant au moment où celle-ci se soulève, comme s’il n’y avait plus de route au-dessous. Jusqu’à présent, la TZ a ressenti, comme un bon cheval, les hésitations de son cavalier, mais maintenant elle est heureuse, car quand on a connu les hauts talus de Daytona, on ne recherche que les accélérations intenses pour vivre pleinement.

 

 

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