Il n’est pas rare qu’un projet de restauration développe sa propre vie. Le processus de reconstruction peut devenir tellement obsédant pour le restaurateur que l’élimination de petits défauts risque de coûter des milliers de dollars de plus que la valeur de la machine. Mais nous n’avons jamais croisé un homme aussi obsédé que Brian Dallner.
Son histoire en est une assez commune. Résident de Kitchener en Ontario, Dallmer fait l’acquisition d’une Yamaha Turbo 650 neuve en 1982 et met 70,000 km au compteur avant de la revendre deux ans plus tard. Puis vint une longue période sans moto alors qu’enfants et carrière accaparent tout son temps. Dallmer ne se languissait pas réellement de sa moto, mais plutôt du bon vieux temps avant les enfants, le mariage et les obligations de la vie adulte… Cependant, il avait acquis assez de sagesse pour comprendre que d’abandonner sa famille représenterait un retour en arrière assez pénible, alors, il choisit la deuxième meilleure solution : la recherche d’une Yamaha Turbo !
Il en avait raté une sur le site E-Bay lorsqu’une petite annonce du journal local lui en procura une en bon état mécanique, mais laissant à désirer côté esthétique. Pour qu’il puisse retrouver l’enthousiasme de sa jeunesse, la moto se devait d’être parfaite, comme si elle sortait tout juste de la salle d’exposition !
Le moteur tournait bien, alors il n’eut qu’à le faire sabler au jet avec des écailles de noix et le repeindre. Automotive Refinishing de Waterloo s’est chargé de repeindre le carénage, tandis que Aegis Custom Powder Coating de Guelph s’occupait du cadre. Le remplacement des pièces telles les plaquettes de frein et les diaphragmes d’étanchéité des fourches fut relativement simple, mais le projet devint rapidement hors de contrôle. « Je ne pouvais trouver les protecteurs de caoutchouc qui recouvraient les tiges des miroirs, explique Dallmer. Alors, j’ai fabriqué un moule complexe à quatre éléments et j’ai développé une technique pour enlever les bulles d’air du caoutchouc liquide. J’ai effectué au moins deux douzaines d’essais avant d’être satisfait du résultat. » En essayant d’enlever les imperfections des capsules des miroirs, Dallner s’est lancé dans une autre quête et a finalement découvert qu’en appliquant de la chaleur sur le plastique, il devenait suffisamment malléable pour qu’il puisse lui redonner le fini original.
Les décalques d’avertissements, dictés par le service juridique du manufacturier, ceux que tout motocycliste sensé s’empresse d’enlever dès que la moto est dans son garage, ont aussi eu droit au traitement Dallmer. Un petit décalque anglais/japonais sur la fourche lui a demandé 25 heures de travail avant d’en arriver à une réplique exacte ! Au début, il a essayé un simple programme de traduction pour le texte japonais, mais cela n’a pas fonctionné (il avait un original mal en point aux fins de comparaison). Il a donc passé 15 heures à l’ordinateur pour trouver chacun des symboles japonais et les a recopiés à la main pour fabriquer le décalque.
Au dernier compte, la restauration d’une moto qui roulait déjà bien a demandé 840 heures de travail et a généré une entreprise maison (bdesigns.ca) qui rénove les pièces en plastique et fournit des décalques pour les motos japonaises des années 80. Quand j’ai demandé à Dallmer s’il avait l’intention de restaurer une autre moto, il a soupiré : « Je ne sais pas. Je ne suis pas certain de vivre assez longtemps pour faire une autre moto comme celle-ci. »