Une fois l’an, les Quasars envahissent les routes britanniques. Le rallye le plus récent a eu lieu au mois d’août à Hastings, East Sussex, à quelques miles du site de la bataille de 1066 qui a permis à William de conquérir une île peuplée d’anciens Vikings buveurs d’hydromel, de buveurs de bière saxons, de buveurs de vin romains et de druides trippant sur la vie. Les choses ont très peu changé depuis, malgré les lois normandes, ce qui explique pourquoi cette rencontre annuelle peut avoir lieu. Ici, en Angleterre, les motos les plus étranges et sans doute les plus laides jamais fabriquées se rencontrent pour garder en vie l’idée du Quasar.
Tirant son nom d’un objet céleste rare et éloigné, le Quasar est un engin bizarre de type motocyclette dans lequel le pilote s’allonge pieds devant dans une cabine partiellement fermée (le design est communément appelé pieds vers l’avant ou PA). Malcolm Newell rejetait l’idée simpliste d’une moto étant seulement une bicyclette avec un moteur, surtout parce qu’il détestait se faire mouiller, alors il se mit à improviser sur une idée lancée vers les 1930 concernant les façons d’améliorer la bicyclette. En utilisant diverses pièces qui encombraient son garage, il essaya d’inventer un véhicule plus intelligent, plus confortable et plus amusant. Avec l’aide de Ken Leaman et John Malfoy, Malcolm dessina et construisit 17 Quasars propulsés par un moteur 4 cylindres en ligne de 850 cm3 fabriqué par le manufacturier automobile anglais Reliant Motors, qui a fermé ses portes depuis longtemps. Quelques Quasars supplémentaires à propulsion Reliant ont été produits après la fermeture de Reliant, avec des pièces récupérées, portant le total à un peu plus de 20. Lorsque la réserve de moteurs Reliant fut épuisée, Newell construisit une poignée de Quasars propulsés par des moteurs de motos Honda, Suzuki et Kawasaki. L’esthétique n’avait jamais été l’une des préoccupations de Newell, c’est évident, un centre de gravité plus bas, la protection contre les intempéries, la position de conduite confortable et un espace de rangement recouvert feraient plus que compenser.
Le rassemblement des Quasars est un mouvement lancé au début des années 80 par quelques mécaniciens innovateurs – ou devrait-on dire des patenteux excentriques – qui pilotent et entretiennent ces machins.
Je me souviens affectueusement de Malcolm (décédé en 1994) comme d’un gnome de la grosseur d’un ours avec de grosses mains tachées d’huile et un sourire assoiffé. Il a mis au point ma première moto PA, un Honda VT500 transformé connu sous le nom de Phasar (il s’est évertué à créer des PA sans toit quand le projet Quasar est mort). Mon Éléphant blanc et son cousin à direction à moyeu central le Piment rouge m’ont aisément procuré plus de plaisir au mile que n’importe quelle autre moto ordinaire que j’ai possédée. Sur des routes sinueuses, je me souviens avoir joyeusement dépassé des motos ordinaires dans les courbes, à leur – et à ma grande – surprise. Malheureusement, mon PA était illégal au Canada; pourquoi ne pas permettre de plaquer de telles folies ici ? Malgré le fait que je n’en possède plus, l’esprit du rassemblement Quasar de cette année était tellement généreux qu’ils m’ont accueilli quand même. Au fond de moi, je suis encore une « Phasar girl », même si je suis arrivée montée sur (ou dans ?) une Carver.
Une Carver est très près de ce que Malcolm avait en tête après tout, ça ressemble à une moto, mais avec trois roues, et sa « Quasaritude » est évidente à sa carrosserie et son toit détachable. Mon ami Monty a choisi de la monter parce que toutes ses autres PA étaient dans des états, disons, moindres que prêts à rouler… Je soupçonne qu’il voulait aussi régler un débat Quasar vs Carver sur les routes du Sussex.
Monty a patienté un an avant de recevoir sa Carver One. Il dit que la Carver est l’hybride parfait qui agit en moto, mais protège comme une auto. Contrairement à certaines créations de Malcolm, la qualité de finition de la Carver est superbe et l’enclenchement des vitesses fluide et fiable. Elle se conduit comme une auto, mais se penche dans les courbes aussi bas qu’une moto de course et est parfaitement stable, peu importe la saison. Monty devient malade maintenant quand il doit se balader en auto. Ma première balade en Carver était typique – j’ai ri tout le temps.
Partout ou nous sommes allés avec la Carver, les enfants riaient, la montraient du doigt et nous envoyaient la main. Aussitôt arrêtés, nous nous préparions pour l’inévitable attroupement, les photos et les questions comme « Qu’est ce que c’est ? » et « Comment ça fonctionne ? » Présentement, il n’y a que sept autres Carver au Royaume-Uni, ce qui est surprenant pour un pays si riche en courbes, ronds-points et en pluie !
Malgré qu’il soit un ingénieur, Monty ne peut expliquer comment la Carver One arrive à faire ce qu’elle fait, alors, je n’essaierai même pas. Je peux seulement vous dire, S.V.P., dès que vous le pourrez, procurez-vous une Carver pour qu’il y ait éventuellement une Carver Two, vous ne le regretterez pas.
Au rassemblement, j’ai eu le plaisir de faire l’essai d’un autre aspect de la « Quasaritude », l’Ecomobile. Steve Van Den Berghe qui arrivait de Belgique m’expliquait qu’un cours de deux jours était nécessaire avant de maîtriser l’Ecomobile, mais que j’étais la bienvenue à bord en tant que passagère. Contrairement à la Carver, l’Eco, basse et allongée, se conduit et réagit comme une moto jusqu’à ce que vous ralentissiez, et alors, presto ! Deux roues latérales à balancier font contact avec le sol et vous êtes tout à coup en automobile. J’ai laissé Steve faire la démonstration de ses habiletés de pilote tandis que je me prélassais dans le siège du passager, semblable à un siège d’auto, profitant de l’ample espace pour les jambes et des paysages dévoilés par le dôme en plexiglas résistant aux rayons ultraviolets. Sa forme fluide aide à promouvoir l’efficacité énergétique, et elle est mieux isolée des bruits extérieurs que la Carver. Ajoutez l’air climatisé en option et l’Eco, avec son système sonore, GPS et espace de rangement serait l’ultime machine de tourisme cross-country 3 saisons. L’invention suisse est vendue sous le nom de Peraves Ecomobile et est aussi offerte aux États-Unis.
Au moins huit autres Quasars se sont finalement rendus au rassemblement de Hastings. Il y avait quelques anciennes créations de Malcolm avec sa marque de commerce, la conduite à l’aide d’un volant central à moyeu, et sa finition typiquement rustique. D’autres étaient des conversions maison, comme la PA pourpre d’Arthur qui l’a piloté depuis l’Irlande. Son Pa avait simplement un protecteur pour les jambes et un toit, élément essentiel pour les hivers pluvieux de Dublin.
Notre hôte, Mark, est propriétaire de quelques Quasars, mais aucun d’eux n’est prêt pour la route (j’ai appris qu’un Quasar n’est jamais vraiment terminé). Le soir précédant le rassemblement, à l’aide de tous ceux présents, il a réussi à en faire fonctionner trois pour notre balade. Un Quasar brûlé orne le devant de sa coquette maison de banlieue, une beauté étrange parmi les jardins de roses avoisinants. Était-ce une affirmation quelconque ? De l’art de jardin ? Mark nous explique avec le sourire que ça n’est rien de tout cela, il venait tout simplement de terminer une restauration méticuleuse d’un Quasar pour un ami, quand lors de la première sortie d’essai la moto a pris feu et brûlée. Résolu, Mark a l’intention de ressusciter la chose… un de ces quatre. Cet incident n’est qu’un contretemps mineur pour un gars qui, dans ses temps libres, a soulevé sa maison, creusé un sous-sol et transformé cet espace en un atelier de motos quasi professionnel. Mark a indéniablement hérité de la vision de Malcolm et de son attitude, sinon de son style confus. Donc, joyeusement, l’esprit du Quasar continue de vivre !