Walter Roehrich, résident de Chicago, est un ancien pilote de motocross de 45 ans d’origine allemande qui a été mécanicien pour avions et travaille maintenant comme chef technicien pour les marques Audi, Volkswagen et Porsche. Il est aussi concepteur de motos. Roehrich est l’artisan qui se cache derrière l’étonnante V-Roehr 1130, la seule « véritable » moto sport américaine.
Walter Roehrich n’est pas conformiste et cela transparaît dans la conception de ses motos, comme le montrent quelques-uns de ses anciens projets : une moto de route deux temps avec un bicylindre en V avec deux carters, un moteur qu’il a conçu lui-même avec des carters faits sur mesure et des pièces de moteur internes provenant de Yamaha YZ250, et une moto sport motorisée par un moteur Highland de 939 cm3 qu’il prévoyait de mettre en production, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se procurer le moteur suédois bicylindre en V compact et léger. C’est à partir de ce dernier projet inachevé que Roehrich a établi ses plans pour un nouveau concept au look agressif, mais il lui manquait un moteur. Le moteur de la V-Rod qui est aussi un bicylindre en V à 60 degrés, et est issu de la VR Superbike de Harley, lui a semblé être un candidat idéal.
« Je suis allé chez le concessionnaire et j’ai mesuré le moteur de la V-Rod, dit Roehrich. Tout le monde me disait qu’il était trop lourd, qu’il n’était pas adapté pour une moto sport et qu’il était trop gros. Mais j’étais certain que cela pouvait fonctionner, il est en fait moins long qu’un moteur de Ducati, par exemple. J’ai alors acheté une V-Rod usagée et je me suis mis au travail. »
Étant donné que le moteur de la V-Rod peut se commander indépendamment chez Harley et comme il existe de nombreuses pièces de performance qui peuvent y être greffées, la faisabilité d’une moto sport légère avec un moteur américain devenait tout à fait réaliste, même si elle représentait tout de même un défi d’ingénierie. « Les motos se dessinent presque par elles-mêmes, en fonction du moteur que vous utilisez, affirme Roehrich. Je savais que l’empattement pouvait être un défi, parce que même si le moteur de la V-Rod est un bicylindre en V à 60 degrés, il est tout de même long. Il est possible de l’installer au meilleur endroit dans le châssis pour optimiser la répartition des masses, tout en conservant un bras oscillant raisonnablement long pour une bonne traction. » Roehrich a relevé ce défi en positionnant le moteur d’origine de 1130 cm3 de la V-Rod, qu’il a converti avec une transmission par chaîne (afin d’éliminer le lourd système par courroie) aussi près que possible de la roue avant, avec une garde minimale d’un quart de pouce seulement lorsque la fourche est écrasée, tout en conservant un empattement de 1 422 mm, soit 8 mm de moins qu’une Ducati 1098. La fourche Ohlins offre un angle de chasse de 23,5 degrés avec un déport de 89 mm. La répartition du poids avant/arrière est de 52/48 % et son poids total est 193 kg.
Bien que le prototype utilise un moteur de V-Rod d’origine de 1130 cm3, Roehr prévoit construire un moteur à course courte avec de hauts régimes moteur. « Le kit Wiseco à gros alésage de 108 mm, combiné à une course de 65 mm donnera une cylindrée de 1190 cm3, en ligne avec les nouvelles règles du World Superbike de 1200 cm3 pour les bicylindres. Je vais aussi vérifier du côté des culasses de V-Rod Destroyer de Harley, qui ont de plus grosses soupapes et différents ports, sur un moteur qui semble tourner jusqu’à 13 500 tr/min, tandis que le nôtre est limité à 9 500 tr/min. Mon objectif pour le modèle R est de 170 ch »,explique Roehrich.
La fabrication du châssis hybride de la V-Roehr fait appel à un mélange inhabituel de matériaux, avec une paire de plaques d’aluminium billette 7775 pour le pivot du bras oscillant, collées par époxy et vissées au châssis principal de section rectangulaire en acier au chrome-molybdène. Un sous châssis en fibre de carbone supporte la partie arrière. Roehrich pense que son châssis offre les meilleures caractéristiques de tenue de route de différents designs, en combinant la rigidité d’un châssis en aluminium avec la réponse d’un châssis en acier.
Un réservoir à essence de 15 litres (qui sera augmenté à 18 litres) est situé derrière et au-dessous de la selle monoplace, et l’ECU Delphi d’origine de la V-Rod et son câblage électrique sont conservés, bien que la programmation du moteur soit modifiée avec le logiciel Race Tuner de Harley. Le bras oscillant conventionnel est en acier, mais une version monobras en aluminium est en préparation pour le modèle de production, avec une tringlerie à taux progressif en remplacement du modèle actuel à réponse directe. L’ amortisseur Ohlins totalement ajustable monté verticalement, les freins Brembo en série, les roues Marchesini et la fourche proviennent des modèles superbike de Ducati. Les phares montés en tandem viennent de la Buell Firebolt, et l’échappement fait maison utilise les deux silencieux positionnés sous la selle de la Yamaha R1. J’ai été assez chanceux de piloter le prototype V-Roehr seulement six semaines après qu’il soit terminé. J’ai rencontré Roehrich à son club de loisirs dans l’arrière-pays de Chicago. Le Autobahn Country Club près de Joliet, Illinois, n’a pas de club de golf, mais à la place se trouvent sur son terrain de 350 acres deux circuits routiers séparés pour que les membres puissent y faire des tours de piste avec leur voiture ou leur moto; un circuit de 2,1 miles et un circuit de 1,5 mile de longueur. C’est sur le plus long des deux, sur une surface assez bossue, que j’ai passé la journée à piloter la moto sport de Roehrich motorisée avec un moteur de Harley.
La V-Roehr rouge est très présente visuellement. La position de pilotage est équilibrée et l’ergonomie est bonne, laissant supposer qu’elle a été bien étudiée par quelqu’un qui fait de la moto. Les rétroviseurs ne vibrent pas et vous pouvez voir plus que vos coudes ! De plus, tous les contrôles sont doux et précis, avec des leviers ajustables pour le frein avant et l’embrayage hydraulique assisté. La V-Roehr semble mince et spacieuse, et permet de se déplacer de l’avant à l’arrière du siège pour optimiser la répartition des masses au freinage et en sortie de virage.
La garde au sol du côté droit est excellente, avec les limites imposées par la roue arrière de 5,5 pouces chaussée d’un Pirelli Diablo Corsa de 180/55-17 qui offre une bonne adhérence. Roehrich prévoit installer une roue arrière de 6 po pour gérer la puissance additionnelle du moteur à course réduite. Du côté gauche, il est facile d’accrocher la béquille latérale. Roehrich sait maintenant qu’elle doit être fixée plus rigidement sur les modèles de production, surtout après lui avoir démontré à quel point la roue arrière se lève facilement lorsque la béquille touche le sol. Les Pirelli s’avèrent un choix judicieux, car le pneu avant de 120/70-17 colle dans les virages et la fourche Ohlins bien ajustée avale les bosses et les raccords du bitume dus au gel sans sourciller.
Le châssis encaisse ces difficultés sans en faire une crise, ce qui témoigne de sa bonne conception. La moto tourne bien et absorbe les bosses en virage sans quitter sa trajectoire initiale. Le feedback est bon tant à l’avant qu’à l’arrière, même si l’amortisseur bénéficiera certainement d’une tringlerie à taux progressif. Bien que Roehrich l’ait réglé au maximum pour le rebond, lors d’une accélération en sortie de virage, il semblait être trop rapidement en bout de course et rebondir trop vite, notamment avec une mauvaise bosse dans la sortie d’une grande courbe à gauche.
Un tour sur la 999S fournie aux fins de comparaison révèle que même si le châssis de la V-Roehr est largement aussi bon, la moto américaine ne suit pas en accélération, pénalisée par une puissance moindre et un rapport de moins dans la transmission; la douce transmission à cinq rapports de la V-Rod ne peut dissimuler ses origines de cruiser. Il y a une bonne poussée en accélération fournie par le couple à partir de 3 000 tr/min avec une pointe un peu au-dessus de 7 000 tr/min. La puissance est bien équilibrée aux différents régimes moteur, même si l’accélération est progressive plutôt qu’explosive. Le fait qu’elle tire encore fort à 9 500 tr/min lorsque le limiteur de régime intervient laisse penser que Roehrich est en droit de s’attendre à de meilleurs résultats avec le moteur à course réduite. Il est simple de contourner cet inconvénient, car la tenue de route rassurante permet de rester sur un rapport plus élevé que vous ne l’auriez fait autrement dans la plupart des virages. La V-Roehr excelle particulièrement pour s’inscrire dans un virage, restant bien plantée et donnant une excellente confiance au pilote pour une vitesse élevée en entrée de virage. Le freinage est raisonnablement bon et très stable, mais les machines de production bénéficieront d’étriers radiaux plus puissants. Il sera alors certainement souhaitable d’installer un embrayage à glissement limité, car il était déjà trop facile de faire sautiller la roue arrière en freinage intensif en entrée de virage, comme la V-Roehr l’a démontré à chaque tour au même virage.
Après cette journée d’essais, je peux dire que cet ensemble est prometteur. Une fois que les problèmes de garde au sol et de suspension arrière seront réglés, la V-Roehr aura un véritable potentiel sur le marché. « Mon but est de produire cette moto comme une moto de rue faite à la main en quantités limitées, précise Roehrich. Nous prévoyons produire 50 motos la première année au prix de détail de 39 900 $ US, avec un carénage en fibre de carbone, un monobras oscillant, des freins radiaux et des roues en aluminium forgé, toutes des caractéristiques haut de gamme. » Les clients ciblés par la V-Roehr seront différents de ceux des autres motos sport avec bicylindre en V visés par les Ducati, Aprilia, Buell, et bientôt KTM, car son intérêt réside dans le fait qu’elle réalise des performances acceptables — tenue de route inspirante, ergonomie presque parfaite, et une bonne livrée de la puissance — avec l’exclusivité qui vous donnera le sourire lorsque vous serez dans le vrai monde en dehors d’un circuit de course.
Mettre en évidence (s’il y a de la place) :
Le moteur de la V-Rod qui est aussi un bicylindre en V à 60 degrés, et issu de la VR Superbike de Harley, lui a semblé être un candidat idéal.
Roehrich pense que son châssis offre les meilleures caractéristiques de tenue de route de différents designs, en combinant la rigidité d’un châssis en aluminium avec la réponse d’un châssis en acier.
La V-Roehr excelle particulièrement pour s’inscrire dans un virage, restant bien plantée et donnant une excellente confiance au pilote pour une vitesse élevée en entrée de virage.