Steve Thornton connaissait déjà la grosse Thunderbird, avec et sans kit de modification 1700 cc. Il était donc l’homme idéal pour essayer la nouvelle Storm dans le désert de l’Arizona.
Au complexe Radisson Fort McDowell, en Arizona, les journalistes réunis pour le lancement de la Triumph Thunderbird Storm rivalisaient pour trouver des titres originaux avec le mot Storm. Il est vrai que le concept de « tempête » est assez évocateur comme nom pour une moto, et qu’il peut stimuler la créativité des journalistes. Parions que cela a pesé dans la balance quand les gens de Triumph ont cherché un nom pour leur nouvelle machine noire aux yeux ronds.
Il y a quelques mois, j’avais roulé sur la « petite » soeur de la Storm, une Thunderbird 1600 de base, puis sur cette même moto après installation d’un kit d’usine de 1700 cc. J’avais été impressionné par sa puissance, sa tenue de route et son confort. La question, maintenant, c’était : Est-ce que la Thunderbird Storm 2011 (16 299 $) a quelque chose de nouveau à offrir, à part beaucoup de peinture noire et les phares d’une Speed Triple?
En un mot, non… La Storm est une Thunderbird relookée. Mais c’est loin d’être une mauvaise nouvelle. Parfois, en essayant d’améliorer un modèle, les manufacturiers font le contraire… C’est facile d’ajouter des accessoires ou des caractéristiques, mais on se retrouve parfois alors avec une machine trop lourde, qui a perdu ses qualités dynamiques. Ce n’est pas le cas ici. En fait, Triumph a ajouté du pep à son oiseau du tonnerre en y installant, en usine, son kit de modification moteur de 1700 cc. Quand nous avions mis ce kit à l’épreuve dans le cadre d’un essai précédent (MJ, avril), les lectures de dynamomètre faisaient état de gains appréciables. La puissance avait grimpé de 14 ch, et le couple de 7 lb-pi, par rapport à la 1600. Côté poids, pas de changement : les Thunderbird 2010 et 2011 pèsent 339 kg tous pleins faits, idem pour la Storm. Les rapports de transmission sont aussi identiques, ce qui fait que la Storm devrait offrir la même accélération que les T-Bird à moteur 1700 cc.
Le moteur de la Storm a un peu changé d’apparence, mais c’est toujours un bicylindre vertical refroidi au liquide. Il est orné d’un logo Storm sur le capot de l’embrayage, de quelques petits capots supplémentaires, et de plus de pièces peintes en noir. Côté cycle, on remarque que des supports plus élevés remontent légèrement la position du guidon, il y a du noir un peu partout, de nouveaux logos sur le réservoir et, bien sûr, les deux phares avant ronds comme des billes. On les remarque tout de suite quand on prend place en selle.
Les phares donnent une apparence plus mince à la Storm. C’est peut-être parce qu’ils évoquent le dépouillement d’un squelette, ou simplement parce qu’ils détournent le regard du gros réservoir à essence (22 L) ou de la masse imposante du moteur, mais toujours est-il que ça fonctionne : la Storm a réellement l’air plus svelte. C’est une machine élégante et costaude qui assimile bien les contraintes esthétiques – long empattement et selle basse – qui caractérisent les cruiser.
Sur la route, le côté costaud de la Storm se manifeste aussi dans ses accélérations autoritaires, surtout dans les premiers rapports; il faut s’agripper solidement au guidon si on maintient les gaz à fond. Le couple est très solide à bas et moyen régimes : il culmine à 115 lb-pi à 2950 tr/min, selon Triumph (sur le dynamomètre, nous avions mesuré 102 lb-pi à 3000 tr/min pour la 1700).
Pendant la première heure de notre promenade, dans le décor champêtre de la région de Scottsdale, Arizona, l’air était très frais et j’avais de la difficulté à passer de la deuxième à la troisième, et de la troisième à la quatrième vitesse. Au pied, c’était comme si j’avais essayé de passer en septième vitesse (la transmission en compte six). Lors d’un arrêt pour faire des photos, j’ai demandé à un technicien de Triumph d’essayer la moto, et il n’a pas constaté de problème. On m’a dit plus tard que le levier était mal ajusté, et qu’il ne reprenait peut-être pas sa position centrale après les changements. Quoi qu’il en soit, le moteur et la température ambiante se sont réchauffés par la suite, et je n’ai plus eu ce problème (mais je ne sais pas s’il y a un lien de cause à effet).
À mesure que le temps se réchauffait, je suis devenu plus détendu, et donc mieux capable de percevoir les sensations produites par la Storm, et je me suis dit que cette moto était confortable. Je ne dis pas « confortable pour une cruiser », je dis confortable. En fait, la Storm et la Thunderbird s’inscrivent tout à fait dans une tendance moderne où les genres se confondent. Oui c’est une cruiser, mais elle a quelque chose de la moto dénudée, de la moto de tourisme, et même un peu de la machine de sport tourisme. Ainsi, la Storm est munie de freins dignes d’une sportive (disques de 310 mm à l’avant avec étriers à quatre pistons), elle offre une position de conduite redressée et confortable, et on peut la munir de valises latérales et d’un pare-brise. Ce ne sont pas des caractéristiques qu’on s’attend normalement à trouver sur une Triumph cruiser. Bien sûr, on ne peut pas la coucher dans les virages comme une Street Triple, mais la Storm a des qualités qu’on ne soupçonne pas nécessairement avant de l’essayer.
En conduite normale, le gros moulin de la Storm produit un ronflement et des vibrations denses et musclées, qui s’avèrent particulièrement agréables lors des changements de régime. On sent les vibrations dans le guidon, les repose-pieds et la selle, mais elles ne sont pas envahissantes tant qu’on ne pousse pas le régime trop haut. Au-delà du cap des 3000 tr/min, on commence à sentir des hautes fréquences qui se transmettent aux genoux par le réservoir à essence. Pour compéter le tableau sensoriel, les échappements émettent un grondement grave, assez discret pour ne pas attirer l’attention des forces constabulaires, mais tout de même solide et masculin.
La selle de la Storm n’est pas différente de celle de la Thunderbird de base : elle est plutôt plate et assez longue pour qu’on puisse se déplacer de quelques centimètres vers l’avant ou l’arrière. Après trois ou quatre heures de conduite, j’ai commencé à ressentir une légère douleur dans les fesses et le haut des cuisses, mais rien pour me faire descendre de la moto. Les repose-pieds sont assez avancés, de sorte qu’on a les pieds devant les genoux mais on n’a pas besoin d’étirer les jambes, ce qui contribue au confort. L’emplacement des poignées engendre une position de conduite naturelle : bras à angle vers l’avant, avant-bras à l’horizontale, légèrement écartés. À haute vitesse sur l’autoroute, la fatigue devient plus prononcée à cause du vent qui pousse sur la poitrine. On peut alors ajouter un pare-brise accessoire de Triumph. Si vous le faites installer par le concessionnaire, il sera couvert par la même garantie de deux ans que la moto (sinon, ce sera un an).
Côté suspension, on retrouve une fourche Showa de 47 mm, avec débattement de 120 mm, et une paire d’amortisseurs de même marque, avec précharge des ressorts ajustable, et 95 mm de débattement. C’est la même suspension que sur la Thunderbird de base; elle est bien adaptée à ce type de moto et elle fait bien son travail.
Pour tester la selle arrière, j’ai invité une journaliste à monter pour une courte promenade. Après une dizaine de minutes, elle l’a déclarée un peu étroite, mais confortable.
Pendant cette journée de lancement, nous avons essayé différentes motos, dont deux machines de 865 cc destinées aux pilotes moins expérimentés ou plus petits et aux femmes. Souples et maniables, ces deux motos m’ont donné un point de référence par rapport à la Storm. La Storm est plus costaude et plus lourde, mais elle est quand même vive et bien équilibrée. Je me souviens qu’en fin de journée, après un arrêt à un feu rouge, j’ai accéléré au guidon d’une 865, puis une seconde ou deux plus tard un autre pilote m’a dépassé avec la 1700. Vu de l’extérieur, j’ai été encore plus impressionné par la force brute et la puissance d’accélération de la Storm.
À très basses vitesses, la Storm est facile à manier et j’ai réussi à la faire tourner en rond étonnamment vite dans un stationnement avant de faire frotter les repose-pieds… Cela dit, cette grosse Triumph demeure un poids lourd avec ses 339 kg (746 lb) tous pleins faits. Et même si elle est munie de freins et d’une suspension bien adaptés pour la maîtriser, il n’en demeure pas moins qu’il faut toujours s’approcher avec prudence des limites d’une grosse machine. Celles de la Storm sont raisonnablement élevées, surtout pour une cruiser, mais elle exige le respect du pilote. Comme la tempête exige le respect du marin.
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La T-Bird est un trop gros oiseau à votre goût? Triumph propose deux cruiser plus légères : l’America et la Speedmaster.
Triumph dit que ses modèles America et Speedmaster, deux machines de 865 cc, sont destinés aux motocyclistes qui sont petits, de sexe féminin ou peu expérimentés. Mais ça ne veut pas dire qu’il est impossible de se mettre dans le trouble quand on en conduit une…
Nous avions deux America à essayer : une avec pare-brise et repose-pieds de type plateforme, et une sans pare-brise et avec repose-pieds classiques. Lors d’un arrêt, un autre journaliste m’a expliqué qu’il avait presque fait une sortie de route parce que la plateforme de gauche de sa machine avait sérieusement frotté le bitume dans une courbe. En fait, ce n’est pas étonnant quand on considère qu’il avait roulé sur la Storm juste auparavant. En comparaison, l’America et la Speedmaster semblent tellement légères et maniables qu’on peut surestimer leur garde au sol… Il ne faut pas…!
Cet événement met toutefois en lumière le fait que Triumph a réussi à créer des modèles maniables et faciles à apprivoiser pour la clientèle visée. Au guidon de l’America et de la Speedmaster, on se sent tout de suite à l’aise : elles ne sont pas trop grosses ni trop lourdes et les contrôles aux mains et aux pieds tombent naturellement en place. Bref, elles sont accueillantes. Et quand on roule, elles paraissent plus légères et plus petites qu’à l’arrêt.
Chris Ellis, le directeur général de Triumph au Canada, explique que les deux modèles ont été entièrement redessinés pour 2011. Leurs prix sont identiques : 8999 $ (ajouter 200 $ pour la peinture deux tons). Triumph voulait rendre l’America plus attrayante pour les nouveaux pilotes tout en accentuant la différence de style avec la Speedmaster. Pour ce faire, on a notamment remplacé la selle à deux parties par une selle monobloc, 30 mm plus basse (à 690 mm – 27 po du sol). Les repose-pieds sont aussi plus bas (de 27 mm), et un peu plus vers l’arrière (de 39 mm). La béquille latérale a suivi le mouvement : elle a été reculée de 190 mm pour un accès plus facile. Elle place aussi la moto en position plus verticale, ce qui la rend plus facile à redresser et réduit son poids apparent.
Le guidon de l’America a été changé : les poignées ont été reculées de 20 mm, abaissées de 37 et rapprochées de 45 mm par rapport à l’an dernier. Les repose-pieds du conducteur sont plus hauts de 55 mm et avancés de 154 mm. Ceux du passager ont aussi été avancés et remontés. La roue avant est plus petite – elle passe de 18 à 16 pouces de diamètre. À l’arrière, on retrouve encore une roue de 15 pouces, mais la jante est plus large.
Tous ces changements font qu’on a la sensation d’être au guidon d’un chopper « léger ». La fourche donne l’impression d’être inclinée, mais on ne sent pas de flou dans la conduite ou de résistance à inscrire la machine en virage.
Dans sa présentation, Ellis a expliqué que lorsqu’il s’assoit sur l’America, ses pieds sont bien à plat devant lui, et il est vrai que les leviers au pied et les contrôles manuels sont bien positionnés. Les repose-pieds (ou les plateformes) sont vers l’avant, mais pas autant que sur d’autres cruiser. Le guidon engendre une position confortable pour les bras et les mains.
En route, l’America offre une réponse immédiate aux commandes et une conduite rapide et agile. L’accélération est étonnamment vive – surtout compte tenu du fait que la puissance mesurée au vilebrequin est de seulement 60 ch selon Triumph.
La Speedmaster présente un look un peu plus agressif. Son moteur et son poids (250 kg tous pleins faits) sont identiques à ceux de l’America. La Speedmaster est munie d’une roue avant passablement plus grande – 19 pouces (un pouce de plus que le modèle de l’an dernier). Elle a toujours un guidon plat de style dragster monté sur des supports surélevés, et les poteaux de fourche avant sont exposés (sur l’America, des tubes protecteurs donnent l’impression qu’il s’agit d’une fourche inversée, ce qui n’est pas le cas). Tous ces éléments confèrent à la Speedmaster une allure étroite et fonctionnelle qui donnent l’impression qu’elle a toujours envie de foncer sur la route. Réussi.
En selle, la Speedmaster se révèle tout aussi réussie. La selle basse (690 mm, comme l’America) permet au pilote de s’assoir dans la moto, et la position de conduite – repose-pieds légèrement avancés et guidon plat – nous fait clairement sentir qu’on est sur une cruiser. Pas besoin de s’étirer excessivement, toutefois. Contrairement à l’America et son style chopper, à partir du poste de pilotage de la Speedmaster, on se croirait presque sur une moto ordinaire, mais ce n’est pas le cas.
Comme elle est de poids identique et munie du même moteur, la Speedmaster accélère et roule de la même façon que l’America. Par contre, sa plus grande roue avant a un effet sur la conduite, qui semble plus efficace et un peu plus précise. Son allure plus svelte peut donner une impression de performances supérieures, mais ce n’est qu’une impression, en effet… Cela dit, la conduite moto est une expérience subjective et, pour ma part, j’ai préféré la Speedmaster. Elle offre le même niveau de confort, mais elle correspond plus à ma vision d’une moto, compacte et musclée.
Chacune à sa façon, ces deux Triumph sont bien adaptées pour répondre à leur mission : satisfaire les nouveaux motocyclistes. Mais elles peuvent aussi très bien convenir à des pilotes déjà expérimentés. Elles ne manquent pas de puissance et leur conduite n’est ni vague ni trop paresseuse. Les suspensions sont un peu molles et un freinage intensif fait enfoncer la fourche avant, mais rien de majeur. Les selles se sont révélées confortables pendant nos courtes randonnées. Et surtout, les deux 865 ont semblé légères et manoeuvrables en comparaison avec les cruiser poids lourds que nous avons pilotées en Arizona. En ce sens, il est peut-être impossible de donner une opinion objective, de juger chaque moto pour elle-même. Mais il est sans doute révélateur de dire qu’en descendant de la grosse cruiser de Triumph, j’étais content de monter sur ces machines de poids moyen au comportement agréable.
— Steve Thornton