Au début du vingtième siècle, les premières motos avec moteur à combustion interne telles que nous les connaissons aujourd’hui faisaient leur apparition sur les routes de l’époque. Compliquées à piloter, peu fiables et bruyantes, les premiers balbutiements de ces machines instables comportaient pourtant tous les ingrédients pour allumer la flamme de passions innombrables. C’était il y a plus de cent ans, à une époque bien loin des téléphones intelligents, des réseaux sociaux et du 3D. Non les autos et les motos ne volent pas encore, mais comme dans plusieurs films des années 80, elles commencent à utiliser des moyens de propulsion différents. Vivant au Québec, nous nous faisons tous une fierté de notre production d’hydroélectricité. Surtout lorsque surviennent des catastrophes telles que celle du début mars au Japon. Tout, autour de nous, fonctionne à l’électricité (ou presque).
Qui oserait inventer un rasoir à moteur à combustion? L’autre jour, je regardais mes fils jouer avec ma piste de course et notai les performances éblouissantes de ces petits moteurs à balais à brosse dont la technologie date des années 70. N’en déplaise aux puristes et aux fervents des pétarades, les motos telles que nous les connaissons aujourd’hui voient leurs jours comptés. Pas à court terme, mais disons que dans une génération, toute moto actuelle sera aussi désuète qu’une moto à vapeur. En écrivant ces lignes, je me rends compte que je passe sûrement pour un illuminé ou encore pour un écologiste convaincu. Pourtant, dans mon cabanon, il y a cinq motos traditionnelles dont j’ai bien hâte d’entendre le ronronnement si enfin la neige peut fondre! Mais le but de cet article étant de vous présenter la nouvelle gamme de motos de Zero Motorcycles, je ne tarderai pas davantage en justifications et passerai directement à mes impressions en selle pour chacune d’elles.
Zero S 9 995 $ : Ayant déjà roulé le modèle 2010, je croyais me retrouver en terrain connu en enfourchant la version 2011. Bien au contraire, si le modèle de l’an dernier faisait supermotard cheap avec ses freins provenant du monde des vélos de montagne et ressemblait un peu trop au modèle DS, mis à part les pneus à usage routier montés sur des jantes de 16 pouces et des suspensions un peu plus basses, le reste demeurait assez semblable. Le modèle 2011 fait plus miniroadster avec comme principales nouveautés l’entrainement par courroie 98T / 28T, des disques de frein plus costauds pincés par des étriers plus puissants, de même qu’un passage à des jantes de 17″ et de pneus plus conformes aux standards du marché. La principale différence lorsqu’on monte en selle consiste en l’abaissement de cette dernière à 832 mm des 864 mm qu’elle était. Si vous vous trouvez encore trop élevé, un kit d’abaissement peut vous rapprocher à 781 mm du sol.
Si l’aspect revampé vous rappelle vaguement quelque chose, dites vous que Abe Askenazi, qui passa 15 années chez Buell, y est peut être pour quelque chose. Étant habitué de travailler avec les contraintes des engins de Milwaukee, le VP de l’ingénierie sut comment transformer cette ancienne pseudo-supermotard en petite roadster plus aguichante que disons la Blast de Buell… Une fois en selle, on a vraiment l’impression d’enfourcher une « vraie » moto (cette impression est valable aussi pour les autres modèles de la marque, mais avec moins de conviction). La procédure de mise en marche étant assez simple, trop même, que parfois on en a le cerveau qui se demande ce qu’on aurait bien pu oublier… On tourne la clé de contact, on positionne le bouton panique à « on » et on tourne la poignée! Avec un moteur aimant permanent à flux axial, à balais développant 4,4 kWh, les accélérations ne vous allongent pas les bras, mais c’est vraiment beaucoup mieux que ce que l’on pourrait imaginer.
La vitesse maximale annoncée de 108 km/h semble réalisable si les conditions le permettent. Ce qui impressionne franchement, c’est le couple disponible et linéaire du moteur électrique. L’ajout cette année de la courroie d’entrainement permet la disparition du désagréable son de la chaîne qui ballotte, transformant ainsi les randonnées en balades du genre tapis volant! La fameuse absence de bruit n’a semblé choquer ou déranger aucun des journalistes présents. Même qu’en roulant en milieu urbain plusieurs passants nous ont fait des thumbs up sur notre passage! La dernière fois que ça m’était arrivé, je pilotais une Yamaha R1 Rossi réplica… L’absence de toute compression peut par contre poser un problème lorsqu’on n’est pas familier avec ce genre de rouage d’entrainement. Mon effet de surprise ayant déjà eu lieu l’an dernier lors de ma première prise de contact au mont Sainte-Anne, je n’eus pas à subir de sueurs froides pour ce lancement.
L’utilisation de roues de 17″ avec garde-boue affleurant améliore la stabilité tout en donnant une direction assez précise malgré un rayon de braquage plutôt limité. Les freins sont à des années-lumière de l’ancienne version, mais l’absence d’ajustement les place encore à quelques galaxies des standards de l’industrie. Du côté des suspensions, la fourche bénéficie d’ajustements en compression et en détente à l’avant et en précharge, compression et détente à l’arrière. Pour un pilote de mon poids (disons 175 lb avec mon équipement et après avoir ingurgité un léger déjeuner), les ajustements de série sont corrects pour une utilisation sur route relativement bien pavée. La rigidité du cadre ne peut être mise en doute, celui-ci étant assez costaud pour accueillir beaucoup plus de puissance sans broncher. Contrastant avec certains autres éléments de la moto, les soudures du cadre sont exemptes de défauts. L’attention portée aux détails n’est pas encore à la hauteur des standards japonais, mais l’intention y est… En termes de plaisir et d’agrément de conduite, il s’agit du modèle qui m’en a procuré le plus.
Zero DS 10 495 $ : Le seul autre modèle qui ne m’était pas inconnu dans la gamme a lui aussi subi quelques modifications. Il bénéficie du même moteur refroidit par ventilateur et de la même batterie intelligente Z-Force™ brevetée Li-Ion qui a vu sa capacité augmentée de 12,5 %. Cette version s’adresse plus au motocycliste voulant s’aventurer à l’occasion hors des routes pavées. Nul doute que la S peut se débrouiller sur les routes en gravier, mais la DS s’y sent plus dans son élément avec ses suspensions à plus grand débattement et sa selle qui trône à 908 mm du sol. Les pneus de type 60/40 peuvent aussi aider en hors route, mais lors d’une séance sur la piste d’essai, j’ai constaté qu’ils se remplissaient assez rapidement sur sol meuble et humide et occasionnèrent ma première chute, heureusement sans dégâts pour la moto, à part un peu de boue au bout de la poignée droite… J’ai trouvé la hauteur de la selle un peu exagérée pour une moto qui ne participera manifestement pas au prochain Dakar, l’option selle basse à 857 mm serait bienvenue en usage urbain de tous les jours.
La position de pilotage plus relevée que sur la S donne une impression de plus grosse moto même si en fait, les deux font osciller la balance à 135 kg. Tout comme la S, la DS était équipée de l’option de charge rapide qui réduit le temps de charge de moitié par rapport aux modèles 2010 (2 heures au lieu de quatre) et de l’entrainement par courroie, en option une chaîne est toujours disponible pour ceux prévoyant une utilisation majoritaire en hors route là où une courroie ne constitue pas un avantage. Le tableau de bord, en plus d’intégrer les voyants habituels, comporte un système de gestion du groupe motopropulseur entièrement revu. En résumé, une jauge à « essence » en cristaux liquides indique la quantité totale d’énergie disponible en temps réel au lieu d’indiquer le niveau de la cellule la plus basse. Croyez-moi, c’est beaucoup moins stressant de cette façon. Ce modèle m’a laissé un peu froid, même si je l’ai roulé amplement pour me faire une idée. Trop lourdaude pour un usage en sentier et moins amusante en ville que la S, je passerais mon tour, surtout que pour aller s’aventurer en sentier, il faut un minimum d’autonomie… et avec un maximum espéré de 93km en utilisant la poignée de droite consciencieusement, on ne peut pas dire que la randonnée sera sans fin…
Zero X et MX 7 995 $ – 9 495$ : Ces deux modèles se ressemblent beaucoup au premier coup d’œil. L’un étant développé pour l’usage en sentier et l’autre pour un usage en piste. Ils sont mus par des moteurs à aimant permanent à flux axial, à balais et d’une batterie d’une capacité de 2 kWh, et la légèreté constitue leur plus grande force. Bien qu’à moins de 300 livres les modèles précédents sont loin d’être des enclumes, les modèles X et MX font osciller la balance à 185 et 196 livres! Si physiquement ces motos se ressemblent (plusieurs journalistes ayant de la difficulté à les différencier), quand vient le temps de les rouler successivement, le moteur plus puissant et mieux refroidit de la MX — il s’agit en fait de celui des versions S et DS — permet une utilisation disons plus intensive. Des pilotes plus aguerris, surtout ce bon vieux Scot Harden VP marketing, mais aussi multiple vainqueur de la Baja, nous ont démontré les capacités de la machine sur le minicircuit de motocross aménagé sur le ranch où avait lieu la présentation.
Petite parenthèse ici concernant le ranch, généralement les chevaux et les motos hors route ne font pas bon ménage. Normalement, chaque fois que je croise un cavalier je m’empresse de ralentir et de le croiser en roue libre pour éviter d’effrayer la bête et ainsi diminuer les risques de mors aux dents. Durant les deux jours, nous avons roulé sans ménager les motos et je crois que les chevaux croyaient que nous roulions des bicyclettes! Fin de la parenthèse. Côté batterie, les modèles hors route en utilisent une de 2kWh, ce qui leur permet d’offrir leur poids santé sous la barre des 90kg. Mais tout a un prix et qui dit batterie plus petite dit aussi autonomie réduite. En conduite modérée l’espérance serait de une heure et en mode pleine puissance l’autonomie diminuerait de moitié. Contrairement aux modèles S et DS, les X et MX possèdent des batteries déposables donc offrant la possibilité d’en utiliser plus d’une pour un usage en piste par exemple. Au coût d’environ 2 500 $ chacune, l’option de recharge rapide serait une alternative moins onéreuse. Cette dernière permet la recharge en une heure à 90 % de sa capacité au lieu des deux heures en mode normal.
Comment se comportent ces motos dans la trail? Avec un poids se rapprochant d’une petite moto d’initiation de 125 cc, mais avec plus de puissance et une transmission automatique et un couple toujours disponible pour se sortir des faux pas, le pilotage s’en voit simplifié. Je me suis senti rapidement à l’aise sur l’un ou l’autre des modèles. La MX proposant un peu plus de puissance et une meilleure suspension permettant de meilleures lignes dans les ornières. Bien que la batterie soit un tantinet gênante lors des premiers tours de piste, les arêtes accrochant légèrement l’intérieur des cuisses lorsqu’on pilote debout, après quelques minutes on s’y fait et on oublie vite. Les roues de 19 et 16 pouces sont un peu hors norme si comparées avec ce qui est offert par les autres manufacturiers, mais là encore, pour une utilisation récréative, ils font la job. Le retour aux commandes de freins aux endroits habituels — l’an dernier le frein arrière était actionné par une manette sur le guidon gauche — enlève un autre irritant pour les vieux croutons comme moi, un adepte du vélo de montagne dirait sûrement le contraire…
Autre nouveauté cette année, l’option route qui moyennant un déboursé supplémentaire de 500 $ ajoute toute la quincaillerie pour rendre les machines légales pour un usage routier, incluant le tableau de bord des machines de route. La démultiplication aussi se voit modifiée passant du 71/13 dents à 51/13 dents pour leur permettre d’atteindre une vitesse maximale estimée à 92 km/h. J’ai aussi roulé ces versions en hors route seulement et elles sont bien solides, les couchant chacune une fois, disons que le choix des pneumatiques ayant une semelle ressemblant à celles utilisées en trial ne m’a pas aidé… Pour me rassurer, je repris un modèle MX chaussé avec de vrais pneus hors route et bouclai le circuit plusieurs fois sans récidiver, le décompte s’arrêta donc à trois!
Zero XU 7995 $ : Surnommée Urban Cross, cette petite moto se veut la toute dernière création de la marque de Santa Cruz. En résumé, on peut dire qu’il s’agit d’une version urbaine du modèle X monté sur des pneus de route de 19 et 16 pouces. Avec un empattement de seulement 1 380 mm, une hauteur de selle de 808 mm (option selle basse de 757 mm) et un poids de 99 kg, elle vise les pilotes de petite taille. Seule machine routière permettant de démonter la batterie pour la recharger à l’intérieur (par exemple près de vous, sous votre bureau) en environ deux heures, l’option de charge rapide fait passer la recharge à 1,2 heure. En m’assoyant sur la XU, je me suis rappelé mes cours de conduite sur de « puissantes » CB125.
Petite, agile et ayant une accélération on ne peut plus rassurante en mode pleine puissance, elle devient un peu plus inquiétante en mode économie. En effet, ce mode comme sur les X et MX permet d’économiser l’énergie de la batterie mais limite aussi la vitesse maximale à un astronomique 40 km/h pour rencontrer les standards des véhicules à usage restreint. J’ai vraiment rigolé à son guidon, bien sûr que les performances sont très limitées, mais le poids minimaliste et l’agilité de la XU m’ont vraiment surpris et comme les autres modèles de la gamme, la XU est couverte par une garantie de 2 ans. M’amuser à faire des beignes sur la gravelle avec cette minimoto m’a valu quelques regards médusés de mes confrères et des sourires des gens de Zero, allez savoir!
Eh non, rouler la gamme complète de Zero ne m’a pas transformé en petit bonhomme vert! Mais j’ai eu du fun en maudit! N’est-ce pas bien ce qui compte lorsque nous enfourchons une moto? Évidemment, l’autonomie laisse à désirer, les prix sont un peu élevés et les temps de recharge sont un peu longs. Mais il faut prendre en considération que nous sommes au tout début de l’ère des motos électriques et que ces contraintes seront bientôt derrière nous. Le but de Zero étant d’offrir une gamme de motos pouvant vous amener au travail (pour ceux résidant à moins de 50 km de leur boulot) pour seulement quelques sous par jour. Sur ce point la mission est accomplie. Pour le reste je reprendrai un vieux slogan des Nordiques, « le meilleur est à venir »!