Une fois de plus, la récente acquisition d’une moto par le musée L’Épopée de la Moto de Saint-Jean-Port-Joli nous donne un prétexte idéal pour faire un retour en arrière sur une superbe classique. Il s’agit cette fois-ci de la BMW R80 G/S, modèle qui fut à l’origine de la dynastie des GS, imposant avec succès le style des grosses enduro.
À la fin des années 70, le trail se porte à merveille et les Japonais dominent ce marché avec des monocylindres de 50 à 500 cm3. Au sommet de la gamme se trouvent la Honda XL250 et la Yamaha XT500. Il s’agit d’une période difficile pour BMW, comme pour le gros de l’industrie européenne de la moto, qui malgré des productions records reste avec d’importants stocks d’invendus, spécialement aux États-Unis où l’effondrement du dollar creuse encore plus l’écart entre les BMW, les productions japonaises et locales.
L’existence même des motos au sein de la compagnie bavaroise est remise en question, mais la direction ne l’entend pas de cette oreille et se dote de moyens pour relancer le département moto. La décision est prise de lancer une étude en vue de sortir un trail bicylindre à cardan, de grosse cylindrée. Les succès du prototype dans différentes épreuves du championnat 1979, dont le International Six Days Trophy vont contribuer au succès immédiat du modèle, avant même sa sortie officielle en 1980.
Avec la R80 G/S, BMW propulse le monde du tout-terrain dans un nouvel univers, il faut dire qu’à l’époque les trails japonais étaient équipés de monocylindres avec des circuits électriques 6V, du démarrage au kick, d’un freinage se limitant aux freins à tambour, d’un tableau de bord minimaliste et un éclairage réduit. BMW veut aller nettement plus loin en offrant les performances d’une routière qui permet de s’évader par les chemins de traverse. La R80 G/S (pour Gelände/Strasse qui signifie Tout-terrain/Route) amène de nombreuses nouveautés et en particulier un frein avant à disque, le démarreur électrique, un circuit électrique fiable, un phare H4, un tableau de bord avec les informations essentielles et même une bagagerie en dur. La R80 G/S devient ainsi la plus grosse trail présente sur le marché avec 50 ch et 800 cm3. L’innovation la plus visible est sans aucun doute le train arrière monobras oscillant et le monoamortisseur latéral fixé au pont par 3 écrous. Ce système baptisé Monolever ne manque pas de choquer l’œil de l’époque alors peu habitué, mais se révèle révolutionnaire et tout à fait bénéfique.
Non seulement il économise un poids considérable, mais permet également un démontage facile et rapide de la roue et ajoute une excellente maniabilité. La chasse aux kilos superflus s’étend aux autres composantes. Le moteur est équipé de cylindres traités au Nikasil et non plus chemisés, l’embrayage prend une configuration monodisque à sec, le cadre reprend celui des R45 et R65, le volant moteur est allégé et l’équipement réduit au minimum. La R 80 G/S atteint ainsi les 167 kg à sec (186 kg tous pleins faits), seulement 47 kg de plus que la Yamaha XT500, ce qui est extrêmement léger pour une telle cylindrée. La R80 G/S se révèle être une excellente routière, nettement en avant de ses concurrentes, avec une vitesse de pointe de pratiquement 170 km/h. Comme à l’époque il n’existe pas de pneus trail à même de supporter de telles vitesses, Metzeler doit pour les besoins développer un pneu mixte.
Moto Journal consacrait un article complet à la R80 G/S dans sa parution d’août 1981. En lisant l’article, on mesure à quel point cette moto était d’un tout nouveau genre et venait bousculer l’ordre établi. Les mises en garde du journaliste-essayeur révèlent des projections relativement pessimistes, l’avenir prouvera à quel point il se trompait. « À moins de tomber carrément amoureux de la G/S, peu de gens trouveront des raisons d’en acheter une. Et BMW le sait puisque seulement 25 G/S environ seront importées au Canada (1981). Pour que l’investissement vaille la peine, il faut vraiment rouler beaucoup et partout ». Le modèle est pourtant devenu un véritable succès. Ses victoires à répétition lors des Paris- Dakar de 81, 83, 84 et 85 y ont sans aucun doute largement contribué. La R80 G/S sera produite pendant 7 ans et écoulée à 21 334 exemplaires, mais la plus grande victoire de BMW est d’avoir su imposer un nouveau style, celui des enduros de grosse cylindrée aux excellentes capacités routières, capables d’emmener ses passagers et leurs valises à l’autre bout de la Terre, et dans un grand confort. En 1982, une version Paris-Dakar, bénéficiant d’un réservoir de 32 litres, va être ajoutée au catalogue, et en 1987, BMW va introduire la R100 GS pour faire face à la concurrence qui s’organise.
Désormais, la gamme GS se porte mieux que jamais et se décline dans des cylindrées allant de 650 à 1200 cm3. En 2010, BMW a souligné le 30e anniversaire du premier modèle en offrant les différentes GS dans les coloris du modèle d’origine. Pour les nostalgiques, le premier modèle restera le meilleur et de loin le plus léger et le plus maniable, en tout cas, une moto mythique à sauvegarder absolument.
Par Claire MARTIN, www.epopeedelamoto.com
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Témoignage
Je possède une R80 G/S, je la partage à l’occasion avec mon conjoint René car il l’apprécie aussi. J’ai eu le coup de foudre pour cette moto lors d’une balade de fin de semaine dans le Vermont en mai 2007. Nous roulions sur la route 100 avec nos BMW 1200 GS lorsque nous avons remarqué près de la route des motos d’époque qui semblaient en démonstration. Un arrêt s’imposait. Là, nous avons fait la connaissance de David Segal, propriétaire de Emerson Motor Works. Situé dans un cadre pittoresque, son commerce se spécialise dans l’entretien, la vente et les services se rattachant aux BMW à refroidissement à air. Alors que David nous faisait visiter son garage, j’ai aperçu cette jolie moto blanche que je n’avais encore jamais vue auparavant. J’en suis littéralement tombée amoureuse et l’ai immédiatement achetée.
Il faut dire nous cherchions une moto plus légère me permettant de faire du hors route. Par la suite, René a participé à la 1re édition du GS Challenge Québec à son guidon en septembre 2007, puis j’ai fait la 2e édition, l’année suivante, avec Chantal Cournoyer de chez Moto International et Sue Coster. Nous avons même gagné dans la catégorie intermédiaire! La moto a désormais 80 000 milles, elle est encore entièrement originale y compris la peinture et le siège. Elle roule super bien. Je l’utilise maintenant sur les routes en gravier, genre expédition à La Tuque ou Parent et lors d’occasions spéciales comme les courses de vintage. L’été dernier, nous sommes allés en Gaspésie avec.
Véronique Dion, Saint-Dominique, Montérégie
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Fiche technique BMW R 80 G/S 1981
ANNÉE : 1980-1987
PAYS : Allemagne
MOTEUR : 2 cylindres à plat opposés à 180º 4 temps refroidi par air
DISTRIBUTION : par tiges et culbuteurs
CYLINDRÉE : 798 cm3 (84,8 X 70,6 mm)
RAPPORT VOLUMÉTRIQUE : 8.2 : 1
SOUPAPES : 2 par cylindre
DISTRIBUTION : tiges et culbuteurs
PUISSANCE : 50 ch à 6 500 tr/min
COUPLE : 5,7 kg-m à 5 000 tr/min
ALIMENTATION : 2 carburateurs Bing à dépression de 32 mm
DÉMARRAGE : électrique et par kick du côté gauche
ALLUMAGE : batterie-bobine
GRAISSAGE : sous pression par carter humide et pompe trochoïde
EMBRAYAGE : monodisque à sec
BOÎTE : séparée à cinq rapports commandés par sélecteur au pied gauche
TRANSMISSION : cardan simple en bain d’huile
CADRE : double berceau tubulaire en acier
SUSPENSIONS AVANT : fourche télescopique hydraulique avec 200 mm de débattement.
SUSPENSIONS ARRIÈRE : bras oscillant à une seule patte avec monoamortisseur réglable en trois positions pour la tension des ressorts. Débattement de 170 mm.
FREINS AVANT : simple, perforé de 260 mm
FREINS ARRIÈRE : tambour de Ø 200 mm avec simple came à l’arrière
PNEUS AVANT: Metzeler Enduro – M + S, 3.00 x 21.48 R
PNEUS ARRIÈRE : Metzeler Enduro – M + S, 4.00 x 18.64 R
LARGEUR DU GUIDON : 825 mm
HAUTEUR DE LA SELLE : 806 mm avec pilote de 65 kg
EMPATTEMENT : 1 465 mm
RÉSERVOIR : 19,5 litres, dont 2 litres de réserve
CONSOMMATION : 14,2 km au litre ou 7 litres aux 100 km (40 mi au gal)
POIDS : 167 kg à sec
VITESSE MAXI : 168 km/h
PRIX à sa sortie : 6 425 $
PRODUITE à 21 864 exemplaires (y compris R 80 G/S Paris-Dakar).