Qu’est-ce qui fait un nom? Triumph a remplacé sa Sprint ST par la Sprint GT, et nous a invités à nous rendre au cœur de l’Écosse pour faire l’essai de sa nouvelle machine.
Sur la route nous menant de l’aéroport à Inveraray, en Écosse, soit le site du lancement de la nouvelle Sprint GT de Triumph, nous sommes passés devant Loch Lomond. Je n’avais entendu parler de cet endroit que dans la chanson Bonnie Banks o’ Loch Lomond et comme étant le point de démarcation des Highlands écossais. Me croyant bien malin, j’ai demandé au chauffeur si nous étions sur la high road ou sur la low road, et j’ai été déçu de constater qu’il n’avait pas saisi mon allusion aux paroles de la chanson. Le sol accidenté et la végétation sur notre parcours étaient semblables à ce que j’avais déjà vu dans certaines régions de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique, et je me suis immédiatement senti en terrain connu.
À l’hôtel, j’ai été accueilli par l’odeur revigorante de l’océan, purifiant mes poumons de l’air vicié que j’avais respiré pendant mon déplacement de 15 heures. Ça me remontait le moral. Dieu merci, le constructeur de Hinckley nous a permis de prendre congé pour le reste de la journée afin que nous puissions nous adapter au décalage horaire. Après une courte sieste, j’ai décidé d’explorer le village, qui paraissait désert en ce début de soirée. Sur la rue principale, je suis passé devant une enseigne annonçant la quincaillerie de bâtiment Bogey Doyles’, située à côté de la prison d’Inveraray. La prison, ainsi que le musée maritime et le château aux abords du village, est la principale attraction touristique qui assure un flot continu d’autocars remplis de touristes. M’étant rendu jusqu’au quai, j’ai été sidéré en apercevant un homme obèse ne portant rien d’autre qu’un bonnet de bain aux couleurs de l’Union Jack et un maillot de bain Speedo. Je l’ai observé pendant qu’il marchait avec précaution sur le sol raboteux en direction du lac qui semblait glacial. Quelques instants après que son corps blanc comme neige eut pénétré dans l’eau limpide, il avait disparu dans le crépuscule, le son de ses bras fendant l’eau étant le seul indice qu’il n’avait pas sombré au fond du lac.
De retour vers mon hôtel pour aller souper avec les autres journalistes, le silence paisible du village a été soudainement perturbé par des airs de cornemuse et de tambour que jouait un groupe de musiciens en répétition dans le square principal. Le son strident des cornemuses massées s’est réfléchi sur les édifices en pierres, faisant hérisser le poil de mes bras. Le son d’une cornemuse n’a rien d’apaisant; il vise à préparer les troupes à la bataille et non à endormir un bébé. Je ne pouvais penser à rien d’autre de plus approprié pour donner le ton à l’essai routier à venir.
L’enseigne à l’extérieur du George Hotel and Pub indiquait que l’établissement avait ouvert ses portes en 1778. Les murs en pierres brutes et les poutres en bois du plafond étaient imprégnés de l’odeur âcre du foyer qui servait à réchauffer l’air marin humide. Après un excellent repas, le représentant nord-américain de Triumph, Jim Callahan, m’a proposé un digestif pour couronner la soirée. Je ne suis pas un buveur de scotch, mais le single malt étant une spécialité locale, je me serais senti comme un traître de ne pas y goûter. La serveuse m’a suggéré une sélection provenant d’une distillerie locale, dont le nom m’a échappé en raison de son accent extrêmement prononcé, mais qui ressemblait à hard bags (valises rigides). Étant donné que la Sprint est pourvue de valises rigides, j’ai vu là un bon augure et je me suis commandé un verre! On m’en a servi deux, un qui était rempli de scotch et l’autre d’eau. La serveuse m’a suggéré d’ajouter un peu d’eau au scotch afin de libérer son arôme capiteux. J’ai suivi ses conseils, mais le regrettais aussitôt. Le riche liquide ambré avait assailli mes narines d’une odeur suffocante tandis que sa saveur boisée et fumée avait ravagé mes papilles gustatives. J’en ai conclu que le scotch était un goût acquis.
Le lendemain matin, nous nous sommes préparés en vue d’une randonnée de 300 kilomètres devant nous mener jusqu’à l’Isle of Skye. La Sprint GT est la quatrième génération du modèle Sprint. La Sprint 900 avait été lancée en 1993 et avait subi une refonte en 1998 en se voyant doter d’un moteur de 955 cm3 et de la désignation ST. En 2005, son nouveau moteur de 1050 cm3 et sa carrosserie plus audacieuse lui conféraient une allure plus sportive, et maintenant, comme l’indiquent les lettres GT, les objectifs ont changé une fois de plus, davantage d’efforts ayant été mis sur le côté pratique, le confort du passager et le tourisme au long cours.
La GT est offerte de série avec des valises d’une capacité de 31 litres qui se verrouillent avec la clé de contact et qui, semble-t-il, sont suffisamment volumineuses pour contenir un casque TTG. Je n’ai jamais été un partisan des valises double coque, puisqu’il faut une troisième main pour y insérer ou en retirer du contenu, mais celles de la GT sont faciles à ouvrir, à refermer et à enlever de la moto. Un top case de 55 litres équipé d’une prise de courant de 12 volts est optionnel, tandis qu’un appui-dos pour le passager est également disponible pour la conduite en duo ou pour ceux qui transportent beaucoup de bagages. Comme espace de rangement supplémentaire, la GT renferme sous sa selle un rangement plus spacieux et une boîte à gants verrouillable, sur le côté droit du carénage, dont je me suis servi pour ranger mon portefeuille, mon appareil photo et un paquet de gommes à mâcher.
Visuellement, la GT reprend certains éléments de l’ancien modèle et en inclut de nouveaux. La section supérieure du carénage a été révisée avec des optiques de phare redessinées, tandis que les barres chromées distinctives sur les ouvertures latérales de carénage sont reprises de la ST. Parmi les autres éléments retenus, on note l’instrumentation, le cadre, les longerons latéraux et le réservoir d’essence d’une capacité de 20 litres. Le principal changement vient de l’échappement qui migre de dessous la selle, sur la ST, à une position latérale sur la GT. Ce changement adoucit les lignes de la moto, mais, malheureusement, il camoufle le magnifique monobras oscillant caractéristique de Triumph, qui a été allongé afin d’accroître la stabilité.
La GT est plus longue que la ST, mais la position de conduite, qui déporte le pilote légèrement vers l’avant, est conservée. Et puisque le constructeur britannique s’attend à ce que la GT attire une clientèle plus âgée, les repose-pieds ont été abaissés afin d’épargner les genoux des pilotes. Je suis un critique sévère en matière de selles, mais celle de la GT est l’une des meilleures sur lesquelles je me suis assis. Pour réchauffer les mains délicates des journalistes qui passent le plus clair de leur temps à taper au clavier, des poignées chauffantes en option ont été installées sur nos modèles d’essai, mais le large interrupteur basculant fixé sur le côté gauche du carénage ressemble à un ajout après coup.
Enfin prêts à nous mettre en route, nous nous sommes dirigés vers le nord en partant d’Inveraray et quelques minutes plus tard, nous nous trouvions sur des routes de montagne extrêmement plaisantes. La succession ininterrompue de virages rapides et de virages aveugles a immédiatement testé deux des éléments révisés de la GT. Les disques de frein avant allégés et les plaquettes de frein plus performantes permettent d’accroître la force de freinage de 10 pour cent. Et puisque la GT peut freiner avec plus de puissance, Triumph a corrigé le réglage de l’ABS en conséquence.
La suspension ne semblait toutefois pas aussi prometteuse. Dès la première séance de photos, il était devenu évident qu’elle n’était pas à la hauteur en conduite agressive. La suspension, qui est confortable et dorlote le pilote à des vitesses modérées, fait balloter et zigzaguer la moto à haute vitesse. L’utilisation du réglage télécommandé de l’amortisseur arrière pour accroître la précontrainte du ressort permet de raffermir la suspension, mais ce n’est pas suffisant pour combler entièrement ses lacunes. La fourche, qui a été révisée pour réduire l’effet d’enfoncement en freinage intense, s’est révélée trop souple au rythme auquel nous roulions. À la fin de notre séance de photos, j’ai découvert un autre irritant à propos de la nouvelle GT : son angle de braquage limité. Sur les routes étroites, j’ai dû effectuer chaque virage en U en me servant de mes pieds pour faire des virages en trois points.
Sur la A82 à l’est de Glencoe, le paysage avait commencé à se transformer. Au lieu d’être à flanc de coteau, la route traversait une vallée entourée de collines qui semblaient sur le point de s’effondrer sur la route. Pendant un arrêt pour faire le plein d’essence à Fort William, notre guide Triumph pointa du doigt le mont Ben Nevis qui, culminant à 1 344 mètres, est le plus haut sommet de Grande-Bretagne.
Déjà en début de soirée, nous avions traversé le pont qui relie Kyle Of Lochalsh à l’Isle of Skye. Deuxième plus grande île d’Écosse, Skye est également réputée pour le pourcentage élevé de sa population qui parle encore la langue gaélique. En quittant la région côtière pour nous diriger vers l’arrière-pays, j’ai cru que nous étions tombés par hasard sur un champ de bataille de la Deuxième Guerre mondiale. Les champs de part et d’autre de la route étaient recouverts de mousse et de boue et portaient les marques de centaines de petits cratères d’où s’échappait de la vapeur qui ressemblait à du gaz moutarde. C’était un spectacle inexplicablement sinistre et une étrange façon de clore notre première journée, puisque quelques instants plus tard, nous étions de retour à l’hôtel pour le reste de la soirée.
Le plan prévu pour le lendemain matin était de prendre le traversier à Armadale pour retourner sur le continent puis de descendre le long du littoral, mais à notre arrivée au point d’embarquement du traversier, le brouillard qui le recouvrait était tellement épais que le quai semblait déboucher sur un banc de neige. Comme nous ignorions combien temps l’annulation du transport par traversier durerait, nous avons fait demi-tour en empruntant notre parcours de la veille. Quand nous avons atteint le pont, le brouillard avait commencé à se dissiper et nous pouvions apercevoir au loin des parcelles de terre parsemées de petites maisons blanches. Au-dessus de nous, un seul rayon de soleil avait réussi à percer les nuages sombres et projetait une lueur sur le versant d’une colline tel un projecteur qui illumine une scène.
À mesure que les routes s’asséchaient, nous avons poursuivi le petit jeu auquel nous nous étions adonnés le premier jour et qui consistait à dépasser les autos en trombe. Ayant mes propres intérêts à cœur, j’ai roulé à la queue du peloton pendant toute la durée de notre périple. S’insérer dans la circulation et la quitter en ne bénéficiant que d’une faible marge d’erreur exige un moteur souple et puissant, ce qui est justement l’un des points forts de la GT. Même si celle-ci est dotée du même moteur que la ST, ses performances et sa consommation de carburant auraient apparemment été rehaussées grâce à son système de régulation moteur révisé et à son nouveau système d’échappement. Triumph a annoncé que la puissance maxi a gagné cinq chevaux pour en atteindre désormais 130 et que le couple a été haussé de 4 lb-pi pour s’élever à 80 lb-pi. Le couple maxi semble également être atteint à un régime plus bas de 6 300 tr/min, soit à 1 200 tr/min de moins.
Après un arrêt pour dîner à Oban, un village côtier pittoresque agrémenté d’une promenade animée, nous avons poursuivi notre chemin vers le sud, là où la route se transforme en une étroite montagne russe intégrant des virages serrés. J’ai remarqué des particules de terre s’échappant du pneu arrière de la moto devant moi et j’ai été impressionné par la traction des pneus double gomme Bridgestone BT021. Environ deux heures plus tard, nous étions de retour à notre camp de base à Inveraray.
Notre dernière journée complète d’essai nous a amenés au sud-est dans les Lowlands écossais en direction d’Edinburgh. À Stirling, nous avons fait un arrêt pour prendre une pause au National Wallace Monument qui rend hommage au héros écossais de la bataille du pont de Stirling qui a eu lieu en 1297. La tour à plusieurs étages renferme l’imposante épée à large lame de Sir William Wallace et offre une vue imprenable. La fierté nationale est une belle occasion pour vendre des produits dérivés et même si j’avais envie de me moquer d’un Américain qui était en train d’acheter des haggis végétariens en conserve dans la boutique-cadeau de la tour, je me suis retenu, parce que je faisais la file derrière lui pour acheter un ourson en peluche vêtu d’un kilt…
Contournant Edinburgh, nous avons roulé vers le sud en empruntant la route panoramique Borders Historic qui serpente des rivières et croise de petits villages-marchands au charme vieillot. Ce fut également l’occasion d’observer une métamorphose sur le plan géographique alors que le terrain ondulé qui caractérise les Lowlands écossais cède le pas aux prés ondulés qui ressemblent aux prairies hautes du nord de l’Angleterre.
Ayant encore une bonne distance à parcourir, nous avons rejoint l’autoroute M6 pour gagner du temps. C’était la première route à circulation libre sur laquelle nous roulions en trois jours, et l’occasion idéale de mettre à l’essai la capacité de reprises, la vitesse et la stabilité de la GT. La sixième vitesse, dont la démultiplication est sept pour cent plus élevée, se veut uniquement une vitesse surmultipliée. Pour obtenir une bonne accélération, il faut absolument se mettre en cinquième. Risquant une malencontreuse rencontre avec les flics britanniques, j’ai roulé la GT jusqu’à 210 km/h et j’ai trouvé qu’elle demeurait parfaitement stable malgré de forts vents latéraux. Le carénage s’est révélé efficace et le pare-brise de série (un pare-brise plus haut est offert en option) ne produit aucune turbulence au niveau du casque.
Plus nous avancions, plus le vent s’intensifiait jusqu’à ce que le minuscule journaliste japonais qui me précédait incline sa moto à un angle de 55 degrés juste pour la maintenir en ligne droite. Notre dernier arrêt de la journée pour faire le plein nous a donné un répit fort apprécié, mais a aussi été une source de contrariété. Pendant que j’étais à la salle de toilette, j’avais déposé mon casque dans un lavabo inutilisé. Je l’avais mis sur le côté pour l’empêcher de tomber, et tandis que j’utilisais l’urinoir, le robinet automatique du lavabo s’est ouvert, remplissant d’eau mon casque et mes gants…
Notre périple a pris fin le lendemain après une randonnée de trois heures sans incident où nous avons ramené les motos à l’usine de Triumph à Hinckley. Après avoir parcouru quelque 1 500 km sur certaines des routes les plus invitantes et panoramiques sur lesquelles on puisse souhaiter rouler, j’étais convaincu des qualités de routière sportive de la Sprint GT. Triumph prétend avoir positionné sa GT entre la VFR1200 de Honda et la FJR1300 de Yamaha, mais à 14 399 $, je trouve qu’elle se compare directement à la CBF1000 de Honda pour ce qui est de son prix, de ses accessoires et de ses performances. Vous pourrez la voir dans les salles d’exposition canadiennes dès septembre, juste à temps pour une balade automnale.