La dénomination Fazer peut sembler nouvelle pour quelques-uns d’entre vous, mais les plus âgés se rappellent sans doute la Fazer 750 apparue fin 1985 en tant que millésime 1986. Si cette version différait beaucoup de celle que j’avais en essai, certains traits de famille leur sont communs.
La culasse du moulin animant la version actuelle ne comporte plus 5 valves par cylindre comme celui issu de la fameuse FZ750 (configuration encore d’actualité sur sa grande sœur FZ-1), mais bien une configuration plus conventionnelle de 4 soupapes par cylindre. À l’époque, cette classe (750 cc) constituait une bonne part des motos vendues par les quatre grandes marques japonaises. Mais avec le gain de puissance des sportives de 600 cc au début des années 90, la classe trois quarts de litre perdait des joueurs chaque année. Yamaha a bien tenté d’arracher sa part du gâteau en concoctant la FZ6 et l’an dernier la FZ6R croyant ainsi avoir enfin trouvé le chainon manquant à sa gamme, mais il faut plus qu’un carénage intégral et une peinture criarde pour influencer les acheteurs potentiels à la recherche de la réincarnation de la moto japonaise universelle (UJM en anglais). Après avoir essayé une FZ6 il y a quelques années, j’en étais descendu à moitié convaincu.
La moto était vraiment bien finie, exempte de vibrations, confortable mais il y avait un « mais » que je définirais comme un manque réel de punch. Il faut dire qu’à cette époque, je possédais encore ma Bandit 1200, machine pleine de couple… C’est donc avec une certaine surprise que j’appris que Yamaha Canada allait importer la FZ8/Fazer comme modèle 2011 hâtif. Roulant présentement une Kawasaki Z750S, l’une des dernières tentatives dans cette classe, je demandai donc la Fazer pour un essai de quelques jours, histoire de voir comment se comportait la machine qui s’adresse directement à mon style de pilotage. À première vue, on croit avoir affaire à une FZ1 tant elles se ressemblent esthétiquement. Les seuls indices nous signalant que nous avons bien affaire à la dernière née sont : un silencieux plus volumineux et au fini noir mat (malheureusement facile à égratigner), l’absence de béquille centrale, l’absence d’ajustement sur la fourche inversée et une zone rouge débutant 500 tours plus tôt à 11 500 tr/m.
Le cadre et le bras oscillant peuvent sembler identiques mais au poids, on s’aperçoit que nous avons affaire à des composantes en acier au lieu de l’aluminium de la FZ-1. Une fois le contact mis, le son émis par l’échappement nous confirme que cette machine a du potentiel. L’embrayage progressif et la boîte de vitesse très souple malgré la relative jeunesse de la moto (elle avait 1 000 km au compteur lorsque j’en pris possession) m’ont permis une semaine en selle sans rapport manqué ou encore de faux points morts. En dépit de l’absence d’ajustement de suspension, seule la précharge de la suspension arrière peut être réglée en fonction de la charge que la moto sera amenée à transporter, le confort demeure quand même décent. Un peu raide en position standard, je la « ramollis » de trois niveaux pour accommoder mon poids proportionnel à ma taille… Ceux qui seront tentés d’amener leur 8 sur une piste trouveront ce manque d’ajustement agaçant, mais là n’est pas le but premier de cette moto.
En utilisation journalière pour se rendre au boulot, les petites particularités comme l’absence de vibration et un tableau de bord clair et lisible ajoutent à l’agrément de conduite. Certains, comme Neil (voir encadré), se plaindront du minimaliste rembourrage de la selle. Officiellement, cette moto n’a pas été conçue avec l’idée de traverser le continent en tout confort, Yamaha a d’autres modèles dans sa gamme qui s’en chargent déjà avec beaucoup de succès. Dans mon cas, je peux témoigner que vider un réservoir sans prendre de pause peut se faire sans avoir recours aux soins d’un chiropraticien ou nécessiter une pommade pour le postérieur. Ce qui est dommage par contre, c’est qu’il faut utiliser une clé hexagonale et replier les rebords de la selle pour atteindre la batterie. Plusieurs diront qu’avec les batteries sans entretien nous n’avons plus besoin de vérifier le niveau d’électrolytes, mais le risque de déchirer le revêtement ou d’égratigner la peinture demeure.
L’étagement des rapports pour sa part permet de s’amuser à faire monter le moulin en régime sur les deux très longs premiers rapports. Je me suis même amusé à rester volontairement sur le premier rapport en entrant sur l’autoroute. C’est finalement la morale qui me fit ralentir et sélectionner le second rapport arrivé à la limite tolérée sur nos autoroutes québécoises. Le moteur ne demandant pas mieux que de continuer jusqu’à son coupe-régime . À l’opposé, il est possible de laisser baisser le régime à 2 000 tr/min en sixième sans ressentir de protestation de la part de la transmission ou du moteur, la reprise se montrant agressive et progressive. Le son émis par l’échappement demeure tolérable sans bouchons sur l’autoroute, mais le grondement typique à l’admission constitue une drogue à laquelle on devient rapidement accro. La rigidité du cadre ne pose pas de question et l’angle de fourche permet une stabilité en courbe assez impressionnante compte tenu de l’absence d’ajustement. Cette stabilité permet de rouler à des vitesses ridiculement basses dans les bouchons de circulation sans vaciller comme c’est souvent le cas avec des machines avec une direction plus nerveuse. Mais cette stabilité a un prix, lors de virages en U, la 8 a besoin de toute la largeur de la route et parfois un peu plus…
Côté passager, un enfant se trouvera à son aise avec les repose-pieds placés relativement haut. Un adulte de 5’6″ et plus s’y sentira manifestement à l’étroit. Les barres de maintient offrent une bonne emprise et sont recouvertes d’un revêtement antidérapant. En revanche, sur la FZ8, style oblige, elles brillent par leur absence.
La gestion de l’essence constitue quelquefois un problème sur certaines machines dépourvues de jauges. Yamaha y a mis le paquet, dotant les 8 de jauges à essence à cristaux liquides combiné à un totalisateur qui entre en fonction dès que la réserve entre en action. Le réservoir d’une capacité de 17 litres permet une autonomie de près de 400 km d’autoroute roulés à vitesse tolérée…La corvée du remplissage est par contre rendue plus ardue par l’ajout d’un pare-éclaboussures qui ne remplit pas toujours sa fonction, surtout si nous avons affaire à une pompe au déclenchement agressif… mieux vaut prévoir un torchon. En examinant l’intérieur du carénage, on se demande pourquoi Yamaha a cru bon de simuler des couvercles sur le dessus si ce n’est que pour me faire poser cette question… Peut-être que des vide-poches sont disponibles pour d’autres marchés? Que ceux qui le savent me répondent!
Lorsque roulée sous la pluie, la protection offerte par le carénage de tête de fourche détourne la majeure partie des éléments hors du torse. Ne m’attendant pas à plus de protection que sur ma Z je ne fus pas déçu. Mais le lendemain matin, la corvée du nettoyage fut plus fastidieuse que ce à quoi je suis habitué… La bulle du carénage avait laissé entrer de l’eau loin d’être potable entre sa surface et des endroits exigus du carénage inaccessibles même avec un chamois. Le garde-boue enveloppant de la roue arrière (hugger) étant trop court pour protéger plus que l’amortisseur, toute la partie arrière se retrouve passée au jet de sable. La partie à démontage rapide (pour ceux qui seraient tentés de faire des séjours en piste) retenant la plaque et les clignotants écopant doublement.
En ce qui concerne le couple et la puissance, sur le dynamomètre de Mini Moteurs RG, la Fazer produit 94,4 ch à la roue arrière à 9 650 tr/min et son couple maximal de 56,8 lb-pi fut atteint à 7 900 tr/min.
La Fazer originale n’a pas connu un succès de vente à la hauteur des attentes des gens de Yamaha à l’époque. Peut-être ne répondait-elle pas à un réel besoin et n’était qu’un exercice de style de la part des concepteurs de la marque. Mais avec cette version au goût du jour, Yamaha atteint le centre de la cible, reste à choisir entre le style de la FZ-8 ou le confort de la Fazer. Mais une fois votre choix arrêté, vous ne serez pas déçu, elles en offrent pour chaque dollar investi.
——————————————-
Ici, en Amérique du Nord, où les motos sont utilisées à des fins récréatives, nous oublions que les Européens conduisent des motos avant tout pour se véhiculer. Et la FZ8 est une machine conçue en Europe et principalement destinée à ce marché. Selon Yamaha, son style est « massé vers l’avant », ce qui signifie, je présume, que ce modèle est censé donner l’impression que le carénage du phare avant s’étire vers la roue avant.
L’alimentation précise des corps papillon Mikuni de 35 mm témoigne de la précision des composantes auxiliaires de la FZ8. Les doubles disques avant de 310 mm sont agrippés par des étriers à quatre pistons qui permettent de freiner avec confiance tout en procurant une bonne rétroaction.
Les performances de la FZ8 sont excitantes sans qu’il soit nécessaire d’exploiter la partie supérieure de la plage des régimes comme sur la FZ6R et sans donner le sentiment de férocité de supersportive de la FZ1. À 120 km/h, le régime du moteur est d’environ 5 000 tr/min, le bourdonnement propre aux motos à quatre cylindres semblait bien contenu.
Le fait de troquer la FZ8 sans carénage contre la Fazer8 carénée a servi à illustrer à quel point nos idées préconçues peuvent influencer nos réactions sur une moto. J’ai immédiatement remarqué que les repose-pieds de la Fazer8 étaient plus bas et que son guidon était légèrement plus relevé que celui de la FZ8, ce qui convient mieux à son rôle de monture destinée au tourisme sportif au long cours. Imaginez mon étonnement quand je me suis aperçu que les dimensions de l’habitacle étaient les mêmes sur les deux machines! Si je n’avais pas fait confiance aux gars de chez Yamaha, j’aurais pris un ruban à mesurer pour vérifier moi-même les dimensions. (Dès que je me suis rendu compte que les repose-pieds n’étaient pas situés plus bas, j’ai commencé à ressentir un mystérieux engourdissement dans mes genoux – j’aurais mieux fait ne jamais connaître la vérité).
Même si j’ai été berné par la position des commandes sur la Fazer8, aucune des deux motos n’a réussi à me faire croire qu’elle avait une selle confortable. La selle des motos modernes est généralement plutôt inconfortable après un court laps de temps et le problème, à la base, est une question de style. Il suffit de planter un gros coussin gonflé sur le dos d’une moto pour qu’elle ait l’air aussi ridicule qu’un futon posé sur un cadre en bois bon marché d’Ikea. Comme Yamaha ne voulait pas compromettre le style « massé vers l’avant » de ses modèles, il a cloué une planche derrière le réservoir d’essence et l’a recouverte avec une émulsion composée de mousse et de vinyle… Ça ne serait pas plus inconfortable que de tourner la moto à l’envers et de s’asseoir sur la base du moteur! Mais ce reproche ne vise pas uniquement Yamaha. Peu importe le constructeur, toutes les motos dans cette catégorie sont munies d’une selle tout aussi dépourvue de rembourrage pour le postérieur. Les acheteurs de l’un ou l’autre modèle auraient intérêt à prévoir l’achat d’une selle de rechange dans leur budget.
Neil Graham