Il y a des motos qui représentent la quintessence même de Honda : elles sont douces, silencieuses et pratiques. Mais bien que la CBF1000 soit une moto d’un litre civilisée, peut-on vraiment désigner la CBF600 comme un modèle d’entrée de gamme pour les pilotes novices?
Tous ces kilomètres parcourus dans la plus grande monotonie sur l’autoroute insipide avaient réussi à miner mon enthousiasme. Assommé par le bourdonnement soporifique du moteur en guise de trame sonore qui ne faisait qu’attiser mon ennui, je me suis demandé si la CBF600 de moyenne cylindrée de Honda était un modèle convenable pour les novices prêts à piloter un modèle plus puissant que la CBR125R de faible cylindrée, comme Honda le souhaiterait, ou bien si elle représentait un pas trop grand à franchir en matière de puissance, de poids et de performances.
Honda aurait pu se contenter de présenter sa CBF600 simplement comme un nouveau modèle de moyenne cylindrée, mais ne l’a pas fait. Mais est-ce qu’une moto de 70 chevaux et des poussières de 222 kg constitue un choix approprié pour des débutants? Est-ce que Honda a oublié ce que c’est d’être un jeune motocycliste inexpérimenté? Bien sûr qu’il ne l’a pas oublié, il tente juste désespérément de combler un vide dans sa gamme de modèles 2010.
Nous avons fait l’éloge de Honda Canda pour avoir eu la prévenance d’importer la CBR125R. À lui seul, Honda a réussi à insuffler un vent de jeunesse à l’industrie de la moto au Canada, mais après une entrée en scène fort réussie, il a trébuché quand est venu le temps de passer au deuxième acte : un modèle de moyenne cylindrée destiné aux pilotes de CBR125R prêts à passer à l’étape suivante. L’autre proposition la plus alléchante dans l’arsenal mondial de Honda est la CB400 Super Four, lancée en 1992 et jouissant d’une grande popularité sur le marché asiatique. Bénéficiant de l’ABS, d’un moteur à quatre cylindres en ligne refroidi au liquide, d’un poids moyen et de dimensions compactes, la CB400 serait la machine idéale pour retenir les pilotes de CBR125R dans le giron de Honda. Ce scénario idyllique n’a toutefois pas été retenu (aux dires de Honda Canada) parce que les coûts d’importation et d’homologation de la CB400 en vue de son utilisation au Canada auraient fait en sorte qu’elle coûte autant que des modèles de plus grosse cylindrée. La triste réalité pour les constructeurs et les adeptes de motos, c’est que les petites motos ne sont pas très rentables.
Honda Canada espère que la CBF600 permettra de combler un vide, en prenant soin de souligner le succès qu’elle connaît en Europe, où les ventes de ce modèle ont excédé celles de la Ducati Monster 696 sur le marché italien.
Visuellement, il y a très peu de choses à propos de la CBF600 qui inciteraient un pilote à y jeter un deuxième coup d’œil avant de fermer la porte de son garage. Seulement offerte en noir, la carrosserie est dominée par un demi-carénage pourvu d’un pare-brise ajustable en deux positions et d’un généreux réservoir d’essence d’une capacité de 20 litres qui devrait autoriser une bonne autonomie entre les pleins. La position de conduite relevée et la selle confortable ajustable en trois positions (770, 785 et 800 mm) font de la CBF600 une compagne agréable pour les ballades au long cours. Réglée à sa position la plus basse, la selle (ce n’est sans doute pas une coïncidence) est de la même hauteur que celle de la CBR125R.
Le moteur à quatre cylindres de 599 cm3 refroidi au liquide ne réussirait à décevoir que les pilotes habitués aux modèles d’un litre. Pour ceux qui pilotent la 125, la puissance est amplement suffisante. Comme dans le cas de toutes les motos à quatre cylindres de moyenne cylindrée, celle-ci est dans son élément lors des montées en régime, et sa boîte de vitesse autorisant des changements de rapports coulés ainsi que le faible effort requis sur le levier d’embrayage favorisent les hauts régimes. La démultiplication du dernier rapport est plutôt courte, ce qui fait en sorte que le moteur tourne à 5 000 tr/min à 100 km/h. La vibration haute fréquence qui s’est manifestée à 6 000 tr/min m’a incité à rouler moins vite sur l’autoroute afin d’obtenir une réponse plus douce.
Le freinage ABS couplé utilise les mêmes composantes que celles de la CBF1000 et procure une puissance de freinage presque comparable à celle d’une moto sport. Je m’attendais à ce que la fourche de 41 mm ajustable seulement en précontrainte et que le monoamortisseur arrière ne soient pas à la hauteur du potentiel de vitesse et de la force de freinage de la moto, mais celle-ci a conservé sa superbe même en pilotage intense. Les performances de la moto sur la piste sont tout aussi étonnantes. Le solide cadre en aluminium permet au pilote de râper les repose-pieds au sol en toute sécurité.
Est-ce que toutes ces qualités font de la CBF600 un choix raisonnable pour un pilote de CBR125R qui est prêt à passer à autre chose? Absolument pas! Les pilotes chevronnés oublient qu’il faut beaucoup de temps pour acquérir de l’habilité et de la confiance en moto. Ils oublient aussi qu’il y a 30 ans, le poids et la puissance de la CBF600 l’auraient presque classée dans la catégorie d’une supersportive. Les novices qui se sont rapidement sentis en confiance sur une moto de plus petit gabarit et qui ne sont pas intimidés par les dimensions physiques de la CBF600 peuvent faire la transition facilement, mais le risque, pour certains débutants du moins, est qu’ils oublient les leçons apprises sur la CBR125R au guidon d’une moto qui leur en donne trop, trop vite. Et même si c’est une machine polyvalente et compétente, à 9 900 $ avec l’ABS elle coûte 1 000 $ de plus que ses concurrentes non équipées de l’ABS, telles que la FZ6R de Yamaha ou la Ninja 650R de Kawasaki à deux cylindres. Bien que la Honda ait ses mérites en tant que moto de moyenne cylindrée, ce n’est pas le modèle auxquels les nombreux adeptes de la CBR125R s’attendaient. Et c’est vraiment dommage.
La CBF1000 est un autre modèle européen qui fera son entrée au Canada prochainement. L’ancien modèle avait fait l’objet d’un essai à long terme publié dans la revue en 2008, et, outre son apparence sans éclat, nous avions critiqué certaines des lacunes de cette machine, lesquelles ont été corrigées depuis. Le nouveau modèle affiche une allure plus percutante et moderne grâce à son carénage supérieur élargi et à son pare-brise ajustable manuellement en quatre positions. Les valises rigides auxquelles je m’étais habitué sur notre moto d’essai à long terme sont désormais absentes des flancs de la CBF1000. Mais Honda m’a rappelé que les valises étaient offertes en option sur notre modèle d’essai 2008, et elles sont toujours proposées en option pour 1 180 $ sur la CBF1000 qui affiche un prix de base de 13 000 $.
La moto est propulsée par le même moteur à injection de 998 cm3 à seize soupapes et refroidi au liquide que celui du modèle de l’an passé. Issu initialement du modèle supersport CBR1000RR 2004, le moteur de cette année a été révisé par les ingénieurs en vue d’obtenir de modestes gains de puissance et une plus meilleure répartition du couple sur la plage des régimes. Le gain de cinq chevaux et l’infime hausse du couple valent la peine d’être mentionnés parce que la moto accuse cinq kg de moins, attribuable en partie au fait que le cadre en acier a été remplacé par un cadre en aluminium. La CBF1000 a renforcé ma conviction voulant qu’une moto d’un litre soit la monture idéale pour un pilote paresseux. Le moteur tire fort sur chacun des six rapports qui se sélectionnent aisément, et peu importe que vous filiez à toute allure sur une piste ou que vous vous frayiez un chemin en ville, la souplesse de son moulin incite à changer les rapports avec nonchalance. La consommation d’essence réduite de sept pour cent annoncée par Honda peut être validée par l’ordinateur de bord de la CBF1000 qui affiche la consommation d’essence en temps réel. (Deux écrans ACL et un large tachymètre centré remplacent les cadrans rotatifs de l’ancien modèle.) Grâce au réservoir d’essence d’une capacité de 20 litres, l’autonomie devrait être impressionnante.
Les composantes de la suspension révisée sont suffisamment rigides pour permettre une solide tenue de route, tout en étant assez souples pour absorber les bosses. Chaussée de pneus avant et arrière de la même taille que ceux de la CBF600, et accusant seulement 23 kg de plus que la 600, la 1000 est presque aussi maniable que sa petite sœur, et freine solidement grâce à son freinage ABS couplé.
La hauteur standard de 795 mm de la selle peut être abaissée ou relevée de 15 mm. Assis en selle, on a l’impression que la moto est plus compacte et maniable que ce à quoi on pourrait s’attendre d’une moto de cette cylindrée. Toutefois, comme dans le cas du modèle CBF1000 précédent (et de la CBF600 actuelle), les poignées semblent aussi espacées que celles de la brouette d’un gnome de jardin. Non pas qu’un guidon plus large soit nécessaire pour procurer un meilleur effet de levier pour manier la moto, mais des poignées légèrement plus espacées permettraient aux bras de retomber plus naturellement. Compte tenu du niveau de performances et de la qualité de sa construction, son prix de 13 000 $ est raisonnable, à la condition que vous aimiez le jaune, le seul choix de coloris offert. Personnellement, j’aime bien cette couleur, mais comme je joue dans une équipe de hockey où les joueurs portent des chadails roses, je ne suis pas la meilleure source de référence.
La CBF600 et la CBF1000 sont des motos « cols bleus » qui livrent des performances de haut niveau de façon efficace et discrète. Ce sont des motos qui jouent la carte de la simplicité volontaire, parfaites pour les déplacements quotidiens, le tourisme léger et une utilisation générale. Au Canada, en raison de notre saison de moto écourtée par la température, presque toutes les motos sont utilisées comme moyen de divertissement. Les marchés sur lesquels la saison de moto est plus longue perçoivent les motos de façon différente – certains y voient une solution de rechange économique à l’automobile. Pour les pilotes de la plupart des pays d’Europe, par exemple, le nombre de roues est la seule différence importante entre une Honda Civic et une Honda CBF. Ce sont des motos dont le côté utilitaire est profondément encodé dans leurs gènes.