Le lancement du Can-Am Spyder de BRP nous rappelle que l’idée d’un véhicule hybride à trois roues, à mi-chemin entre auto et moto, n’est pas neuve. De nombreux ingénieurs se sont penchés sur le sujet, dès le 19e siècle. En fait, plus de 150 manufacturiers ont commercialisé des trois roues à un moment ou l’autre de l’histoire. Aujourd’hui, une cinquantaine sont actifs et diverses interprétations de trois roues sont proposées aux amateurs. Toutes ces machines visent le même but : offrir le plaisir et la performance d’une moto, mais avec la facilité de conduite d’une auto. Cependant, quelques-unes seulement se démarquent par leur originalité, leurs performances ou encore par le «fun» qu’elles distillent.
Parmi les fabricants les plus connus, notons la Morgan Motor Company qui a commercialisé plusieurs modèles de roadsters à trois roues dès 1910 et jusqu’au début des années 1960. Les Morgan avaient toutes en commun une suspension avant indépendante, un moteur (habituellement un bicylindre en V) visible, placé à l’avant, au-dessus des deux roues directrices et une transmission par propulsion. Légères et maniables ces machines ont atteint le statut d’icônes et ont été utilisées en compétition. La majorité des Morgan à trois roues étaient des biplaces (côte à côte), mais certains modèles pouvaient accueillir trois ou quatre personnes. Aujourd’hui, des répliques de certaines de ces machines sont encore commercialisées en kit à assembler. Puis il y eu la Piaggio Ape 50, la Moto Guzzi Dingotre, les Reliant Robin, Regal et la désormais fameuse Supervan, la Trojan, la Grinnall Scorpion III, la R.E.G., le concept-car Peugeot 20Cup présenté au Salon de Francfort 2005, ou encore la T-Rex, originaire du Québec.
La T-Rex réactualise le concept du roadster à trois roues Le concept de Morgan fut repris presque un siècle plus tard (1994) par la T-Rex du Québécois Daniel Campagna. Il s’agit d’un hybride de moto et de roadster prenant pour base une mécanique de Kawasaki ZZR 1200. Celle-ci a notamment fourni son quatre cylindres développant 150 ch et 92 lb-pi de couple à l’unique roue arrière. Le reste du châssis s’appuie sur une structure tubulaire en acier, sur laquelle sont greffées des suspensions à triangles superposés et barre antiroulis à l’avant, et un bras oscillant de moto à l’arrière. C’est une boîte séquentielle à 6 rapports avec marche arrière qui équipe cet engin biplace côte à côte, habillé par une carrosserie en fibre de verre. La T-Rex s’autorise un 0 à 100 km/h en à peine plus de 4 secondes et atteint 225 km/h. L’engin prévoit même l’ajout de valises de moto de part et d’autre de la roue arrière… Les T-Rex ont profité de multiples évolutions pour aboutir à ce modèle qui propose un poids de 410 kg seulement, pour 150 ch, de quoi titiller de nombreuses sportives à quatre roues. Son prix d’environ 49 500 $ met la T-Rex hors de portée de nombreux amateurs, cependant.
Le Carver One : plus proche de la moto Si les Morgan et T-Rex, avec leurs deux roues avant directrices, s’apparentent plus à une automobile (la T-Rex est néanmoins immatriculée comme une moto), le Carver One s’adresse davantage aux motocyclistes. Ce drôle d’engin originaire des Pays-Bas a la particularité de pencher en virage. Comparativement aux deux véhicules précédemment cités, sa disposition est diamétralement à l’opposé. Ses deux roues arrière sont motrices, la roue avant est directionnelle et le châssis articulé lui permet de s’incliner. Ce châssis innovateur nommé «Dynamic Vehicle Control» (Contrôle dynamique de véhicule) par ses concepteurs permet aux deux roues arrière de demeurer perpendiculaires au sol alors que le châssis et la roue avant penchent. C’est un système mécanique et hydraulique qui se charge de l’inclinaison. Le DVC sépare l’impulsion du conducteur sur la direction vers la roue avant de l’inclinaison. En fonction de la vitesse et des conditions de la route, le DVC ajuste automatiquement l’équilibre entre l’angle de la roue avant et l’inclinaison. Selon le fabricant, la totalité de l’impulsion du conducteur est dirigée à la roue avant et le châssis demeure droit à basse vitesse. Quand la cadence augmente, l’impulsion est progressivement plus dirigée à incliner le châssis et moins la roue. Étant au cœur du concept, le DVC contrôle le véhicule tout en produisant la rétroaction nécessaire vers le pilote. La partie avant du Carver One s’inclinerait à 45 degrés de chaque côté. Pour ce qui est des occupants, ils sont assis l’un derrière l’autre comme sur une moto, il possède des composantes propres à l’automobile : sacs gonflables, baudriers, cage en acier et barre protectrice de toit. Celui-ci est amovible pour transformer le Carver One en cabriolet. Le châssis est une structure monocoque en acier recouverte de panneaux en matières composites. Ses faibles dimensions le rendent facile à garer. Il est équipé d’une radio, d’un lecteur de DC et d’une chaufferette. Ses glaces latérales sont à commande électrique et son toit est amovible. Ses sièges sont recouverts de cuir et de laine d’alpaga reconnue pour sa douceur.
Le moteur est un quatre cylindres en ligne, quatre temps, de 659 cm3, à DACT et quatre soupapes par cylindre. Il est refroidi au liquide et pourvu d’un convertisseur catalytique. Le moteur est suralimenté par un turbocompresseur accouplé à un échangeur de chaleur. Ce dernier refroidit l’air livré au moteur par le turbo. Théoriquement, le mélange air-essence devenu plus dense est plus explosif. Au plan pratique, la température réduite donne aussi la possibilité d’utiliser un rapport volumétrique plus haut ou un calage d’allumage plus agressif. Carver Europe annonce une puissance de 68 ch à 6 000 tr/min et un couple de 74 lb-pi à 3 200 tr/min. La puissance est acheminée par une transmission manuelle à cinq rapports et un différentiel à glissement limité. La vitesse de pointe se situe à 185 km/h, tandis que le 0 à 100 km/h est abattu en 8,2 s. Le Carver One se détaille environ 35 000 euros (à peu près 53 000 $).
Piaggio MP3: l’esprit moto
Piaggio, le créateur de la Vespa, puis du Ape 50 (un triporteur utilitaire) arrive avec le Piaggio MP3, un véhicule innovateur à trois roues, dont deux à l’avant, qui fait, en quelque sorte la synthèse des deux concepts précédents. Il s’agit d’un scooter à part entière, qui se conduit comme tel. Le MP3 offre un niveau de sécurité, de tenue de route et de stabilité qu’aucun deux roues ne peut égaler. Puissance, performance et facilité d’utilisation le rendent très agréable à piloter. Ses deux roues avant redéfinissent totalement la notion de stabilité. Le train avant, composé de deux roues inclinables, est beaucoup plus stable que celui d’un scooter traditionnel. Le Piaggio MP3 tient bien la route même dans le trafic urbain. Sa stabilité est particulièrement appréciable sur revêtement mouillé ou dans d’autres conditions difficiles pour un scooter classique. Il se joue ainsi facilement des routes pavées, des raccords d’asphalte et des rails de tramway en conservant sa stabilité.
Avec sa taille de super scooter compact et sa manoeuvrabilité exceptionnelle, le Piaggio est dans son élément dans le trafic urbain. Il est facile à stationner : grâce au système de blocage électrohydraulique de la suspension, il n’est pas nécessaire de le mettre sur sa béquille. Sa largeur hors tout à l’avant de seulement 420 mm fait qu’il est tout de même reconnu comme une moto standard à deux roues. Sa distance de freinage est très inférieure à celle des autres scooters : le système de freinage à trois disques et la tenue de route du train avant permettent d’obtenir une distance de freinage inférieure de 20 % à celle d’un scooter classique.
Le Piaggio MP3 est aussi à l’aise en dehors de la ville en raison de sa tenue de route et de son angle d’inclinaison maximum de 40 %, ce qui est supérieur à celui d’un scooter ordinaire. Il se décline en trois cylindrées : 125, 250 et 400 cm3, tous des moteurs modernes quatre temps, à quatre soupapes par cylindre et refroidissement liquide respectant les normes de pollution Euro3. En Europe, le modèle 125 de base se détaille aux alentours de 4 700 euros (taxes comprises), soit environ 7 200 $. Pour l’instant, Canadian Scooter Corp., le distributeur canadien de Piaggio, a annoncé l’importation du MP3 250 cm3, au prix de détail de 8 495 $. Ce véhicule novateur, qui marque le début d’un nouveau mode de transport, n’entre pas vraiment en compétition avec le Can-Am Spyder, la T-Rex ou le Carver One. En fait, ils ont tous peu de chose en commun et chacun offre une expérience de conduite complètement différente.