Patrick Nadeau parcourt le monde

Par Marc ParadisPublié le

Partir seul à moto est une chose. Décider que le voyage consistera à faire plus que le tour du Canada ou encore des États-Unis s’avère une autre paire de manches. Avoir pour projet de parcourir le monde constitue tout un défi. Ce défi, un jeune homme de Saint-Jérôme l’a relevé et nous propose de suivre son parcours en temps réel sur son site web patricknadeau.ca et ainsi de faire partie de son aventure. Voici donc la chronologie de son épopée qui nous mènera du Québec au Guatemala, avec bien sûr un petit retour en arrière pour comprendre toute l’implication derrière un tel projet.

Janvier 2016
De retour à la maison après un voyage à travers la Thaïlande, j’ai seulement une idée en tête : repartir au plus vite vers quelque chose de plus intense. Et si c’était le tour du monde en moto!?

Les semaines défilent et j’essaie d’amasser le plus d’information possible. Quels coûts représente un tel projet? Quel modèle de moto dois-je privilégier? Quel est l’équipement requis? Quels papiers ai-je à me procurer afin de traverser une moto d’un continent à l’autre?

Février 2016
Je commence alors à penser aux alliés qui me seront nécessaires pour concrétiser mon projet. Sachant que la visibilité s’avère primordiale pour la recherche de commandites, je me concentre, tout d’abord, sur cette facette. Pour ce faire, je décide de faire appel à un ami de longue date, Patrice Miron, qui vient tout juste de démarrer son entreprise de promotion moderne : X fois Y. Ensemble nous me créons une identité en ligne afin que les gens soient en mesure de suivre mon aventure 24h/24, 7j/7, et ce, sur différentes plate-formes web. Nous travaillons, ensuite, sur un document afin d’aller chercher des partenaires en soutien aux différents aspects de mon voyage. Enfin, une étape plus délicate, et qui sans doute aurait pu être beaucoup plus difficile n’eut été de ma bonne relation avec mon employeur : ma demande de congé non payé d’un an. Yvan, je dois te remercier de m’avoir laissé aller vivre mon expérience de fou!

Fin mars 2016
Grâce au soutien exceptionnel de X fois Y, nous terminons le site internet, le document de présentation Powerpoint, les vidéos promotionnelles et sans oublier une des choses dont je suis le plus fier, le logo. Le projet se voit maintenant prêt à être présenté aux partenaires.

Avant d’aviser ma famille et mes proches de mes intentions, je souhaitais être certain que tout fonctionne. Maintenant que mes pions se trouvent en place, il est temps de le faire. Une visite à Québec, chez mes parents, s’impose afin de leur faire l’annonce officielle. Leur réaction ne fut pas instantanée, à la rigueur décevante. Il faut dire que nous ne somme pas une famille qui laisse transparaitre ses émotions. Ce n’est que quelques jours plus tard que je reçois un coup de fil de mon père. Malgré leurs craintes respectives, ils se disent très fier de moi et affirment toute l’admiration qu’ils portent envers ce que je souhaite accomplir.

Avril-mai 2016
Puis vient la rencontre avec les différents partenaires afin de leur présenter mon projet. Considérant que j’aurai à porter leurs couleurs, je décide de sélectionner des entreprises en lien avec mon projet et pour lesquelles j’éprouve un sentiment d’appartenance.

Pour ce qui est de la moto, je décide de faire appel à un ami du secondaire, Danik Roger, vice-président chez QuadPRO Motosport. Il est emballé par la proposition et l’entreprise accepte d’emblée de contribuer au projet. Nous prenons notre temps afin de trouver la meilleure moto pour un périple de la sorte. Mon choix s’arrête finalement sur la Suzuki DL V-Strom 650 2009. Avec l’aide de l’équipe des pièces et du centre de services, j’adapte l’engin pour qu’il réponde aux besoins du voyage. On me met aussi en contact avec Importations Thibault Canada qui m’offre d’excellents rabais sur les pièces et l’équipement.

Le deuxième partenaire d’importance que j’approche est Toitures Hogue. Je connais déjà très bien cette entreprise, car plusieurs de mes amis y travaillent, dont le directeur général, Francis Richer. Je n’ai pas eu besoin d’expliquer mon projet très longtemps pour que toute l’équipe soit derrière moi. Ils ont décidé de m’aider financièrement afin de couvrir les frais reliés à l’aide humanitaire que je vais faire durant les prochains mois en Amérique du Sud. C’est donc avec fierté que je porte leur parapluie sur la moto.

Juin-juillet-août 2016
La partie qui, pour moi, s’avère la plus complexe est sans contredit l’itinéraire. Au départ, je souhaite, par voie aérienne ou maritime, traverser ma moto d’un continent à l’autre. Mais à la suite de mes recherches, j’apprends qu’un carnet de passage en douane (CPE) est nécessaire. Il s’agit d’une sorte de passeport qui s’adresse spécifiquement aux véhicules motorisés. Celui-ci certifie que mon intention ne consiste pas à en faire le commerce. Il coûte plutôt cher et se trouve complexe à gérer. Après une longue réflexion et considérant mon budget, je dois me résoudre à seulement traverser l’Amérique avec ma moto. Je compte partir de Saint-Jérôme, au nord de Montréal, pour me rendre jusqu’en Argentine, où j’y laisserai ma moto. Rendu sur place, je devrai prendre une décision, à savoir si je traverse vers le continent asiatique pour continuer mon aventure, en fonction du temps et de l’argent toujours à ma disposition.

Septembre-octobre 2016
L’apport de mes amis et contacts tout au long du processus a été très précieux. En compagnie de Max Émond et Sam Paquette, copropriétaires du bar La Chope de Saint-Jérôme, je commence la préparation de ma soirée de départ, qui aura lieu le vendredi 11 novembre 2016. Afin d’amasser un peu d’argent, c’est au tour de Pat Pratte de me mettre en contact avec l’un des propriétaires de la microbrasserie Le Trou du Diable. Ce dernier accepte de m’offrir de la bière à très bon prix que je pourrai vendre durant ma soirée d’adieu. Je remercie aussi Marc et Christine Forest, de Meta-For, pour avoir mis une paire de billets des Canadiens aux enchères. J’ai également la chance de pouvoir dire au revoir à ma famille à l’Auberge du Lac Morency, grâce à Nicolas Sills, délégué commercial de ce magnifique endroit. Je dispose de dix chambres gratuites. Cela représente pour moi un autre moyen de financement. Cette soirée est fixée au samedi 12 novembre, alors que le départ est prévu pour le lendemain matin, le dimanche 13 novembre.

Novembre 2016
Déjà rendu à ma dernière semaine de travail. La préparation se trouve pratiquement terminée. Il est temps pour moi de libérer ma chambre et de prendre mes effets personnels, puisque ma maison sera louée pour l’année qui vient par une amie. À ce moment précis, je réalise l’ampleur du projet qui m’attend.

Nous voilà rendu le 13 novembre, jour du grand départ! Parents, famille, amis et collègues sont réunis une dernière fois dans le stationnement de l’Auberge du Lac Morency. Il est 10 h 30, mon cœur est rempli d’émotions ambivalentes. J’embrasse mes parents et je dis au revoir à ceux que j’aime. Tout cet amour reçu de la part de mes amis et de ma famille lors de ces deux soirées a été au-delà de mes attentes et m’aidera à passer à travers la nostalgie qui m’habitera durant les premières semaines de mon voyage. J’enfile mon casque… Un dernier regard vers les miens…et c’est parti pour New York!

Mille mercis à vous tous qui avez contribué de près ou de loin à la réalisation de mon rêve. Vous êtes une partie de mon inspiration et dans les moments les plus difficiles, je pense à vous. Je vous aime! À bientôt!

États-Unis
Les États-Unis étant ma première destination, je comptais bien en faire mon terrain de pratique pour parfaire le contrôle de mon bolide et l’utilisation de mon équipement de voyage. Mon premier arrêt fut la ville de New York, où j’en profitai pour visiter Times Square, le défunt World Trade Center et l’immense Central Park, qui fut, sans contredit, mon coup de cœur. Puis, je poursuivis mon chemin vers les villes de Washington, Charlotte et Knoxville. Je passai les deux jours suivants dans les montagnes du parc national des Great Smoky Mountains et de la Forêt nationale de Nantahala à parcourir les mythiques routes Tail of the Dragon et Devil’s Triangle. En toute franchise, je ne m’attendais pas à ce que la moto tienne aussi bien la route étant donné le poids de mon équipement. Je dois admettre, même encore aujourd’hui, que je n’ai rien à redire des modifications apportées par l’équipe exceptionnelle de chez QuadPRO Motosport.

Le 28 novembre, jour du Thanksgiving, puisque je n’avais fait aucune réservation et que les quelques hôtels de la ville affichaient complet, je dus passer ma première nuit de camping dans le village de Cherokee. Malgré mes peurs dues aux hurlements de coyotes et aux craquements des branches, j’adorai cette première nuit sous la tente. Je décidai alors que les prochaines nuits allaient aussi se passer en camping.

Je laissai ensuite les montagnes de la Caroline du Nord pour me diriger vers La Nouvelle-Orléans. Même si physiquement j’étais maintenant à des kilomètres de chez moi, mon esprit, lui, n’avait toujours pas totalement décroché. Des pensées tournaient en boucle dans ma tête : vais-je avoir les mêmes conditions de travail avantageuses à mon retour? ma nouvelle copine m’attendra-t-elle? est-ce vraiment une si bonne idée ce voyage? Arrivé à destination, la visite de ma copine allait tomber à point. Nous en profitâmes pour aller se promener dans les marécages afin de taquiner les crocodiles. Nous aimâmes particulièrement le Quartier Français pour son architecture ancienne et surtout pour sa gastronomie. Notre restaurant préféré fut The Melting Pot pour sa réconfortante fondue chinoise. J’utilise ce qualificatif parce que mes parents me reçoivent toujours avec ce plat.

De retour sur la route, la pluie s’étant mise de la partie, je dus ranger l’équipement de camping en échange de quelques nuits à l’hôtel dans les villes de Houston, Galveston et Corpus Christi. Il faut noter que dans la ville de Corpus Christi se retrouve le USS Lexington. Il s’agit d’un immense porte-avion datant de la Deuxième Guerre mondiale que l’on peut visiter. Il est tout de même très impressionnant de voir que dans les années 1940, l’armée américaine possédait déjà des équipements d’une telle envergure. Enfin, mon périple américain s’est terminé dans la ville de Brownsville, où une situation plutôt cocasse m’attendait. Je me suis fait intercepter par la police de l’État du Texas, car j’utilisais mon drone afin de faire une vidéo dans un champ de vaches. Les policiers m’informèrent qu’il était illégal, dans cet État, de filmer sur une propriété privée. Ils se sont par contre montrés très sympathiques, tellement que je me suis même permis un selfie en leur compagnie.

Mexique
C’est officiellement le 9 décembre que je franchis la frontière du Mexique. À la suite des conseils des personnes que je rencontrai sur la route, je décidai de passer par celle de Reynosa. Ce fut également à partir de cette journée que je dus mettre en pratique mon espagnol. Je dois dire qu’avant de quitter pour cette magnifique aventure, je pris trois mois de cours privés, puisque je ne possédais aucune notion de cette langue mis à part les fameux Una cerveza por favor et Hola chica!

En arrivant à l’immigration, l’agent mexicain me demanda d’ouvrir une valise. Celle de mon choix! J’ouvris donc la plus facile d’accès. Ensuite, il vérifia vraiment rapidement les enregistrements de ma moto ainsi que mon permis de conduire. Puis, il me laissa filer en me disant : « Bienvenido a México Senior Patrick! » À vrai dire, je fus plutôt déstabilisé puisque je n’eus pas à sortir mon passeport pour y faire estamper la preuve comme quoi je venais d’entrer dans le pays. De plus, je ne reçus aucune indication afin d’aller chercher mon permis d’importation temporaire (1) pour ma moto et je n’aperçus aucune enseigne pour les douanes. Je retournai donc voir le douanier. Il me confirma que tout était en règle, puisque j’étais un Canadien… Erreur! Par sa faute, durant tout mon séjour au Mexique, c’était comme si j’étais entré illégalement. Mais à ce moment, je l’ignorais. Ce n’est que 15 jours plus tard, à ma sortie du pays, que j’allais m’en apercevoir. J’avais pourtant bien fait mes recherches et je savais très bien que la moto devait avoir un permis d’importation temporaire (1). Il faut croire que l’excitation avait pris le dessus et probablement embrouillé mes idées.

Ma première destination mexicaine fut la ville de Monterrey pour deux jours. Par la suite, je traversai les villes de San Miguelito, Xilitla, Pachuca, Puebla, Veracruz, Tuxtla Gutiérrez et Tapachula. Pour me rendre à Xilitla, je pris la route MEX 70 & MEX 85, assurément la plus belle route du Mexique que j’ai empruntée. Les montagnes, les paysages, les courbes en montant et en descendant étaient tout simplement incroyables. Sinon, j’adorai particulièrement les villes de Puebla et Tuxtla Gutiérrez où l’ambiance du temps des fêtes était au rendez-vous. En soirée, les locaux se rassemblaient dans les parcs de leurs quartiers et en profitaient pour danser parmi de magnifiques décorations de Noël.

En route vers ma dernière ville mexicaine, Tapachula, je m’arrêtai au comptoir de l’autoroute payante et j’y fis la rencontre d’André, un Américain de San Francisco qui voyageait également seul avec sa moto. Au fil de notre discussion, nous nous aperçûmes que nous nous retrouvions exactement dans la même situation. C’est-à-dire que nous n’avions aucune estampe sur notre passeport et aucun permis d’importation temporaire (1) pour nos motos respectives. Nous décidâmes donc de continuer notre chemin et de franchir la frontière du Guatemala ensemble. En arrivant à l’hôtel, j’appelai l’ambassade du Canada afin d’avoir quelques renseignements. Les préposés me dirent que je ne devrais pas avoir de problèmes majeurs et que si tel était le cas, de tout simplement les appeler et qu’ils allaient alors m’aider…

Vingt-trois décembre 2016, 7 h 30. Nous prîmes la direction de la frontière du Guatemala légèrement angoissés. En arrivant au bureau de l’immigration du Mexique, je tentai ma chance en présentant mon passeport afin de recevoir l’estampe de sortie mais, tel que je le redoutais, le douanier me dirigea vers le comptoir d’information pour régler ce problème. Finalement, plus de peur que de mal, quelques deux heures plus tard, je pus enfin sortir du pays. Par contre, il nous restait toujours les motos à passer! Nous décidâmes de prendre une chance et de ne pas s’arrêter au comptoir des douanes étant donné que nous ne possédions pas notre permis d’importation temporaire (1) et de passer directement au pont qui relie le Mexique au Guatemala. Rendus de l’autre côté, la première étape fut de changer nos pesos mexicains en quetzales guatémaltèques alors que simultanément, un agent s’occupait de la fumigation (2). Cette étape étant nécessaire pour passer l’immigration afin de faire estamper nos passeports.

Ce fut lors de la dernière étape que les problèmes arrivèrent. Le douanier guatémaltèque s’aperçut assez rapidement qu’il y avait quelque chose d’anormal. Il en profita, je pense, pour se faire un peu d’argent sur notre dos en nous demandant 200 $ plutôt que 20 $ US chacun si nous voulions entrer les motos, sans quoi nous allions devoir rebrousser chemin vers le Mexique. À court d’options, nous nous dirigeâmes vers la banque pour retirer l’argent réclamé. En revenant, à la demande du douanier, nous fîmes des photocopies de nos documents. J’ai souvenir à quel point j’avais chaud sous mon équipement de moto et comment nous étions le centre d’attraction des locaux. De retour au bureau des douanes, nous dûmes patienter le temps que les papiers se fassent. Finalement, après plus de huit heures à courir d’un côté et de l’autre, nous pûmes entrer légalement avec nos motos. La première destination sera la ville de Panajachel, à suivre…

(1) Permis d’importation temporaire : ce fameux bout de papier ou vignette pour certains pays est généralement l’étape à conclure après avoir été faire estamper le passeport à l’immigration. Il faut trouver l’affiche Aduanas s’il y en a une, bien sûr, et s’y rendre. De plus, les enregistrements de la moto, le permis de conduire, le passeport ainsi qu’une copie des documents sont nécessaires. Celle-ci nous permet d’utiliser la moto en toute légalité dans le pays. Il y a un temps limite à respecter et le montant diffère pour chaque pays.

(2) Fumigation : projection manuelle ou automatisée d’un produit chimique sur les roues ainsi que le dessous de la moto afin de détruire les bactéries pour ne pas contaminer le pays en question.

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