Qui a tué Victory?

Par Marc ParadisPublié le

Si vous étiez en hibernation ou encore aux îles Mouk Mouk au cours des derniers mois, je suis désolé de vous apprendre que la marque Victory est définitivement rayée du catalogue Polaris. J’ai relu deux fois la provenance de la nouvelle de ce 9 janvier, croyant avoir affaire à l’équivalent motocycliste du Journal de Mourréal. Eh bien non! Ma source était bonne! Déçu? Surpris? Oui et non aux deux questions. N’étant personnellement pas un client potentiel de custom, je n’avais jamais envisagé m’en acheter une (comme beaucoup de motocyclistes semble-t-il) et le style de la grosse moto de tourisme Vision, qui a connu un certain succès (même Sonny Barger, l’un des membres fondateurs du chapitre des Hells Angels d’Oakland en a possédé une), ne fut, semble-t-il, pas suffisant pour sauver la marque.

Pourtant, ceux qui en ont acheté constituent un petit groupe oui, mais ils semblent fiers de leur achat et fidèles à la marque du Minnesota. J’ai demandé à un propriétaire ses impressions à chaud : « Ça écœure un peu. Maintenant, nous avons des motos antiques. Elles étaient les seules motos américaines fiables. C’est peut-être pour cela qu’ils ne faisaient pas assez d’argent avec le service. […] Polaris nous laisse tomber et garde Indian dont le look est beaucoup trop vintage à mon goût ». C’est bien clair : les propriétaires de Victory ne se tourneront pas vers une Indian (qui appartient à Polaris) de sitôt. Nous sommes en 2017 et pour survivre en tant que manufacturier de motos, il faut soit posséder une clientèle établie et fidèle, soit constamment innover ou encore explorer plus d’une facette du motocyclisme.

Victory ne tirait que sur une cible : les amateurs de custom à la Arlen Ness, un très petit créneau. Bien que l’avenir soit, du moins du côté de l’automobile, aux propulsions hybrides ou complètement électriques (fait à noter que les deux seules marques ayant développé ou acheté la technologie dans le monde de la moto sont Polaris avec l’achat de Brammo et… Harley-Davidson avec son prototype LiveWire), dans le monde de la moto, seule Zero continue bon an mal an à proposer une gamme complètement propulsée par électrons. Mais nous, les motocyclistes, sommes une espèce assez particulière. Si, par exemple, les acheteurs de Tesla se bousculent pour donner leur dépôt pour réserver un Model 3, je n’ai rencontré qu’une poignée d’enthousiastes motocyclistes intéressés pas une propulsion dite « propre ». Il faut donc arriver à la conclusion que la nostalgie vend plus dans notre environnement que partout ailleurs, d’où la décision de se concentrer sur la marque Indian qui fait toujours vibrer une fibre patriotique, surtout chez nos voisins du Sud.

Du côté de Milwaukee, le coup de marketing de la LiveWire ne devrait pas donner de suite à court terme, car chez Harley-Davidson, on a déjà appris des erreurs du passé. Je parle bien sûr de la liquidation de la marque Buell en 2009, une autre nouvelle qui ne m’a surpris qu’à moitié à l’époque. Ce n’est pas un secret de Polichinelle que le fait de vendre ces motos radicales dans les mêmes salles de montre que les classiques H-D et, surtout par les mêmes vendeurs, qui n’étaient vraiment pas des tripeux de motos sportives, était voué à l’échec…

Mais là où mes lectures des dernières heures m’ont appris beaucoup concernant un projet qui aurait fait état d’une véritable révolution dans le monde de la moto au début des années 80, il s’agit du projet Nova. Non, je ne parle pas d’une Chevrolet, mais bien d’une gamme complète de moteurs modulaires refroidis au liquide, passant du V2 au V6, en plus d’un V4 que AMF, alors propriétaire de Harley-Davidson, avait mis en branle en partenariat avec Porsche. Les plus perspicaces diront que ces moteurs constituent les ancêtres de celui de la V-Rod et ils n’ont pas tout à fait tort.

Alors, je vous demande : que serait le paysage motocycliste si la première moto de production mue par un moteur V4, quatre valves par cylindre et à refroidissement au liquide, était sortie des usines de Milwaukee en 1981 au lieu de chez Honda un an plus tard? Deux choix : ou bien le succès aurait fait en sorte que le V-Twin traditionnel aurait été relégué aux oubliettes, ou bien le projet aurait terminé en fiasco menant à la perte de la compagnie (n’oublions pas tous les problèmes de jeunesse du V4 nippon à ses débuts). Ma conclusion? Si au hockey les amateurs québécois sont avant tout des partisans de victoires du CH, les motocyclistes amateurs de customs sont des partisans de H-D, n’en déplaise à ceux voulant les convertir à toute autre religion.

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