Nous aimons penser que nous sommes de vrais hommes, ou presque, mais la Moto-Guzzi California Vintage rend cela difficile, car nous n’arrivons pas à atteindre la béquille latérale et cela nous rend conscients de nos limites. En se penchant vers l’avant jusqu’à toucher au réservoir à essence, et avec la hanche gauche tournée vers l’avant, l’extrémité de notre botte atteint tout juste la béquille pour réussir à la rabattre ! Maintenant, nous pouvons y aller, mais pas avant d’avoir jeté un coup d’œil au-dessus de notre épaule pour vérifier si quelqu’un nous regardait.
Introduite en 1971, la Moto-Guzzi California est parmi les motos les plus américaines qui ne soient pas fabriquées à Milwaukee, Wisconsin. Basée à l’origine sur le châssis de la V7 Special avec un moteur bicylindre à 90 degrés de 757 cm3, elle a eu du succès avec le Los Angeles Police Department, puis avec d’autres services de police aux États-Unis. Dans les 35 ans qui ont suivi, la California a perdu son succès auprès des forces policières et a évolué de la même manière que les Harley-Davidson : de légères modifications de style et quelques améliorations mécaniques adoptées avec précaution. Pour la California Vintage, Moto-Guzzi s’est inspirée de ses machines des années 70, et son style est très différent de celui d’autres modèles rétro. Bien que les Triumph Bonneville et Ducati Sport Classic soient basés sur des modèles anciens, elles ne peuvent être confondues avec leurs ancêtres. Les pneus sont plus gros, les moteurs et l’allure plus modernes — ce n’est pas le cas pour la California Vintage. Lorsque nous l’avons aperçue pour la première fois sur le stand de Moto-Guzzi au Salon de la moto l’hiver dernier, nous avons d’abord pensé que c’était une ancienne moto restaurée qui servait à attirer le chaland sur le stand. C’est seulement sa peinture immaculée qui a éveillé nos soupçons, car les motos n’ont l’air neuves qu’une fois dans leur vie, et cette machine de plus de trente ans avait réellement l’air de sortir d’une chaîne de production, ce qui était justement le cas.
La California Vintage bénéficie du moteur de la Breva 1100. Tandis que sa modernité est confiée à une injection d’essence Magneti Marelli, le moteur avec deux bougies et deux soupapes par cylindre actionnées par des culbuteurs est refroidi par air. La Breva est une moto moderne et sophistiquée qui transcende son moteur de technologie plus ancienne, alors que la California donne vraiment l’impression d’une moto ancienne. La première fois que nous partons d’un arrêt et que nous passons le second rapport de la transmission qui en compte cinq, nous avons les orteils coincés sous le sélecteur de vitesses…
Nous essayons alors de changer de rapport avec le talon sur le double levier, mais il est tellement haut que nous devons complètement soulever le pied du grand repose-pieds, comme si nous voulions écraser une souris ! Un rapide coup d’œil sur le mécanisme du sélecteur nous permet de remarquer qu’il est ajustable, le problème devrait donc être facile à corriger. Mais lorsque le soir venu nous vérifions, nous constatons que le réglage est déjà au maximum. Si c’était notre moto nous aurions pu régler le problème en une heure avec une scie et un nécessaire à tarauder, mais comme nous n’en sommes pas propriétaires, nous allons terminer l’essai en passant les rapports comme un fermier qui cherche la prochaine vitesse sur son tracteur John Deere des années 50.
Mis à part les problèmes de changement de vitesse, le moteur affiche une belle vigueur. Le poids à sec annoncé est de 263 kg mais la moto semble plus lourde. Elle a même l’air lourd avec ses feux de brouillard, ses sacoches en nylon imperméable, ses garde-boues chromés et ses grandes barres de protection latérales chromées à l’avant et à l’arrière. Même le guidon est brillant et massif. Mais à la différence de la plupart des gros cruisers qui ont du mal à tourner, la Guzzi passe les virages avec confiance, avec une garde au sol au niveau des repose-pieds suffisante pour permettre des angles d’inclinaison étonnamment généreux. L’empattement de 1 560 mm est modeste pour un cruiser et le châssis ne plie pas exagérément sous une conduite agressive.
Même si le moteur est celui de la Breva, la California n’a pas récupéré son monobras oscillant, utilisant plutôt deux amortisseurs arrière traditionnels avec le cardan typique de Guzzi. La suspension est moins efficace que sur la Breva, mais elle offre un bon compromis de fermeté et de souplesse et les amortisseurs sont ajustables en précontrainte. La fourche Marzocchi est totalement ajustable et bénéficie d’un généreux diamètre de 45 mm. Le siège, aussi large qu’une planche à neige, contribue au confort et a belle allure en blanc. Nous n’avons pas essayé cette moto en duo, mais elle semble invitante pour deux personnes. Les deux freins à disque Brembo de 320 mm avec des étriers à quatre pistons constituent l’un des rares indices qui font penser que ce n’est pas une moto des années 70. Avec le système de frein combiné, l’action du frein arrière de 282 mm provoque aussi le frein de l’un des disques avant. La puissance de freinage est bonne mais il faut donner un bon effort sur le levier.
Les grands pare-brise verticaux que l’on peut trouver sur la California Vintage ou sur d’autres cruisers sont moins efficaces qu’ils ne le semblent. La gestion du vent est une affaire complexe et le simple fait d’ajouter un grand pare-brise ne suffit pas à régler le problème car cela crée souvent des turbulences. La Guzzi s’en sort mieux que la plupart de ses compétitrices et une promenade à 120 km/h se fait sans turbulence. Si vous allez à plus haute vitesse, le vent se met à tourner autour de votre casque comme un typhon. Remplissez les sacoches avec six paires de bas et six t-shirts et prenez la route, mais gardez l’œil sur la jauge à essence. Sur un parcours mixte ville, campagne et autoroute, nous avons fait une moyenne très élevée de 10,7 L/100 km, ce qui fait de la California l’une des motos les plus gourmandes que nous ayons récemment essayées. Le beau réservoir à essence contient 19 litres ce qui donne une faible autonomie de 178 km.
À 18 995 $ (incluant deux ans de garantie et l’assistance routière pour ceux qui se méfient des italiennes), la California Vintage est une moto onéreuse, mais à la différence d’autres cruisers, elle garde l’image sportive de son manufacturier. La California est un mélange inhabituel : une moto de touring lourde au style rétro et un cruiser détendu qui n’a pas peur des routes sinueuses et des hautes vitesses. C’est un répertoire unique, mais si c’est ce que vous cherchez, Moto-Guzzi a la moto qu’il vous faut.