Lignes splendides, personnalités confuses…
Californie (États-Unis). La vie était encore normale lorsque BMW présenta ses nouvelles F900XR et F900R 2020 à la presse nord-américaine dans le luxueux Ritz de Santa Barbara. C’était au début mars et rien ne semblait encore inhabituel. La situation de la Chine et du nord de l’Italie était connue, mais au Canada comme aux États-Unis, le virus semblait aussi loin que l’idée d’une pandémie, d’ailleurs. Avions, hôtel, restos, conférence de presse et nombre d’autres activités se déroulèrent tout à fait normalement. Personne ne s’en doutait à ce moment, mais ce serait l’un des derniers événements de presse du genre dans le monde avant que la vie ne bascule. Plusieurs autres nouveautés devaient être présentées pendant les mois suivants un peu partout sur la planète, mais chacun de ces plans fut annulé et à moyen terme, aucun ne sera ravivé. Même à long terme, il y a des doutes chez les constructeurs, surtout tant que la science n’aura pas amené des solutions.
À court terme, toutefois, nous, motocyclistes, avons la chance de pratiquer une activité qui peut continuer d’exister même durant une pandémie, à tout le moins en faisant preuve d’un minimum de prudence. Tout n’est donc pas noir. D’ailleurs, une certaine marque allemande aimerait bien que cette activité soit associée au blanc et au bleu (couleurs de son emblème) et, pourquoi pas, à la nouvelle petite sœur de la S1000XR, la F900XR, ou à la version repensée de la F800R, la nouvelle F900R.
Les F900XR et F900R 2020 partagent une base identique en ce qui concerne la mécanique et le cadre. Chacun provient de la dernière génération des F750/850GS lancées en 2018. Une importante différence existe néanmoins pour la cylindrée, qui passe de 853 cm3 sur les GS à 895 cm3 sur les XR/R grâce à un alésage 2mm plus grand, une augmentation permettant à la puissance de grimper de 95 à 99 chevaux. À partir de là, l’aspect technique des modèles devient aussi distinct que leur mission et leur ligne.
Contrairement à la R qui existait déjà sous la forme de la F800R, la F900XR est un tout nouveau modèle. Elle joue le rôle de petite sœur de la puissante S1000XR, un lien de famille sur lequel BMW insiste beaucoup grâce à une ligne et à des couleurs clairement inspirées de celles de la grosse XR. Comme la 1000, la 900 appartient à la catégorie des crossovers, c’est-à-dire des routières s’apparentant vaguement aux aventurières, mais qui se dédient à la route sans aucune concession qui permettrait un usage hors route, même léger. Mécaniquement, outre des débattements de suspensions allongés, les crossovers demeurent donc de pures routières et c’est exactement la situation de la F900XR.
Cela dit, bien que la 900 et la 1000 se ressemblent, qu’elles appartiennent à la même classe, qu’elles offrent une ergonomie relevée similaire et qu’elles n’aient qu’une centaine de centimètres cubes entre elles, elles proposent une expérience de pilotage complètement différente. La plus grande distinction entre les deux XR, sur la route, se situe dans les performances qui n’ont tout simplement rien en commun, puisque la 1000 est un monstre que seuls les pilotes les plus ferrés peuvent pleinement exploiter de manière contrôlée. Les accélérations de la 900 ne sont absolument pas du même ordre. Même si la nouveauté affiche une puissance annoncée frôlant la centaine de chevaux, ce qui est tout à fait respectable comme chiffre, le fait demeure qu’en selle, rien de bien excitant ne se produit avant qu’on arrive à haut régime. Si l’on avait à deviner, on lancerait probablement un 80 ou 85 chevaux comme estimation de puissance.
Le Twin reste un excellent moteur avec une livrée de couple très correcte à bas et moyen régimes suivie d’un bon punch à l’approche de la zone rouge, mais toute comparaison avec la furie de la 1000 est complètement futile : on n’est pas dans le même univers. En fait, la F900XR livre sa puissance de façon si progressive, prévisible et docile qu’elle peut parfaitement jouer le rôle de moto d’initiation pour un motocycliste ne souhaitant pas débuter avec une 300/400, puis progresser vers une 800/900. En revanche, les performances de la F900XR demeurent suffisantes pour satisfaire un pilote moyennement expérimenté et l’on peut donc conclure que son niveau de puissance propose un bon équilibre entre docilité et amusement. La transmission à six rapports et l’embrayage fonctionnent sans accroc, mais on note des vibrations considérables provenant du Twin lorsqu’il tourne à haut régime.
L’équilibre offert par le nouveau bicylindre en termes de puissance se retrouve également dans le comportement qui s’avère sportif et précis. L’un des aspects les plus surprenants de la F900XR sur la route, c’est que les longs débattements de ses suspensions ne sont pas du tout ressentis, et ce, en raison d’un réglage relativement ferme de la fourche et de l’amortisseur. Si ce choix de réglage de la part de BMW amène certains bons côtés, comme un comportement solide et posé dans une enfilade de virages attaqués agressivement, il génère aussi des aspects négatifs, comme un confort correct mais sans plus et une hauteur de selle plus élevée qu’elle ne pourrait l’être. En fait, l’on constate, une fois aux commandes de la XR, que ces longs débattements de suspension ne servent pas à grand-chose d’autre qu’au style du modèle et qu’on a finalement affaire à des suspensions simplement sportives et fermes. Seul l’amortisseur arrière est ajustable en rebond et en précharge.
Fait intéressant, lorsque l’on choisit l’option « Riding Modes Pro », l’écran TFT de 6,5 pouces de la XR (et la R) propose plusieurs configurations et inclut les mesures de l’angle en virage et de la décélération, des données qui s’avèrent plutôt amusantes à consulter. Soit dit en passant, bien d’autres options sont offertes par BMW, allant du passage de vitesses assisté aux phares adaptatifs en virage en passant par un système électronique prévenant le blocage de la roue arrière en décélération. L’équipement de base inclut toutefois d’excellents freins avec ABS et le contrôle de stabilité qui est un antidérapage de la roue arrière de base. Le vrai contrôle de traction est optionnel.
Au chapitre du confort, la F900XR obtient une note d’ensemble moyenne. L’ergonomie relevée est excellente et ne torture aucune partie du corps, tandis que la protection contre le vent s’avère assez bonne; mais la selle est du côté dur et les suspensions sont plutôt fermes. Notons que BMW offre une bonne liste d’accessoires incluant valises, pare-brise hauts et selles « Comfort » qui pourraient améliorer les qualités de routière de la XR, mais cet essai n’a pas permis de constater l’efficacité de ces équipements.
Alors que la F900XR tente d’imiter la ligne de la désirable S1000XR, la F900R, elle, offre plutôt un style unique et bien distinct dans la gamme BMW. La silhouette trapue attire immédiatement l’attention, mais plus l’on s’approche et plus l’on découvre la profondeur de l’impressionnant travail de design effectué sur le nouveau modèle. Non seulement c’est réussi, mais la F900R dégage aussi, désormais, une aura de haute qualité qui était absente de la F800R précédente.
Bien que la majorité de ses éléments mécaniques soient identiques à ceux retrouvés sur la F900XR, la F900R est une moto complètement différente à piloter. BMW a tenu à l’abaisser autant que possible et on le remarque dès les premiers instants à ses commandes par une selle basse et dure, puisque moins rembourrée. En route, toutes les caractéristiques de la mécanique de la XR sont retrouvées intégralement sur la R et la précision du comportement est également de la partie. À partir de là, toutefois, les différences deviennent non seulement marquées, mais aussi rarement en faveur de la R, ce qui représente une surprise.
La F800R précédente jouait le rôle du modèle d’entrée de gamme chez les cylindrées moyennes de BMW et se voulait finalement une bonne et légère moto à tout faire plutôt simple et conviviale. La nouvelle 900 est plus puissante et mieux équipée, mais elle offre certaines caractéristiques difficiles à comprendre, dont la plus probante est un réglage de suspensions ni plus ni moins que rude. Le résultat se veut une moto qui bouscule le pilote sur pavé abîmé et dont la stabilité devient occasionnellement pauvre au passage de bosses ou trous plus sérieux, au point même d’agiter le guidon, un comportement qui n’a pas été constaté depuis bien longtemps sur une routière. Un amortisseur de direction est d’ailleurs présent tant sur la R que sur la XR, ce qui porte à croire que BMW est bien au courant de la situation. Très franchement, la raison pour laquelle on choisirait volontairement de régler des suspensions de la sorte est difficile à saisir. En ajoutant à cela une selle dure, on obtient une moto dont le confort devient de plus en plus faible à mesure que le revêtement se dégrade et que le temps de conduite augmente.
Il est rare qu’une nouveauté déçoive. La concurrence est aujourd’hui extraordinairement forte entre les constructeurs et elle a pour effet une amélioration continuelle et très impressionnante des produits offerts aux motocyclistes, qui sont ainsi carrément choyés. Il serait très intéressant de questionner les responsables de la F900R chez BMW en ce qui concerne leurs choix. À ce sujet, lors de la présentation technique du modèle, la volonté d’attirer les milléniaux vers la marque grâce à la F900R en particulier fut maintes fois mentionnée. Selon le constructeur, les éléments clés pour arriver à ce but étaient la présence d’équipements et de gadgets modernes, la connectivité, l’accessibilité de pilotage provenant d’une selle basse et d’une masse faible, ainsi qu’un prix attrayant. La marque aurait-elle poussé cette idée trop loin? C’est dommage, puisque des suspensions plus souples et une bonne selle sont les seuls éléments empêchant la F900R d’être une excellente et abordable (10350$) routière de classe standard.
Quant à la XR, qui est environ 20 pour cent plus chère à 12 800 $, elle s’avère aisément la plus facile à vivre des deux au quotidien, bien que dans son cas aussi les réglages de suspensions soient un peu curieux, puisqu’ils ne tirent aucunement avantage de la longueur inhabituelle des débattements pour améliorer le confort. Cela n’en fait pas pour autant une mauvaise moto, mais plutôt, simplement, une crossover de cylindrée moyenne au comportement sportif.