Ce qui est bien avec nos deux saisons (la saison où l’on roule et celle où on ne roule pas), c’est que contrairement aux motocyclistes habitant des pays dotés d’une température clémente à l’année, nous, motocyclistes québécois, bénéficions de plein de temps libres en hiver pour parler moto bien tranquillement sans être dérangés par l’obligation d’aller faire une petite ride (impossible de toute manière, car notre bon gouverne-maman nous l’interdit durant trois mois!). Bien sûr, je jase moto à l’année et mes discussions de garage avec mon bon vieux chum Denis constituent toujours ce qu’on pourrait appeler du temps de qualité. Mais étant trop semblables, nous arrivons souvent aux mêmes conclusions sur le monde de la moto. Eh oui, nous sommes deux vieux nostalgiques du temps où la catégorie sport-tourisme regorgeait de modèles tous aussi attirants les uns que les autres.
L’autre jour, je suis tombé par hasard sur un article de mon collègue de Cycle Canada, le designer moto Michael Uhlarik, qui donnait son avis sur les nouveautés 2017 du Salon de Milan. J’avais bien hâte de lire si nos impressions allaient se rencontrer ou se retrouver aux antipodes… Sa première constatation : les manufacturiers semblent frileux à l’idée de sortir des sentiers battus. Les « nouveautés » constituent plutôt des descendantes ou encore des améliorations des modèles déjà établis. Il va sans dire que le marché mondial étant ce qu’il est, les tentatives de sortir des sentiers battus comme nous l’avons connu au début des années 90, époque où les manufacturiers tentaient de recruter de nouveaux adeptes et aussi de tenter de ramener à la moto leurs clients de la décennie 70 avec des motos s’inspirant des classiques de l’époque, se sont faites rares au cours des dernières années… Malheureusement, Nighthawk 750 de deuxième génération, GSX 1100G et la lignée Zéphyr ne firent que passer, ne trouvant preneur que chez quelques nostalgiques. À l’opposé, trop d’avance dans le design peut donner le même résultat. On n’a qu’à se remémorer les Yamaha GTS 1000, Honda DN-01 ou encore la BMW F650CS, louangées par les journalistes, mais restées vissées au plancher des salles de montre. On comprend donc que, s’ils possèdent un minimum de mémoire et s’ils sont maintenant contraints à des budgets de développement beaucoup plus serrés que par le passé, les designers se doivent de viser dans le mille.
Mais où est le centre de la cible en 2017? Les dernières tendances sont aux motos aventures et aux naked bikes, pas besoin d’un dictionnaire pour comprendre ça, comme disait Mad Dog Vachon. Mais ces catégories regorgent de modèles et la saturation semble se pointer le nez à l’horizon. Par contre, 2017 annonce l’arrivée de sang neuf chez plusieurs manufacturiers dans la catégorie sport aventure. Non, je ne parle pas des machines souvent aussi lourdes et hautes que leur étiquette de prix, mais bien des petites machines d’un quart de litre présentées par BMW, Suzuki, Honda et Kawasaki. Considérées comme sérieuses ou encore étant affublées du statut de « bébelles », elles sauront attirer de nouveaux adeptes et c’est là que mon point de vue diffère complètement de celui de Michael. Pour lui, le design des motos devrait être encore plus poussé, les stylistes devraient explorer de nouvelles avenues au risque de se péter la fiole… C’est bien beau innover, mais comme pour les flops que j’ai mentionnés plus tôt, les acheteurs de motos recherchent aussi un look, une moto qu’ils regarderont avec fierté en s’éloignant dans le stationnement. Une moto dotée de toutes les innovations possibles mais qui ne vous prend pas aux tripes sera vouée à l’échec.
La beauté étant toujours très relative, je me suis récemment posé la question à savoir quelle moto je trouvais la plus belle (pour la plus laide, j’ai l’embarras du choix), mais sans jamais pouvoir me fixer. Toutefois, cette année, la nouvelle version de la Ducati Scrambler m’a vraiment fait de l’effet. Une Desert Sled qu’aurait aimé rouler Steve McQueen avec ses chums dans le désert, pas une poseuse ni une bébelle. Un réservoir en métal, une garde au sol adéquate et des suspensions qui semblent aussi à la hauteur. Il faut dire que la vidéo promotionnelle tournée dans le désert californien aide pas mal à créer le mood… Un gros pari de la part de la marque de Bologne, réputée pour ses motos de route. En prenant une pause Web en écrivant cette chronique, je viens de voir la pub de la Husqvarna Vitpilen qui, une fois en marche (comparativement à des photos de prototypes), commence elle aussi à me fatiguer… Oui, certains manufacturiers jouent fessier, mais d’autres plus audacieux osent. Qui aura raison? Pour moi, la grande question est : rouge ou blanche, la Desert Sled?