Triumph Street Triple R, pour triple plaisir

Par Costa MouzourisPublié le

Triumph sort une version R plus sportive de sa moto dénudée de moyenne cylindrée, la Speed Triple, mais elles ont une chose en commun : ce sont de très bonnes motos.  Un coup d’œil rapide sur le compteur numérique qui indique 145 km/h me donne un indice que je roule à une bonne allure, mais le plus impressionnant c’est de voir les murs de pierres et les arbres qui sont très proches du bord de ces routes étroites et sinueuses. De temps en temps, une voiture me croise pour me rappeler de garder ma trajectoire du bon côté de la route, mais cela ne me fait pas ralentir. Je ne me sens pas coupable du tout de ma vitesse, puisqu’il n’y a pas de limite de vitesse, et ce, en dehors des agglomérations sur l’île de Man. Les motos rapides sont nombreuses sur la petite île de la mer irlandaise, où se tient la légendaire course sur route Isle of Man TT– et c’est là que Triumph a organisé le lancement de presse de la Street Triple R 2009.

Lors de notre arrivée sur l’île, Triumph a organisé un tour du circuit TT de 60 km, guidé par Richard « Milky » Quayle, quatre fois gagnant du TT, un vrai Manxman. Le but du tour était de nous familiariser avec le circuit, mais en écoutant le langage coloré de Milky (« …au moment où vous arrivez ici [faisant référence à une section vers le milieu du circuit], vous suez comme un voleur »), j’étais bien heureux d’être ici juste pour un lancement de presse et non pas pour une course. Quayle a une connaissance intime du circuit et il utilise les trous, les arbres, les poteaux de téléphone et les chalets comme points de freinage ou de corde : « En arrivant ici, je cherche les rochers blancs, les voici, et je lance la moto à droite ! » Quayle est obligé d’utiliser ce type de points de repère, car la plupart des sections serrées du circuit sont étroites et aveugles, et sans aucune échappatoire.

Dire que le Mountain Course de l’île de Man est un défi, c’est comme dire que Rossi est un bon pilote, ce qui est très en dessous de la réalité. Vous pouvez regarder des heures de course à la télévision, mais vous ne pouvez comprendre ce que les pilotes du TT accomplissent que lorsque vous avez roulé sur le circuit. La section Glen Helen se retrouve sous des branches d’arbre qui laissent de temps à autre passer un rayon de soleil pour mieux vous aveugler – je suis sûr qu’à plus de 160 km/h, c’est assez pour donner des crises d’épilepsie à certains. Il y a ensuite les villes que vous devez traverser, et une mauvaise manœuvre peut vous expédier directement dans le salon de quelqu’un. Quayle nous fait remarquer qu’il y pilote encore plus vite, car le son de sa moto qui se réverbère sur les bâtiments lui donne l’impression qu’il a un pilote juste derrière lui. Nous parlons ici d’un genre de coureur bien particulier.

À plusieurs endroits, des bottes de paille sont adossées aux murs de pierre, mais à part diminuer le demi-mètre disponible pour sortir de la route, ils ne servent pas à grand-chose. Quayle a embrassé l’un de ces murs en 2003 avec son épaule et il y a perdu la maîtrise de sa moto de course à plus de 160 km/h. Cet accident l’a obligé à prendre sa retraite. Je suis donc d’autant plus heureux de constater, en lâchant l’embrayage de la Street Triple R, que j’ai l’impression d’avoir déjà accumulé plusieurs saisons de conduite à son guidon. La position de pilotage compacte mais ergonomique et droite semble naturelle, tout autant que la tenue de route neutre de la moto. La section du milieu de la moto est très étroite et elle semble plus légère que son poids à sec de 167 kg. La R est très similaire à la Street Triple lancée l’an dernier, avec un côté plus sportif. Les ingénieurs Triumph disponibles nous expliquent que les réglages de suspension de la R sont plus fermes, se situant entre la Street Triple plus molle et la Daytona 675 plus ferme, et les amortisseurs avant et arrière sont complètement ajustables.

Les freins avant sont empruntés à la Daytona 2008, avec des étriers radiaux Nissin à quatre pistons qui remplacent les modèles à deux pistons du modèle de base. Les autres modifications sont cosmétiques, comme le remplacement du guidon au look chrome bon marché par un guidon en aluminium brossé. Un siège stylisé de deux couleurs a été ajouté et la peinture a perdu son brillant; la R est offerte en fini mat graphite ou orange, ajoutant une touche rebelle à cette « street fighter » par ailleurs docile. Ces modifications augmentent le prix de détail de la R à 10 499 $, un simple 500 $ de plus que la Street Triple. Les meilleurs freins à eux seuls valent facilement la différence. Docile n’est peut-être pas le meilleur mot pour décrire la Street Triple R, car ses 106 chevaux sont capables de la déplacer plutôt rapidement. Le tricylindre en ligne de 675 cm3 tire bien avec ses 44 lb pi de couple disponibles dès 4 000 tr/min jusqu’à plus de 12 000 tours (la pointe de 51 lb-pi se trouve à 9 200 tr/min).

C’est une des courbes de couple les plus linéaires pour une moto et cela fait de la Street Triple un vrai régal à piloter. En accélérant en troisième en sortie de virage, on obtient instantanément une délicieuse poussée vers l’avant accompagnée du fameux grondement du moteur dont l’ordre d’allumage est à 120 degrés.  La R se laisse basculer dans un virage sans effort, sa suspension plus ferme garde la moto plantée durant les épingles serrées ou les courbes à haute vitesse. Les grands vents latéraux dans les sections rapides et plus ouvertes du circuit secouent mon blouson de moto et créent un léger louvoiement, mais cela reste négligeable. La nuit précédant notre essai, le tour en autobus se terminait au pub Creg Ny Baa où j’ai pu apprécier des spécialités culinaires locales. À l’intérieur on trouve des affiches des légendes du TT ; Agostini, Dunlop, Hailwood sont quelques-uns de ceux que l’on peut y voir, comme c’est le cas dans la plupart des restaurants que nous avons visités.

Les résidents de l’île aiment les motos, les motos rapides, plus que n’importe où ailleurs. Nous sommes retournés au pub pendant notre essai pour faire quelques photos. Il est situé à la sortie d’un virage à droite de 90 degrés qui relie deux longues sections droites. C’est alors que je découvre le seul défaut dans la tenue de route de la R – un rayon de braquage limité qui nécessite souvent des manœuvres pour faire demi-tour. Le confort de la selle semblait décent, mais je dois avouer que j’étais plus concentré sur les courbes du circuit et mon cerveau me communiquait peu les douleurs. En ralentissant à la vitesse autorisée dans les villes, la R restait bien composée, son généreux couple étant un plus dans la circulation – bien que cette dernière là-bas soit très légère comparée à ce que nous connaissons en Amérique du Nord. En dénudant la Daytona 675 et en incorporant une position de pilotage détendue, Triumph a produit l’une des motos les mieux équilibrées dans sa gamme, et probablement dans l’industrie. Cette moto équilibrée comblera autant un débutant qu’un enragé des courbes ou un stunter.  

De eBay à la piste 
Une épave de eBay a conduit Alex Welsh aux honneurs de rookie de l’année dans la série Parts Canada Superbike. Mais n’essayez pas d’en parler avec son père. Un courriel anonyme m’a conduit dans les puits d’une Triumph 675 Daytona dans la série Parts Canada Superbike, mais son préparateur Wayne Welsh n’était pas très bavard sur l’historique de la moto. Ayant été averti de sa provenance, je lui demande son historique. Welsh me regarde et me dit que cela n’aurait pas l’air très bien si les gens savaient la vérité. Mais il finit par lâcher : « C’était une moto accidentée à 4 000 $ de eBay. »

En préparant la moto pour que son fils Alex puisse la piloter en Pro 600, où la cylindrée supplémentaire de la 675 est autorisée en raison d’un règlement basé sur la puissance et le poids, Wayne Welsh avait espéré que la nouveauté de faire courir une Triumph dans la série professionnelle aurait suscité l’intérêt des commanditaires. Malgré le support de Triumph Canada et de Z1 Cycletech, les commanditaires supplémentaires ne se sont jamais matérialisés et la saison a dû être courue avec un budget serré, mais elle ne fut pas moins couronnée de succès. Alex Welsh, 20 ans, n’avait auparavant piloté que des 250 de course et c’était sa première saison en pro.

Mais en plus de devenir le rookie de l’année HJC pour avoir obtenu le plus de points pour sa première saison en pro, il était souvent parmi les premiers pilotes hors usine et il a terminé huitième dans sa classe (avec un meilleur résultat en cinquième position à Calabogie) malgré des problèmes persistants de tenue de route qui l’empêchaient d’avoir un bon feedback du train avant. Alex Welsh a reconnu que les réglages étaient handicapés par son manque d’expérience sur des motos sport de poids moyen, mais la réponse pourrait être plus simple.

 Quand j’ai demandé à Wayne Welsh comment ils savaient que le châssis de la moto accidentée n’était pas faussé, il m’a donné un regard perçant. « Je ne sais toujours pas s’il était droit, dit-il, cela pourrait expliquer nos problèmes. » Équipée de cames et de ressorts de soupapes de course Triumph, d’un BCÉ et d’un embrayage à glissement limité, la 675 faisait en moyenne 120 ch, ce qui était suffisant pour se tenir avec les anciennes machines d’usine que possèdent les pilotes privés.

Elle était aussi assez légère pour qu’ils aient souvent besoin d’ajouter du poids pour respecter le poids minimum. « Je ne pense pas que nous aurions pu monter une 600 japonaise aussi rapide pour le même budget », dit Wayne Welsh. L’équipe père-fils aimerait retourner en 2009, mais les contraintes financières pourraient annuler le projet. À la différence des marques japonaises, Triumph n’offre pas de prix, donc même une bonne position en fin de course ne donne que quelques centaines de dollars, mais rien du fabricant. Mais l’expérience en valait la peine. Comme dit Welsh senior : « Je pense que beaucoup de gens savent maintenant comment une Triumph Daytona 675 peut rouler. » – Neil Graham

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