Harley-Davidson Road King 2017 : Un moteur du tonnerre

Par David BoothPublié le

Plus de soupapes, plus de puissance, même musique
Chez Harley-Davidson, la création d’un nouveau moteur est toujours un événement majeur. Et rare. Le gros V-2 actuel, le Twin Cam, est au poste depuis 1999. Son prédécesseur, l’excellent Evolution, a tenu le coup pendant 15 longues années. Le tout nouveau moulin qui propulse la Road King 2017 était donc très attendu.

Quand Harley fait des changements majeurs à sa mécanique, la firme doit tenir compte de sa clientèle de base solidement ancrée dans la tradition. Mais il arrive parfois que l’attachement à la tradition se transforme en un manque de flexibilité. Beaucoup de fidèles de la marque, constituée en bonne partie d’hommes d’âge mûr, attendaient le nouveau moteur avec scepticisme. Ils craignaient que toute forme de modernisation rende le célèbre V-2 américain moins Harley et qu’il devienne un « cruiser métrique ». Pour avoir une idée du côté péjoratif de cette expression, dites-vous qu’elle vient des mêmes Républicains américains qui traitent le président Obama de « Kenyen ».

Mais leurs craintes étaient sans fondement. Même si Harley souhaite clairement élargir sa clientèle, notamment avec un programme destiné à attirer les femmes et les groupes minoritaires, la firme est loin de mettre de côté sa clientèle de base. Paul James, le directeur de la planification des produits, explique au contraire que tous les éléments de design, externes et internes, et toutes les décisions qui ont mené à la création de ce nouveau moteur ont été prises avec la clientèle traditionnelle en tête.

James ajoute que dans le cadre des discussions avec des groupes d’utilisateurs, il est clairement ressorti que les amateurs voulaient plus de puissance et un meilleur refroidissement pour le moteur (qui fait parfois sérieusement surchauffer les mollets), mais que l’exigence numéro un était : « il faut absolument que le nouveau design permette de conserver le look, le son et les sensations caractéristiques des Harley-Davidson ».

Et Harley a bien fait ses devoirs. À part les inconditionnels, la plupart des pilotes ne pourront pas distinguer facilement le Milwaukee-Eight des anciens Twin Cam. Les ailettes de refroidissement sont pratiquement identiques, les tubes qui abritent les tiges de poussoirs sont toujours bien en évidence du côté droit du moteur et même les capots de culbuteurs au look caractéristique ne sont pas très différents. Si on extrait le moteur de sa partie cycle, on apercevra la tuyauterie pour les conduits d’huile ou de liquide de refroidissement (le moteur de la Road King est refroidi à l’huile, celui des modèles de tourisme est refroidi au liquide). Mais une fois à sa place dans la moto, ce moteur ressemble beaucoup à son prédécesseur. À tel point, en fait, que plusieurs des journalistes moto présents au lancement devaient y regarder à deux fois pour distinguer les nouveaux modèles des Big Twin 2016 mis à notre disposition aux fins de comparaison.

Cela dit, malgré son look étonnamment semblable à l’ancien moulin, le Milwaukee-Eight est mécaniquement très différent. Le changement le plus marquant est la présence de quatre soupapes et deux bougies par cylindre. Ces bougies sont disposées en périphérie de la chambre de combustion, et au centre (là où se trouve habituellement la bougie), il y a une soupape de décompression qui facilite le démarrage.

Comme le souligne sans équivoque la forte présence des tiges de poussoirs latérales, il s’agit d’un moteur à soupapes en tête, avec arbre à cames dans la base. Mais ce qui est particulier, c’est que chaque poussoir actionne non pas une, mais deux soupapes. Plus inhabituel encore, explique Alex Bozmoski, l’ingénieur en chef pour ce moteur, les soupapes ne sont pas ajustables. « Nous avons envisagé le recours à des cales ou à un système d’ajustement traditionnel avec vis et écrou, précise-t-il, mais nous avons finalement décidé de mettre nos fournisseurs au défi de fournir des pièces aux tolérances plus serrées encore. Résultat : les soupapes n’ont besoin d’aucun ajustement pendant toute la vie utile du moteur. » L’arbre à cames simple à quatre lobes est également entièrement nouveau.

Selon Harley-Davidson, les Milwaukee-Eight produisent 10% plus de couple que les anciens modèles correspondants de 103 et 110 po cu. En chiffres absolus, cela signifie que le nouvel engin de 107 po cu produit 111,4 lb-pi (à 3250 tr/min) tandis que le 114 po cu des CVO affiche un impressionnant 124 lb-pi.

Harley ne divulgue pas de données sur la puissance, mais selon certaines fuites de documents en provenance de l’American Environmental Protection Agency, les moteurs produiraient respectivement 93 et 101 chevaux. S’il s’agit là de mesures prises à la roue arrière, cela correspond à une augmentation d’environ 25% par rapport aux V-2 actuels de la firme. Ces chiffres semblent plausibles puisque l’augmentation de la surface des soupapes – 50% de plus à l’admission, dit Bozmoski – est un facteur qui a plus d’effet sur la puissance à haut régime que sur le couple à bas régime.

Quoi qu’il en soit, en pratique, les nouveaux moteurs donnent l’impression d’être nettement plus puissants que les anciens. En fait, on peut même dire que dans la catégorie des cruisers traditionnels (ce qui exclut des modèles comme la Ducati Diavel, par exemple), les Milwaukee-Eight sont les nouveaux king de la performance, particulièrement en version 114 po cu. Ces moteurs montent en régime avec tellement d’enthousiasme qu’on a l’impression que des ingénieurs de Ducati ont travaillé en secret à la conception des culasses à quatre soupapes…

Le Milwaukee-Eight transforme complètement la personnalité de la Road King. On sent qu’il y a un léger gain de couple comme l’affirme Harley, mais c’est surtout après le cap des 3500 tr/min que les soupapes supplémentaires font sentir leur effet. Car à partir de là, le moteur grimpe avec un entrain inédit vers les 5500 tr/min. Ce régime n’a rien d’impressionnant par rapport aux moteurs quatre cylindres des motos sport, bien sûr, mais pour un gros V-2 en provenance de Milwaukee, il s’agit là d’une nouveauté digne de mention. En fait, c’est le premier gros moteur de Harley de série qui me semblerait prêt à dépasser avec enthousiasme le plafond de 5500 tr/min imposé par son limiteur de régime.

Avec cette nouvelle puissance à haut régime, la boulevardière de Harley est presque devenue un power cruiser. Enlevez le pare-brise à dépose rapide et allez vous amuser en ville aux feux rouges : vous allez clencher les cruisers traditionnels et vous allez pouvoir chauffer les oreilles des pilotes de Gold Wing, de Warrior et même de motos sport. En prime, vous obtiendrez un effet de surprise parce qu’on n’associe pas habituellement le grondement caractéristique du gros V-2 américain avec une telle puissance d’accélération.

Parlant de grondement caractéristique, les amateurs de musique mécanique au tempo décalé seront heureux d’apprendre que le gros V-2 n’a rien perdu de son identité. En fait, ce trait de caractère est encore plus marqué selon Bozmoski parce que les pièces internes du moteur sont plus silencieuses en raison des tolérances plus serrées et du refroidissement à l’huile et au liquide. Cela a permis aux ingénieurs de rendre la note de l’échappement plus distinctive encore. Et effectivement, l’échappement de série du Milwaukee-Eight émet un son plus autoritaire que celui d’un Twin Cam 2016. Ce qui me permet d’espérer – sans doute en vain – que certains propriétaires décideront de renoncer à faire installer des « straight pipe ».

Le gain de puissance n’est pas la seule amélioration apportée au nouveau moteur. La plupart des gros V-2 refroidis à l’air de Harley produisent beaucoup de chaleur au ralenti, ce qui peut faire chauffer le mollet droit à basse vitesse ou à l’arrêt. Harley a résolu, ou du moins grandement réduit, ce problème en abaissant le régime du ralenti à 850 tr/min et surtout en modifiant la trajectoire du tuyau d’échappement du cylindre arrière : il est maintenant très serré contre le moteur, et donc plus loin de la jambe du pilote.

Le Milwaukee-Eight est également doté de nouveaux contrebalanciers pour réduire les vibrations du V-2 à 45 degrés. Bozmoski affirme qu’il aurait été possible de les éliminer complètement, mais James explique que dans les groupes de discussions, la clientèle traditionnelle a clairement rejeté l’idée d’avoir un ralenti trop doux. Les fidèles tiennent à ce que leur gros V-2 tremble au ralenti comme les Harley de toujours. Résultat : le nouveau moteur est équilibré à 75%. On obtient ainsi un ralenti à la fois assez souple pour séduire de nouveaux acheteurs et assez énergique pour rassurer les traditionalistes.

Dès qu’on prend de la vitesse, toutefois, les avis sont unanimes en faveur de la plus grande douceur de roulement possible. Et à ce chapitre, le Milwaukee-Eight est impressionnant. Il est tout à fait surprenant de voir qu’un moteur qui brasse tant à 850 tr/min puisse devenir si soyeux à 3000 tr/min. En fait, ce nouveau V-2 est l’un des plus doux de toute la planète cruiser à vitesse de croisière, et il le demeure jusqu’à sa zone rouge de 5500 tr/min.

La Road King a également été dotée de différentes autres améliorations pour 2017, notamment au niveau de la suspension. L’amortisseur arrière à émulsion offre un débattement de 76 mm et il fait bien son travail. Il est maintenant doté d’une molette plus pratique pour ajuster la précharge du ressort. À l’avant, l’amélioration est particulièrement marquée avec l’adoption d’une fourche Showa Dual Bending Valve. On y gagne beaucoup en confort et en tenue de route, en bonne partie parce que l’amortissement en compression ne se bloque plus comme avant sur les grosses bosses. Cette fourche n’offre pas toute la souplesse d’une Gold Wing, mais elle apporte une amélioration majeure par rapport aux fourches des Harley de génération précédente.

Dans la liste des changements, on retrouve aussi un alternateur qui peut produire 24 ampères même au ralenti, à 850 tr/min. Et la plus récente déclinaison du système audio de Harley, appelé Boom!, est offerte sur la Road King avec ses quatre haut-parleurs autonomes à connectivité Bluetooth.

Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est l’arrivée de ce nouveau moteur, 18 ans après le précédent. Le Milwaukee-Eight offre plus de puissance et un meilleur contrôle de la chaleur, deux améliorations que les propriétaires de Harley réclamaient depuis des années. Bien sûr, il y a des traditionalistes qui disent que ce moteur plus doux ne fait pas très viril et que le refroidissement au liquide et les quatre soupapes par cylindre constituent une modernisation excessive. Ils prétendent que ce niveau de sophistication, de modernité et d’inclusion (car le moteur plus raffiné attirera une nouvelle clientèle) va à l’encontre de l’essence de l’expérience Harley-Davidson.

Ils se trompent.

Les nouveaux modèles à moteur Milwaukee-Eight sont actuellement disponibles chez les concessionnaires. La Road King 2017 est offerte à 22 899 $, soit seulement 1100 $ de plus que le modèle 2016 à moteur Twin Cam.

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