Archives – Rencontre avec Marc Provencher

Par Texte Zabel Bourbeau. Photos Zabel Bourbeau et collection Marc Provencher. Publié le

*Archives – Cet article est tiré du magazine numérique Janvier / Février 2022 de Moto Journal.

Connaissez-vous Marc Provencher? Fier Témiscabitibien-Rouynorandien, il est le protagoniste du court-métrage No Highway et aussi l’instigateur et le créateur du MoFFAT (Moto Film Fest Abitibi-Témiscamingue)! Il réussit même à réunir des « pas-frileux-à-moto » en octobre une fois l’an, pour la Ride du Sasquatch « édition abitibienne »! Ce passionné de moto chez qui l’eau du grand lac Témiscamingue coule dans le sang, eh bien, je vous le présente aujourd’hui!

Pour ma part, avant même de connaitre l’être humain derrière ces réalisations, c’est vraiment son court-métrage No Highway qui m’a accroché le cœur. À travers une véritable aventure à moto, Marc sort de sa zone de confort et part à la conquête de la Trans-Labrador avec sa complice, sa Goldwing qu’il a modifiée pour l’aventure. À travers solitude et rencontres, c’est avec une grande sensibilité et un récit touchant qu’il nous fait admirablement partager son périple. L’esthétique de ce film, brute mais soignée, ainsi que la narration, nous permettent d’accéder à son voyage intérieur. À travers son introspection, nous voyageons avec lui sur cette route parfois hostile. Bref, WOW! Prenez le temps de visionner No Highway, vous en serez ravis.

C’est donc assis au bord du poêle dans son garage chaleureux, invitant et exposant des motos de toutes sortes, que Marc me reçoit…

Zabel : Marc, merci de m’accueillir dans ton garage, ici, chez vous, à Royan-Noranda! Parle-moi un peu de ton enfance et de comment les motos sont entrées dans ta vie…

Marc : J’ai commencé à être en contact avec les motos vers l’âge de 6 ans… À l’époque je m’assoyais en avant alors qu’un de mes oncles, Serge (aujourd’hui décédé, dans un accident de moto), avait une Yamaha. On se promenait dans la cour de la ferme à Ville-Marie au Témiscamingue. Ça a commencé comme ça et je trippais vraiment! Ensuite, un autre de mes oncles, Boubou, s’est acheté une Honda XL 125 avec une tank en métal. Je ne touchais pas à terre, mais je conduisais avec lui. Il prenait soin de ses bébelles et moi, je voulais partir seul avec la moto. Alors une journée, c’est de la deuxième marche de la galerie que j’ai mis mon pied sur le shifter à gauche et que je suis parti! C’était magnifique! Une moto bien trop grande pour moi! (Rires!)

Je trippais autant de regarder mon oncle se promener que de me promener moi-même avec… J’aimais aussi la moto en soi! Ensuite, il s’est acheté une Yamaha IT 175, bleue, deux temps, comme un gros enduro. En avant, au-dessus de la lumière, il avait fait écrire à la main « Les Dieux du Sable ». Quand la gang arrivait chez mon grand-père avec les motos bleues et qu’ils allaient à l’école, à la polyvalente de Notre-Dame-du-Nord, qu’ils arrivaient avec ça le matin, moi je capotais! Je me suis dit, moi aussi je veux ça dans ma vie! Je pense que c’est vraiment là que la passion a allumé… Depuis c’est un de mes rêves de faire revivre les « Dieux du Sable »!

En 1973 (j’avais 8 ans), mon oncle Serge est décédé, mais je ne le réalisais pas vraiment… Je voyais bien que tout le monde pleurait… Je me souviens de voir alors la moto toute défaite, toute brisée, « blessée », je capotais…

Mon grand-père avait une autre petite Yamaha, et un jour je lui demande : Hey Grand-Père, je peux aller l’essayer? Il me répond que oui mais qu’elle ne part pas. Je n’ai pas fait ni une ni deux pour essayer de la partir sur la compression. Disons que la petite côte dans la cour m’a servi et mon grand-père me trouvait bien patient! J’étais déterminé, je voulais qu’elle parte… Et à un moment donné, le moteur se met à tourner! Je suis allé me promener dans l’allée à vache et elle n’a jamais cessé de fonctionner par la suite! On faisait des courses, pas de casque, la poignée au fond! Ensuite, mes oncles se sont acheté des motocross, moi je n’en ai pas eu et je prenais les leurs.

Zabel : Tu devais avoir hâte d’avoir ta propre moto?

Marc : Oui! À 14 ans, j’ai eu ma mobylette : une Honda Express flambant neuve, bleue, pas de pédales, 587 $. Quand je l’ai vendue, je me suis acheté ma première moto de route, une Yamaha RD 200, deux temps, ça levait de même (Marc mime la moto qui lève du devant)! C’est à 18 ans que je m’achète ma première moto neuve : une Virago 500 1984, c’est avec elle que j’ai fait mon premier long voyage.

Cette année-là, je suis rentré dans les Forces armées canadiennes et j’ai fait mon premier long voyage à moto : Ville-Marie/Montréal! Je devais me rendre au Centre de recrutement. Là-bas on faisait des push-up à n’en plus finir, on shinait nos bottines … et je voyais ma moto dans le stationnement qui m’attendait… Même si on finissait à 10 heures le soir, je partais avec elle pour aller me promener dans le coin. Je ne connaissais pas du tout les environs de Saint-Jean-d’Iberville et je me perdais chaque fois… Aller rouler sur le bord du Richelieu, j’adorais ça. Depuis ça n’a jamais arrêté. J’ai même envoyé ma Goldwing en Allemagne quand j’étais dans l’armée. J’ai ralenti un peu la cadence quand j’ai eu des enfants et je me suis acheté une Suzuki Madura 700, puis un enduro XL 185.

 

Zabel : Qu’est-ce qui te faisait tripper dans la moto à cette époque?

Marc : J’aimais aller me promener, découvrir et visiter des endroits. Rien de mieux que la moto, il me semble, si tu veux vivre l’endroit. À moto tu commences prématurément à sentir les odeurs, contrairement à l’auto, dans l’air climatisé. Quand tu mets le pied à terre, c’est comme si tu étais déjà arrivé, avant… Quand j’ai réalisé ça, j’ai encore plus trippé. Si un jour je devais voyager, c’est à moto que ça allait se faire… Dans le temps, je roulais pas mal local et j’avais une belle FJR 1300, une 2006 flambant neuve. J’ai trippé mais je commençais peu à peu à avoir moins de fun, car je tournais pas mal en rond. Chantal et moi on venait d’ouvrir notre restaurant à Rouyn-Noranda, le Saint-Exupéry. Mon temps était limité et les routes de la région, je les connaissais par cœur. Heureusement on a l’Ontario qui est tout près, ça me permettait tout de même d’aller découvrir ce coin de pays. À cette époque je n’achetais que des huiles et des pièces Yamaha pour mon FJR, il n’y a pas un autre morceau qui allait aboutir sur ma moto, j’étais « OEM » à l’os! (Rires!)

Mon goût de faire de la moto s’est estompé peu à peu, tellement qu’un jour j’ai vendu la mienne et je me suis acheté un gros bateau de pêche. C’était plus familial, et avec le chalet ça convenait parfaitement à cette période de ma vie. J’ai même changé le bateau deux ans après pour un gros ponton, mais… la moto me manquait…

Je me disais : avant mes 50 ans, il faut que je fasse un voyage de moto, je ne savais pas lequel mais il fallait que ce soit à un endroit où je n’avais jamais été, pour rencontrer des gens que je ne connaissais pas. Il fallait que je sorte de ma zone de confort, que je me mette en danger.

    Marc met une buche dans le poêle …

Zabel : Justement, parle-moi de l’avant… No Highway.

Marc : J’ai commencé à préparer ce voyage en 2012.  Ça a commencé à me trotter dans la tête et mon objectif était de le faire avant mes 50 ans. Tranquillement, le fameux documentaire Long Way Round avec Ewan McGregor et Charlie Boorman m’a inspiré. Il a en fait changé ma vie. Sais-tu comment je suis tombé sur ce film? Je cherchais de la documentation sur la BMW 1200 GS car j’ai toujours trippé sur cette moto-là. Je tombe donc sur des extraits de ce film, je fais venir la série et je me dis c’est ça que je veux faire! Prendre des routes moins fréquentées. Mais comment le faire? Soit je m’achète cette moto avec l’électronique et la fiabilité ou je suis mon instinct et cherche plutôt un autre moyen. Je vois alors une autre vidéo d’une Goldwing avec des tires de motocross, la suspension à l’air, le moteur très fiable, je n’ai qu’à l’équiper pour faire de la gravelle et tout!… C’est à ce moment-là que j’ai acheté une 1983, je l’ai strippée, et j’ai alors redécouvert la moto car je me suis mis à transformer, à personnaliser, contrairement à mes expériences passées où c’était inimaginable. Je me suis mis à avoir du fun à les défaire et à les remonter. Ce n’est pas les bons flashers? Pas grave. Cette façon de voir la moto, cette passion m’a permis de quadrupler mon plaisir. Quand j’ai décidé d’opter pour la Goldwing, je l’ai modifiée pour le voyage et ça a donné ça avec un look d’enfer!

Zabel : Ça te permet aussi de bien connaitre ta partenaire de route sous toutes ses coutures!

Marc : Oui! Là tu deviens complice! Je me suis mis ensuite à chercher des routes, des places… je ne savais pas trop où j’irais. Le Chili? Pourquoi pas? Ce qui m’a fait changer d’idée et aller en région, c’est tout simplement parce que j’ai réalisé que l’on ne connait même pas nos voisins! Avant d’aller voir le Chili, je vais commencer par aller voir mes voisins l’autre bord du lac! J’ai donc fait ma boucle au Québec, le Labrador jusqu’à Cartwright… Il y a beaucoup de gens qui font la Trans-Labrador, mais rendus à Goose Bay ils poursuivent vers Port Hope Simpson. C’était important pour moi de me rendre à Cartwright.

Zabel : Ton aventure a suscité de l’engouement de la part des médias et des gens de l’industrie.

Marc : Quand la radio de Radio-Canada ici à Rouyn-Noranda a su que j’allais faire ce trip-là, ils m’ont interviewé tout au long de mon périple et on faisait des « live » à la radio. De fil en aiguille, ça a passé au national. Ensuite, j’ai publié un article dans Moto Journal, j’ai rencontré des acteurs de l’industrie, des passionnés et ça m’a ouvert sur tout un monde. Un passionné comme Thierry Muraton de la Brocante Moto m’a alors appelé afin que je fasse une présentation à son événement : « La Trans-Labrador en Goldwing, ce n’est pas rien! Faut se rencontrer ». Juste avant c’était Charles-Édouard Carrier et Catherine David, lors de la sortie de mon film No Highway… À l’époque, je ne participais pas aux événements moto, j’étais un loner… mais tout d’un coup, plein d’opportunités se présentaient. Découvrir ces gens-là, des passionnés de la Culture Moto, des voyageurs, des constructeurs moto. J’ai alors réalisé que ce n’est pas seulement la moto que j’aime, mais la Culture Moto.

Le film, on s’est dit qu’on le suivrait partout. Il a été présenté ici à Rouyn-Noranda puis à New-York. On y est allés à moto, avec le réalisateur Virgil Héroux Laferte et le directeur photo Cédric Corbeil, on a fait ça en deux jours. Avec ma Goldwing, pas de GPS, c’était l’aventure! Les ponts, les autoroutes, Manhattan à droite, c’était beau! Le film a aussi été présenté à Nice au French Riviera Motorcycle Film Festival. On y a été en avion, puis ensuite à Toronto (TMFF) où on a gagné le prix du « Meilleur film canadien ». Pour le tournage, les gars m’ont suivi les quatre premiers jours et j’ai ensuite été 25 jours seul. Le film, c’est un partage de mes émotions, en images.

Tout ça pour dire qu’il a été le déclencheur d’une ouverture sur le monde de la moto.

Zabel : Et t’aime le monde aussi! Parle-moi de la Sasquatch, cet événement moto original qui a lieu aux portes de l’hiver…

Marc : C’était la cinquième édition abitibienne cette année! C’est la gang de OneLand qui a commencé ça au Québec, sous une autre forme. Quand j’ai vu sur les réseaux sociaux des bikers avec des manteaux de fourrure, je me suis dit : faut que j’organise ça dans ma région, c’est fait pour nous les gens du Nord! Catherine m’a expliqué l’origine et tout, que c’est un clin d’oeil au Rally des Éléphants en Europe. Ici, en Abitibi, c’est l’occasion de se rencontrer, de rouler et de faire un BBQ avant l’hiver. De Rouyn-Noranda on se rend à Rollet à moto. Il y en a même qui sont partis de Val-d’Or le matin avec leurs manteaux de fourrure!

Zabel : Parle-moi du MoFFAT (Moto Film Fest Abitibi-Témiscamingue)

Marc : Je me suis dit moi aussi je veux faire ça un moto film fest! Je veux présenter ça à des gens cette culture, cette passion. Au-delà du fait de faire de la moto et d’organiser des randonnées, il y a l’univers du cinéma et le MoFFAT a eu lieu pendant trois ans pendant la saison estivale, mais ça peut changer pour la prochaine édition… à suivre…

J’aime ma région et elle est importante pour moi. J’en parle partout où je vais. L’Abitibi-Témiscamingue est un peu la bête noire des motocyclistes et des touristes en général. Si je peux donner le gout aux gens de venir faire un tour, de découvrir cette belle grande région, tant mieux. En empruntant la belle boucle par Mattawa en Ontario, on découvre la beauté, la diversité et la richesse d’un merveilleux territoire.

Zabel : Pour terminer, Marc, quels sont tes projets? Un passionné et dynamique comme toi, il y a surement de l’effervescence dans ta tête?

Marc : Pour la moto, j’ai un projet avec ma Goldwing : je lui mets un side-car et je monte en Alaska avec mon chien que… je ne veux pas emmener! (Rires!) Peut-être un No Highway 2 s’ensuivra?  J’aimerais aussi adapter le MoFFAT en le déménageant de saison, peut-être à l’intérieur… Je continue à y penser!

Zabel : Merci infiniment Marc de ta générosité, je reviendrai en Abitibi-Témiscamingue, c’est certain. J’ai déjà hâte de te retrouver pour continuer la jasette!

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