Archives – Essai Moto Journal – Husqvarna 701 Enduro – La double-usage la plus intense sur le marché

Par Zac Kurylyk Publié le

*Archives – Cet article est tiré du Vol. 50 No. 7 de Moto Journal.

Prudence quand vous tournez la poignée de droite!

Le nom dit tout sur la nature profonde de la Husqvarna 701 Enduro fraîchement révisée pour 2021. D’abord le chiffre 701 : on a affaire ici à un monocylindre de très forte cylindrée. Puis le mot Enduro : bien qu’elle soit équipée pour la conduite sur chemins publics, cette moto est loin de proposer le comportement classique d’une double-usage au confortable penchant routier. Au contraire, la 701 Enduro vous propose des accélérations fulgurantes et une tenue de route très aiguisée.

Commençons par le moteur

La 701 est propulsée par un monocylindre quatre-temps de 693 cm3 au tempérament fougueux. Lors de sa création par KTM en 1987, ce moteur, alors avec démarrage au kick seulement, était destiné aux machines hors-route de la firme. Ensuite, il a graduellement gagné en taille et en raffinement jusqu’à ce qu’il atteigne sa cylindrée actuelle de 693 cm3, dans la KTM 690 Duke R de 2016. Avec sa puissance de 74 ch à 8000 tr/min et son couple de 54,2 lb-pi à 6500 tr/min, il s’agit du monocylindre de production le plus puissant jamais offert sur le marché.

Et comme KTM et Husky sont désormais étroitement liées, il était normal que la 701 hérite du même moteur surpuissant.

Si ces quelques données théoriques vous donnent l’impression qu’il s’agit là d’un engin particulièrement emballant, vous avez raison. Voici un extrait des notes que j’ai prises après mes premiers kilomètres sur une petite route de campagne du Nouveau-Brunswick :

« Quelques minutes ont suffi pour m’étamper un large sourire et me faire sauter de joie comme un savant fou qui vient de découvrir une arme d’une extrême puissance… La livraison de couple de cette moto crée chez moi un effet de dépendance intense. »

Bien sûr, ce moteur est loin de développer la puissance maximale des multicylindres modernes de format moyen. Mais il demeure au sommet des monocylindres et il offre aussi d’autres atouts.

En fait, le moteur de la 701 a les avantages d’un monocylindre (couple abondant, courbe de puissance linéaire, frein moteur marqué quand on relâche l’accélérateur) et aucun des désavantages. Les montées en régime sont vives et la conception

soignée (notamment avec les deux contrebalanciers) fait en sorte que les vibrations ne deviennent jamais terriblement déplaisantes. On peut tordre la poignée à régimes élevés et encore obtenir de la puissance là où les 650 japonaises tomberaient à court de souffle. Les accélérations à haut régime en sixième vitesse sont impressionnantes, et le couple à bas régime l’est tout autant. Si vous aimez tirer des wheelies, il suffit de jouer de l’accélérateur (et peut-être d’ajouter un petit coup d’embrayage dans les rapports plus élevés).

Avec ce genre de réponse moteur, on a toujours envie de piloter avec intensité. Sur les petites routes, la 701 sort des virages comme une fusée (Jeff Bezos pourrait économiser gros en achetant une 701 au lieu de se payer un voyage en vaisseau spatial). En ville, si jamais des jeunes qui flânent au lave-auto vous font signe de faire un wheelie, vous pourriez (théoriquement, bien sûr) acquiescer aussitôt à leur demande. Sur l’autoroute à 120 km/h, si vous avez à dépasser un lambineux tout en montant une côte avec un vent de face, tournez simplement la poignée de droite et c’est réglé. Rien avoir avec la réponse d’une vieille KLR650 de première génération.

Impressionnant sur la route, donc. Mais qu’en est-il quand on quitte l’asphalte?

En pareil cas, la situation peut devenir plus délicate. La 701 est extrêmement puissante, mais la puissance n’est pas toujours votre meilleur allié en conduite hors-route.

Dans le sable ou le gravier, la 701 est très amusante à piloter. L’antipatinage sensible à l’angle d’inclinaison vous aide à garder le contrôle, mais vous pouvez également le désactiver si vous avez envie de négocier les courbes en mode dérapage latéral.

En sentier étroit et raboteux, par contre, la puissance devient moins utile. Si vous tournez l’accélérateur un peu trop loin dans un sentier serré, l’arrivée subite des quelque 70 chevaux pourrait vite vous catapulter en forêt et vous faire voir les arbres de plus près que prévu. Je suis certain que des pilotes d’enduro experts peuvent exploiter la 701 à fond sur un chemin de terre à une voie, mais personnellement je n’en avais pas trop envie.

Cela dit, que vous ameniez la 701 sur une route de gravier facile ou dans un sentier étroit et rocailleux, vous apprécierez la souplesse du moteur à bas régime si vous décidez de rouler mollo. Mais soyez toujours prudent avec l’accélérateur; un coup de gaz intempestif pourrait vite vous placer sur un siège éjectable. C’est toujours stressant de perdre le contrôle parce qu’on a trop tordu la poignée de droite, mais le stress est encore plus élevé avec une machine super puissante.

Quand on y va avec réserve, donc, la 701 peut se piloter de façon relativement relaxe. La réponse du système d’injection est fluide à tous les régimes, la boîte de vitesses à six rapports n’a posé aucun problème et le levier de l’embrayage anti-sautillements assisté est très doux. L’antipatinage sensible à l’angle d’inclinaison intervient rarement sur l’asphalte, mais c’est un « bonus » intéressant, tout comme le choix de modes de conduite. Bref, cette 701 se distingue des 650 traditionnelles qui vibrent comme des marteaux-pilons et elle peut livrer une conduite fluide et agréable si vous voulez. Mais où serait le plaisir?

Le châssis d’une machine d’enduro

Et qu’en est-il du reste de la moto? Est-elle bien adaptée à ce gros monocylindre hyper puissant?

La 701 Enduro porte bien son nom puisque son châssis provient essentiellement de l’univers hors-route. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Tout dépend de votre point de vue.

Les motos d’enduro ont une selle élevée, une forte garde au sol et une suspension ferme à grand débattement. Dans le cas de la 701, cela se traduit par une selle à 920 mm (!) du sol, ce qui signifie que les pilotes aux jambes plutôt courtes comme moi auront parfois de la difficulté à monter ou à descendre de la moto. Et si vous devez mettre un pied au sol pour vous tirer d’une situation délicate en sentier, soyez particulièrement prudent parce que la marche est haute.

Personnellement, je préférerais que la selle soit un peu moins élevée et aussi plus confortable pour faciliter les longues randonnées routières. En véritable pilotage de type enduro, par contre, il faut une selle qui permet des déplacements faciles et une forte garde au sol. Les pilotes devront donc s’adapter, ou opter pour un modèle un peu moins extrême. Il est également possible de faire abaisser la selle – une opération assez courante.

Pour continuer sur le sujet de la selle, vous remarquez que, grâce au design moderne de la 701 et à son réservoir d’essence monté à l’arrière, elle se prolonge beaucoup vers l’avant, presque jusqu’au pivot de direction. Cela permet au pilote de se déplacer loin vers l’avant sans être embêté par un réservoir protubérant. Si vous aimez le pilotage intense au guidon d’une double-usage, sur route ou hors-route, vous savez déjà que ce type de selle allongée peut s’avérer avantageux – car on peut vraiment mettre beaucoup de poids sur l’avant au besoin.

La suspension provient de chez WP, les experts maison de KTM, avec fourche et amortisseur XPLOR. Il y a un ressort dans chaque poteau de fourche, mais les fonctions d’amortissement sont séparées : compression dans le poteau de gauche, détente dans le poteau de droite. Cette approche est de plus en plus courante de nos jours et elle a l’avantage de faciliter les ajustements : bouton de gauche pour contrôler l’amortissement en compression, bouton de droite pour l’amortissement en détente.

Habituellement, je n’ai pas tendance à trop jouer avec les ajustements de suspension, mais dans ce cas-si, je trouvais que le train avant bondissait un peu trop à mon goût en conduite hors-route (peut-être parce que je ne roulais pas assez vite – un pilotage à vitesse plus élevé aurait probablement adouci le comportement de la suspension?). J’ai donc réduit l’amortissement en détente de quelques clics et la conduite est devenue nettement plus agréable. Difficile d’imaginer un système d’ajustement plus facile et pratique.

Et le monoamortisseur relié à un système de tringlerie? Son comportement me convenait, alors je n’ai pas changé les ajustements. Comme pour l’avant, on peut contrôler l’amortissement en compression et en détente. Si j’avais voulu faire des sauts ou rouler de façon plus intense, j’aurais sans doute modifié quelques paramètres.

La 701 est montée sur un cadre à treillis d’acier au chrome-molybdène, mais le sous-cadre, avec réservoir à essence intégré, est en polyamide rotomoulé. Cela a permis aux ingénieurs de réduire le poids et de centraliser les masses. Les risques de bris sont peut-être plus élevés (je ne me suis pas planté, donc je n’ai pas pu tester ma théorie…), mais je suppose que le cas échéant, le coût de remplacement serait nettement moins élevé.

Husqvarna a opté pour des jantes en aluminium D.I.D. de 21 po à l’avant et 18 po à l’arrière, ce qui veut dire qu’il y aura amplement de choix pour les pneumatiques.

Côté freinage, on retrouve l’arrangement typique des double-usages avec simple disque à l’avant et à l’arrière. On pourrait croire qu’il faudrait un second disque avant sur une machine de plus de 70 ch, mais la moto est légère et la puissance de freinage est tout à fait suffisante. Le disque avant de 300 mm (avec étrier flottant à double piston) et le disque arrière de 240 mm (avec étrier à simple piston) font très bien leur travail et ils sont munis d’un système antiblocage Bosch désactivable. La mise hors fonction de l’ABS n’est pas aussi facile que sur les motos d’aventure de KTM, mais elle a au moins le mérite d’être offerte. On peut aussi opter pour le mode Supermotard qui permet de bloquer la roue arrière.

Et les fonctions électroniques?

En plus de l’ABS Bosch (sensible à l’angle d’inclinaison) et de l’antipatinage (également sensible à l’angle d’inclinaison), la 701 est équipée d’un accélérateur à commande électronique, ce qui permet d’offrir différentes cartographies moteur. Sur les anciennes 701, il fallait bidouiller sous la selle pour changer les cartographies. La machine est maintenant équipée d’un bouton pratique au guidon qui permet de sélectionner le mode 1 (axé sur la conduite routière sportive, avec intervention plus marquée des systèmes antipatinage et de contrôle des wheelies) ou le mode 2 (axé sur l’enduro, avec interventions moins marquées).

J’ai opté pour le mode 2, et je pense que ce sera le choix de la plupart des pilotes.

La 701 est équipée d’un système d’éclairage et de signalisation entièrement à DEL. Je n’ai pas été impressionné par la puissance du phare avant; si je voulais rouler avec cette moto la nuit, je trouverais une solution. Le tableau de bord avec affichage LCD (écran à cristaux liquides) maintient l’approche de type enduro en fournissant les informations de base comme les odomètres et le régime moteur, mais franchement, cet écran fait un peu cheap, surtout quand on tient compte du prix demandé pour la 701. Par contre, il faut reconnaître qu’il livre la marchandise!

Somme toute

La Husqvarna 701 Enduro est idéale pour les pilotes avec beaucoup d’argent et beaucoup de talent de pilotage. Sur la route, elle est extrêmement agréable à rouler, mais les motocyclistes moins expérimentés la trouveront peut-être un peu trop extrême en conduite hors-route. Quant au prix de détail suggéré, 13 399 $ plus 550 $ pour les frais de transport, il est comparable ou même plus élevé que celui d’une machine d’aventure bien équipée. La 890 Adventure de KTM, par exemple, est offerte à 14 099 $ plus 550 $ pour les frais de transport.

Cela dit, si vous voulez la machine hors-route équipée pour la route la plus hot sur le marché, c’est la 701 qu’il vous faut. Exubérante et fonctionnelle, elle a de la gueule et elle distille des mégadoses de plaisir. Il y a de bien pires façons de dépenser son argent.

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