Dans une vie précédente, j’avais régulièrement à voyager aux États-Unis pour le travail et la formation. Vous savez, le train-train, les douanes américaines à Montréal, pas mal relaxes à ce temps-là, le vol vers New-York – La Guardia avec transfert à la course entre deux terminaux, le vol vers Washington et la navette vers notre destination finale. Ouf!
Un de ces quatre, j’ai fait le choix d’y aller à moto. Laissez faire le stress, je dois au pire arriver à destination le dimanche avant 16 h. Mon patron n’était pas trop d’accord, mais bon, vas-y et sois prudent qu’il me dit. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il s’agit de mon premier vrai voyage à moto. Ça fait un an que je rêve de partir traverser l’Amérique. Ça fait aussi un an que je me suis procuré une moto de tourisme, avec valises et pare-brise. Je faisais déjà de longues randonnées mais jamais comme ça.
Donc ce samedi matin de juin, j’embrasse ma femme et mes enfants et je démarre ma moto, une Kawasaki de quelques années déjà. J’ai pour vêtements des pantalons et un manteau doublé, laminé de polyester, super imperméable avec de petits orifices pour la ventilation et des gants de cuir véritable. Et puis les bottes! Quelles bottes? Pas besoin de bottes, des souliers de marche ou des bottes de randonnée, ça fait l’affaire. J’en étais à mes débuts et le pas cher faisait bien mon affaire.
Départ sans problème, direction des douanes de Huntingdon -Trout River. « Vous allez où comme ça? » me demande le douanier. En Virginie. Ah! Vous allez faire le Blue Ridge Parkway? Le quoi? Non, non, je m’en vais pour le travail. Vous auriez dû voir son air dubitatif… Au travail, à moto! Nous étions encore à une époque où traverser les lignes était une affaire de rien. Et voyager à moto, pour le travail, ça ne se faisait pas vraiment dans sa tête.
Mon idée était de descendre vers le sud en traversant une partie du parc des Adirondacks par les chemins secondaires et de me rendre en Pennsylvanie pour le dodo. Puis la deuxième journée, de traverser le Maryland et me rendre en Virginie. Si j’en avais le temps, je prévoyais un arrêt au parc national de Gettysburg.
Après les douanes, il pleut. On m’a conseillé de prendre la route NY 3 pour aller rejoindre la US 11 et rendu en Pennsylvanie, de prendre la US 15 toujours vers le sud. À un moment donné, j’ai dû me tromper, je me suis retrouvé sur la route PA 14. À cette époque, je ne connaissais pas les GPS et Google Maps n’en était qu’à ses débuts. Le seul logiciel qui existait provenait de Microsoft et permettait d’imprimer une série de cartes avec instructions, sur papier. Et bien évidemment, la route PA 14 n’y était pas puisque je ne devais pas y être. Je n’avais pas imprimé cette partie de l’itinéraire et ce que j’avais était déjà pas mal détrempé.
Ce soir-là, je me suis retrouvé dans un petit motel quelque part en Pennsylvanie avec une douzaine de motocyclistes américains qui formaient une belle gang de chics types. Ils m’ont d’ailleurs invité à souper avec eux. Le motel avait quand même l’air correct et des gars de moto y couchaient, quoi de mieux comme indication. Bon, ça s’est gâté après avoir payé pour une chambre. Le gérant me dit, tiens, voilà ta cruche d’eau. Hein? Eh bien oui, le motel était situé en zone inondable et comme de fait, il avait été inondé. Bon, ok il avait été nettoyé et ça ne sentait pas le moisi, mais bon, l’eau n’était pas potable.
Le lendemain, en me réveillant au lever du jour, il y avait à l’extérieur un brouillard à couper au couteau. En démarrant ma moto, j’avais l’impression qu’elle était tellement bruyante, tant le petit matin était tranquille. Quelle sensation étrange de rouler sans vraiment voir le paysage. Vers neuf heures, après un petit déjeuner copieux dans un « Diner » de la Pennsylvanie, le soleil s’est pointé le bout du nez. Quelle magnifique journée! La lumière était tellement belle que je me suis arrêté sur le bord de la route pour prendre en photo un viaduc qui semblait sortir tout droit d’une autre époque. Une dame s’est arrêtée pour me demander si j’avais besoin d’aide. Ah! Non madame, mais merci! Quelle gentillesse de sa part.
Mon retour fut l’inverse de l’aller. Je quittais le centre vers 14 h 30, en pleine canicule… et moi dans mes vêtements imperméables! Laissez faire le ATGATT, les vêtements de protection ont pris le bord après quelques dizaines de kilomètres. Rouler en direction de la maison avec la circulation au ralenti peut venir à bout de tout le monde. Épuisé, je me suis retrouvé dans une petite ville de Pennsylvanie au coucher du jour. Pas question de rouler la nuit avec les chevreuils et la chandelle qui faisait office de lumière sur ma moto.
Au petit matin, après un bon déjeuner, la météo prévoyait des averses seulement. Avec mon habit de polyester, je ne devrais pas avoir de problèmes. Ha! Vers 8 h 30 la petite averse a débuté et m’a accompagné jusqu’à la maison. Les pieds bien mouillés dans mes souliers de marche, je faisais des flouche, flouche partout quand j’arrêtais pour une pause. Des environs de Harrisburg en Pennsylvanie jusqu’à la maison, près de 1000 km plus loin, il a plu sans arrêt. En plus, j’ai compté au moins une dizaine de cadavres de chevreuils sur les bords de la route.
Ce que j’ai retenu de ce voyage, à part qu’il y a toujours une bonne raison pour voyager à moto, c’est qu’il n’y a pas de mauvaise journée ou de mauvais temps pour rouler à moto. Il n’y a que des gens mal préparés et mal équipés!
Bonne route!