Essai sur route – KTM 1290 Super Adventure S : Une moto civilisée

Par Par Charles-Édouard Carrier - Photos: Mitch Cayouette et Charles-Édouard Carrier Publié le

Tout aussi indomptable

Sur le plateau de Filles de moto 2, j’ai eu la chance de rouler quelques jours au Nouveau-Brunswick au guidon d’une KTM 1290 Super Adventure R.

De la route en bord de mer aux sentiers troués comme un gruyère, j’ai eu un coup de cœur pour cette machine imposante, performante et débrouillarde en toute circonstance. Deux ans plus tard, me revoilà au guidon de sa cousine, la Super Adventure S, plus civilisée, mais tout aussi indomptable.

J’ai toujours eu un faible pour les marques KTM et Husqvarna. Peut-être que c’est l’Autriche ou la Suède, peut-être que c’est l’audacieux coup de crayon des designers européens. Ou peut-être les deux marques qui ont encore une roue dans la marge ou même tout simplement l’enthousiasme des gens qui représentent les deux fabricants ici, au Canada.

Printemps dernier. Alors qu’on nage en pleine première vague de COVID-19, l’idée même de partir en voyage moto hors des frontières de la province ne tient plus la route. On appréhende l’été en s’imaginant être restreint sur la route autant qu’à la maison. Malgré tout, plusieurs des grands fabricants le diront, ce qui sera confirmé par de nombreux marchands, l’été 2020 sera marqué par des records de ventes.

APPRIVOISER 160 CHEVAUX D’UN SEUL COUP

Je me rends au bureau chef de KTM / Husqvarna Canada, à Chambly. Sur place, après un tour guidé des installations, on m’amène au garage pour me dévoiler la moto qui sera celle des semaines à venir : une KTM 1290 Super Adventure S. Malgré son allure imposante et ses caisses latérales ultra-logeables, la KTM 1290 Super Adventure S s’enjambe facilement. Elle a la taille plutôt fine une fois bien en selle. Le guidon est large et ajustable sur plusieurs positions. L’écran volumineux est lumineux et même sous le soleil de midi, il demeure facile à lire. Les roues en alliage remplacent celles à rayons que l’on trouve habituellement sur les motos de type aventure. Sans trahir le look, on comprend rapidement qu’on se retrouve devant une routière beaucoup plus qu’une moto qui nous mènera au bout du monde. Et pourtant…

Engagé sur la voie de service de l’autoroute 10, j’ouvre les gaz et fouette la première vitesse. Les deux mains solidement refermées sur les poignées, je passe en deuxième avec un rapide mouvement du pied gauche. Sans presser l’embrayage. La roue avant de la moto se soulève immédiatement. J’ai à peine le temps de reprendre mes esprits et je passe en troisième. Même scénario. La roue quitte le sol. Je ne prends pas le temps de regarder à quelle vitesse je roule et je relâche immédiatement l’accélérateur. Je me range sur le côté. Beaucoup trop d’adrénaline pour un mercredi après-midi de juin.

À l’aide des boutons de contrôle facilement accessibles avec le pouce de ma main gauche, je navigue dans l’ordinateur de bord jusqu’à ce que j’atteigne les modes de conduite. Sport, Street, Rain, Offroad. Pour une expérience de conduite plus sage et moins téméraire, je passe en mode Street. Beaucoup trop puissant pour moi. Je profite de cet arrêt pour parcourir les autres menus de l’ordinateur de bord : suspensions semi-actives paramétrables, prise en compte de la répartition du poids sur la moto pour les ajustements de la suspension, contrôle de traction réglable sur plusieurs niveaux, ABS capable de réagir en fonction de l’angle de la moto, etc. Rapide et sophistiquée, cette KTM.

MONTRÉAL-QUÉBEC, CENT FOIS

C’est un été bien spécial où le travail m’oblige à faire un nombre incalculable d’allers-retours entre Montréal et Québec. Au fil des voyages, je prends tous les détours possibles : la Rive- Nord, la Rive-Sud, les campagnes de Lanaudière, de la Mauricie, du Centre-du-Québec et même du Saguenay. La moto me conduit à bon port, malgré une selle un peu trop rigide. La position de conduite est confortable et le régulateur de vitesse est mon meilleur compagnon de route. Cependant, avec mon 1,80 m, j’ai de la difficulté à ajuster le pare-brise correctement. Celui qui devrait me permettre de fendre le vent tout en préservant mon confort fait tout le contraire. Bien qu’il s’ajuste sur une hauteur d’un peu plus de 5 cm, en tournant une molette facilement accessible, c’est trop peu pour dévier le jet d’air au-dessus de mon casque. Résultat : le vent est canalisé directement sur moi.

UNE NUIT SUR LA ROUTE

Comme les autres modèles de la marque autrichienne, on a retenu un design rectiligne pour l’avant de la moto. Et cette tête d’insecte, qui la distingue d’entre toutes, est découpée par un imposant phare à éclairage DEL dont l’angle du faisceau s’ajuste en fonction de l’inclinaison de la moto. Pour tester cette technologie, et la puissance des feux de croisement comme ceux de route, je me permets d’étirer une soirée à tard dans la nuit. Je sillonne jusqu’à me perdre dans les chemins de campagne qui entourent les monts Saint-Hilaire, Rougemont et Yamaska.

Loin, très loin de la maison, je télécharge l’application KTM My Ride pour quelques dollars dans le Play Store et en quelques clics, les indications pour rentrer au bercail s’affichent sur l’écran de la moto maintenant passé en mode sombre. L’application de navigation par GPS est bien faite, simple à utiliser et précise. Je cale mon téléphone dans le caisson étanche sur le côté du tableau de bord, branche le fil de charge dans la prise 12 volts du tableau de bord et relève un peu la visière pour laisser le vent entrer dans mon casque. Retour à la civilisation, à mi-chemin sur le pont Jacques-Cartier, clignotant à droite, je m’offre un tour de l’ile Sainte-Hélène. Seul au monde devant le tableau d’une ville qui dort. C’est l’époque d’avant le couvre-feu. C’est l’époque des nuits chaudes où on préfère rouler à moto que rêver.

UN PEU D’AVENTURE

Impossible de retourner la moto chez KTM sans avoir tenté le coup en hors route. Ce serait comme s’offrir une lasagne en mettant de côté le gratin qui la recouvre. D’accord, à travers quelques tour- nages ici et là, on s’est sali les bottes un peu avec la 1290, mais rien d’extravagant. J’ai envie de la tester dans le gravier, l’eau boueuse, le sable et des sentiers qui ne pardonnent pas. Pour ce faire, direction Saint-Alexis-des-Monts. Deux motos, deux riders : un qui maitrise la théorie et la pratique et l’autre, moi, nullement à l’aise avec ni un, ni l’autre. La moto est libérée du poids des bagages et joliment amincie après que je lui eus retiré ses sacoches rigides, on quitte l’asphalte tôt en matinée. Sans grande planification, on s’enfonce dans une piste trouvée au hasard, peut-être un sentier de ski de fond ou de motoneige, impossible de le savoir puisqu’on ne croise personne de la journée et que la signalisation en pleine forêt, sans surprise, est déficiente.

Avec les aides à la conduite, on sent que c’est l’ordinateur de bord qui travaille plus que le cœur. Un V-Twin de 160 chevaux en hors route me rappelle vaguement cette expression qui parle de tuer une mouche avec un fusil. Je touche la poignée des gaz du bout des doigts pour éviter que la roue arrière s’emballe et ultimement, éviter que je m’enroule autour d’un arbre. Malgré tout, elle performe drôlement bien en toute circonstance, considérant que pour le débutant que je suis en sentier, un rien m’impressionne.

VERDICT

L’efficacité et la réactivité de son moteur de 1301 cm³ ne peut laisser indifférent. Inutilement puis- sant pour s’aventurer hors route, la 1290 Super Adventure S n’a d’aventure que le nom. D’accord, elle est construite sur le même châssis que la KTM 1290 Super Adventure R qui libère son plein potentiel loin des sentiers battus; celle à l’essai est une bête avec laquelle on s’amuse sur l’asphalte beaucoup plus qu’en terrain accidenté. Néanmoins, on peut tout de même transpirer un bon coup à zigzaguer entre roches et racines, si les montées ne sont pas trop exigeantes : les pneus de série ne sont pas du tout adéquats pour du hors-route. J’aurais aimé pouvoir entendre le souffle des deux cylindres à travers les composantes d’un échappement Akrapovic, en titane et plus léger que celui de série. Je me souviens de l’essai routier de la Svartpilen auquel j’avais participé au Portugal il y a deux ans. Le grondement de l’échappement Akrapovic que l’on recon- nait à son logo gravé au laser et son embout en carbone changeait complètement l’expérience de conduite au guidon de la 701.

La KTM 1290 Super Adventure S est une moto agile et technologiquement très avancée, ce qui lui permet de s’adapter à tout type de conditions. Au guidon, on s’y sent en sécurité et en con- trôle. Et sachant qu’entre nos mollets, ce sont 160 chevaux qui piaffent d’impatience, difficile de faire taire la petite voix qui commande de tordre la poignée.

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