Rencontre avec Jules Bruttin – Première partie

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Je vais vous raconter une belle histoire…

Il était une fois un jeune homme de 23 ans ayant envie de découvrir le monde. Jules habite Grône, charmant petit village suisse situé au cœur des Alpes, à quelques dizaines de kilomètres de l’Italie et de la France. Depuis un moment, il économise de l’argent et au boulot ça ne va pas trop bien. Dessinateur en bâtiments, il dit un jour à sa patronne qu’il désirait partir en voyage. Et elle de lui répondre simplement : « Mais…pourquoi tu veux partir en voyage? Il y a Google Maps!? C’est plus sécuritaire et… c’est pareil!?… »

Nous sommes aujourd’hui le 22 juillet 2019, il est devant moi et je l’héberge pour trois jours dans ma demeure.

Je dois vous dire que dans cet entretien, vous découvrirez le début de son road trip à travers les Amériques, soit de son départ de la France jusqu’à son départ du Québec. Dans son périple complet se sont ajoutés : l’ouest du Canada, l’Alaska, l’Ouest américain, le Mexique et l’Amérique du Sud jusqu’à la Terre de feu. Un total de dix mois à barouder à travers les continents américains et 78 000 km roulés sur des routes de toutes sortes. La suite de l’aventure vous sera racontée dans un reportage ultérieur.

Zabel : Jules, comment est né ce projet?

Jules : J’ai décidé de quitter mon emploi à la suite d’un “presque burn-out”… J’avais envie de me couper de cette toxicité et de vivre autre chose. J’étais alors en questionnement sur mon avenir, hésitant à choisir entre l’architecture ou rester dessinateur de bâtiments. C’est à ce moment que ma collègue m’a offert le livre L’Amérique du Nord à moto – 50 itinéraires de rêve auquel tu as collaboré en grande partie. J’avais déjà l’idée de partir, alors… Avec mes économies, j’avais le choix entre m’acheter une petite maison et la rénover ou partir en voyage. La dernière option était vachement mieux! Le Canada et l’Alaska m’ont toujours attiré, c’était une certitude! Je me suis mis à feuilleter le livre et à lier les itinéraires ensemble et… me voilà!

Zabel : Tu as décidé de vivre cette aventure à moto, pourquoi?

Jules : Je me disais, je ne peux y aller à pied, c’est un peu trop grand l’Amérique! Quand je me suis posé la question “transport”, la moto est devenue une évidence.

Zabel : Quel type de moto est ton partenaire pour ce voyage?

Jules : Après avoir eu une Suzuki Bandit 600 que j’ai gardée deux ans (le temps d’avoir mon permis, car en Suisse, c’est deux ans de permis obligatoire avec une petite cylindrée; après ces deux ans, on peut changer notre permis pour pouvoir conduire toutes les motos), j’ai emprunté celle de mon père, une Suzuki 800 en monocylindre pour une année, le temps d’acheter la mienne. Pour ce voyage, je me suis acheté une BMW 850 GSA 2019. En m’asseyant dessus j’ai dit je l’achète. J’aurais préféré une ancienne génération, car je trouve personnellement qu’il y a trop d’électronique.

Zabel : Parle-moi justement de la logistique du transport pour ta moto, de la Suisse vers le Canada.

Jules : Au départ, il me semblait logique de partir de la Suisse. Après avoir fait des dizaines d’appels dans toutes les langues (français, anglais et allemand), les compagnies d’aviation (qui ne semblaient pas comprendre le but de mes appels…) me proposaient des prix tellement exorbitants (environ 7000 $ CAD plus une caisse en bois à 1000 $ CAD, seulement pour la moto), que je me suis tourné vers l’option du départ de Paris. J’ai ensuite fait un seul appel à Paris et ils ont su me répondre immédiatement. Pour 1000 euros (environ 1500 CAD), j’ai pu expédier ma moto au Canada. Ça aurait été la moitié du prix par bateau, mais c’est plus compliqué : on doit trouver un conteneur, il faut le remplir, l’expédier, accepter de longs délais… Avec Air Canada, ça a été assez facile. Ils me demandaient d’arriver un jour avant. Je suis donc parti le 7 mai 2019 de chez moi et j’ai envoyé ma moto par avion avec Air Canada. C’est de Paris que nous sommes partis, elle et moi.

Zabel : Parle-moi de ton arrivée au Canada.

Jules : Arrivé à Montréal, je me suis dirigé vers Alma, dans la belle région du Saguenay– Lac-Saint-Jean. C’était un peu étrange, car le lac était encore gelé et je ne m’attendais pas à ça du tout. Je me suis ensuite dirigé vers la Côte-Nord afin de me rendre jusqu’à Havre-Saint-Pierre. Mais avant d’y arriver, il y a cette journée mémorable… Je ne roulais pas depuis longtemps cette journée-là, environ une heure, quand j’ai vu cet endroit au bord de l’eau (une halte routière). Je me suis dit alors : “C’est ici que je m’installe pour la nuit, c’est trop beau!”. Je n’ai pas monté ma tente tout de suite, j’ai lu, je me suis baladé, et après j’ai monté ma tente. Juste avant d’aller me coucher, Mélanie et son frère Patrick sont arrivés par hasard, ils ont regardé la moto et c’est là qu’ils ont vu que j’étais suisse. “Mais qu’est-ce que tu fais là? Il fait trop froid! Viens à la maison!” Mélanie est venue me voir pour m’offrir le gîte. Il faut dire qu’il ne faisait pas très chaud en mai à Forestville! Arrivés à la maison, on a discuté, puis soudain Mélanie me dit : “Hey, attends, il faut absolument que je te montre le livre de ma chum!”. C’est alors qu’elle sort le livre “L’Amérique du Nord à Moto” et je lui dis : “Mais, c’est le livre avec lequel j’ai fait mon itinéraire!!”. C’est à ce moment qu’elle nous a mis en contact. Je ne sais pas comment tout ça est arrivé, mais c’était trop fou!

Zabel : Incroyable!

Jules : J’ai rencontré des gens de cœur et du coup, c’est vachement sympa, et je ne regrette pas du tout ce temps passé depuis mon arrivée. Vous êtes tellement gentils les Québécois.

Zabel : En quittant Forestville, quel a été ton itinéraire jusqu’à maintenant?

Jules : Je me suis rendu à Havre-Saint-Pierre, où j’ai dû changer mes pneus une première fois. S’ensuivit Fermont, où je suis resté bloqué trois jours à cause de la neige! Puis Valley Goose Bay, que j’ai quitté rapidement car on y annonçait une semaine de pluie… Rendu à Blanc-Sablon, j’ai pris le traversier jusqu’au Labrador, que j’ai roulé du nord au sud en y croisant quelques orignaux. J’ai ensuite repris le traversier pour aller à Sydney, en Nouvelle-Écosse, roulé la Cabot Trail, qui est splendide, le beau temps étant de la partie. Ensuite, l’Ile-du-Prince-Édouard (un gros coup de cœur pour les paysages), le Nouveau- Brunswick et la baie de Fundy, avec ses marées et ses reliefs; j’y ai pris de belles photos.

 

Zabel : Ton hébergement ressemblait à quoi?

Jules : Je planifiais faire surtout du camping, avec un hôtel de temps en temps. En rencontrant des gens, j’ai la chance parfois d’être hébergé dans leur demeure.

Zabel : À ce jour, quels sont tes plans pour les prochaines semaines?

Jules : En arrivant, je croyais prendre un mois pour me rendre en Alaska, mais cela fait bientôt trois mois que je suis ici dans l’est. J’aimerais voir les Niagara Falls, je dois les voir! Il s’agit d’une icône du Canada quand même! Puis traverser le Canada, le lac Louise dans les Rocheuses et me rendre en Alaska, à Fairbanks. S’ensuivra évidemment l’Ouest américain. Je compte aller au Mexique aussi.

Zabel : Tu viens d’une famille de motocyclistes?

Jules : Mes parents faisaient de la moto avant ma naissance. Après 25 ans sans moto, mon père s’en est racheté une, parce que je lui avais redonné le goût (il a eu tous les modèles de Suzuki et après m’avoir vu aller, il s’est acheté une BMW aussi). Mais avant ça, je ne savais pas du tout qu’il était motard. Ça a un peu été la surprise! Ha Ha Ha!

Si je n’avais pas eu ce type de moto, je n’aurais pas fait le même itinéraire, je ne serais pas allé à Fermont, par exemple… Par moments, la route est rough. Entre Fermont et Manic- Cinq, c’est l’horreur! Mais sinon, c’est vraiment magnifique! Les sapins, la mousse et le sable vers Valley Goose Bay agrémentaient mon aventure. J’ai aussi vu un ours de très loin, et des icebergs.

Zabel : Ton périple a-t-il une date d’expiration?

Jules : Je dois rentrer au plus tard pour la mi-mars 2020.

Zabel : Que penses-tu des routes dans l’est du Canada jusqu’à maintenant?

Jules : Ici, vous n’avez pas de virages… c’est la première fois que mes pneus usent “carré”! (rires!)

Une belle rencontre inspirante! À suivre…

AH OUI : Jules m’a promis qu’il reviendrait!

Vous pouvez suivre Jules sur Instagram : JAB_ride_the_world!

*Article publié dans le Vol. 49 No. 6 de Moto Journal.

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