Lancement de presse : Suzuki V-Strom 1050 XA 2020

Par Bertrand Gabel Publié le

DR-BIG en esprit, mais toujours V-Strom

Malaga (Espagne)

Les constructeurs se montrent souvent frileux lorsque arrive le temps de retoucher leurs modèles populaires. Pourtant, cela doit être fait, surtout si la catégorie à laquelle ces modèles appartiennent offre une forte compétition. Cette situation correspond exactement aux Suzuki V-Strom 650 et 1000, puisqu’il s’agit des deux routières les plus vendues de la marque et qu’elles font partie d’une des classes les plus en vogue actuellement. Par ailleurs, leur cas s’avère d’autant plus particulier que Suzuki a une tendance bien documentée à ne pas modifier ses modèles durant plusieurs années.

La V-Strom 1050 2020 représente la solution proposée par Suzuki dont l’approche s’avère fort intéressante, puisque le constructeur est arrivé à injecter une dose considérable d’intérêt dans le modèle sans pour autant le repenser à partir de zéro. Jusqu’à un certain point, la V-Strom 1050 2020 rappelle un peu la nouvelle Katana, en ce sens qu’on a affaire dans les deux cas à des bases existantes habillées d’une enveloppe nouvelle, mais dont les racines sont ancrées dans l’histoire de la marque.

En effet, bien que la V-Strom 1050 affiche pour 2020 un style habilement inspiré de celui de la légendaire double-usage DR-BIG de 1988, la nouveauté reprend bon nombre d’éléments mécaniques de la V-Strom 1000 2019. Par exemple, le cadre périmétrique en aluminium, le bras oscillant, les éléments de suspension, les roues et les composants principaux de freins reviennent tous pratiquement identiques en 2020, les seules différences se voulant un léger raffermissement de l’amortisseur et de la fourche ainsi que l’adoption de pneus Bridgestone Battlax Adventure A41.

Côté moteur, on note particulièrement l’arrivée d’un système d’accélérateur de type Ride-by-Wire, mais également une capacité de refroidissement accrue, de nouveaux arbres à cames, un système d’échappement repensé et des tubulures d’admission plus grandes, le tout permettant de respecter la nouvelle norme Euro 5. En termes de puissance, le V-Twin — qui garde exactement le même cubage de 1037 cm3 malgré le changement de nom de V-Strom 1000 à V-Strom 1050 — produit désormais 106 chevaux, un gain de 7 ch par rapport à la version précédente. Fait intéressant, le couple maximal presque identique de 74,5 lb-pi est maintenant livré à 6000 tr/min, soit considérablement plus haut que dans le cas de la version 2019 sur laquelle il arrivait à seulement 4000 tr/min.

Outre les améliorations mécaniques, c’est par sa ligne que la V-Strom 1050 2020 retient beaucoup l’attention. Soyons francs, les V-Strom n’ont jamais mérité de trophée au chapitre du style. La première génération lancée en 2002 a même souvent été qualifiée de laide, tandis qu’on pouvait reprocher à la seconde, lancée en 2014, des traits quelque peu anonymes.

L’idée de retourner aux sources et de s’inspirer de la ligne de la DR-BIG pour dessiner la V-Strom 1050 2020 s’avère brillante et transforme vraiment le modèle en lui donnant, pour la toute première fois, un style attrayant et désirable. On constate souvent le manque de talent des constructeurs japonais en matière de style, mais il semble que s’inspirer de leur passé représente une façon intéressante pour eux de contourner ce problème. La Z900RS chez Kawasaki, la Katana et maintenant la V-Strom 1050 chez Suzuki en sont de bons exemples. La jolie nouvelle silhouette de la V-Strom 1050 a également l’avantage d’être suffisamment unique pour la distinguer au sein de la classe aventure où les modèles semblent fréquemment se contenter d’imiter la R-GS de BMW.

La nouvelle ligne est complétée par une instrumentation numérique entièrement repensée. Facile à consulter, elle a l’avantage de ne pas être bourrée de menus et de sous-menus, ce qui est de plus en plus souvent le cas aujourd’hui et qui ne s’avère pas toujours plaisant ou pratique. Sur la V-Strom, toutes les infos se trouvent sous les yeux, en même temps, et présentées de manière claire.

Si la nouvelle instrumentation représente un pas dans la bonne direction, l’on ne peut en dire autant pour la selle. Construite d’une pièce, large et bien rembourrée sur la version 2019, elle est fabriquée en deux pièces et s’avère plus étroite et plus dure en 2020. Le nouveau design des selles avant et arrière semble davantage avoir été dicté par les stylistes que par le derrière des essayeurs, ce qui est dommage pour une monture aussi à l’aise sur de longues distances et constitue l’une des rares lacunes de la nouveauté. Des systèmes évolués de contrôle de traction (pouvant être désactivé) et de freinage ABS (ne pouvant pas être désactivé) ainsi que des choix A, B et C de cartographie de gestion de la puissance font aussi leur arrivée en 2020.

La suite, en ce qui concerne les nouvelles caractéristiques, dépend de la version choisie. En effet, bien que ça s’arrête là sur la V-Strom 1050 de base offerte à 14 399 $ (vs 13 499 $ en 2019), la version XA offerte à 16 099 $ (vs 14 099 $ en 2019) propose par contre une liste bien plus longue de nouveautés. Moyennant ce supplément de 1 700 $, la XA est livrée de série avec un régulateur de vitesse — une première sur une V-Strom —, un pare-brise ajustable manuellement en hauteur, une selle de pilote réglable en deux hauteurs, des protège-mains, des roues à rayons, des barres de protection en acier, une plaque de protection du carter en aluminium, des clignotants à DEL, une béquille centrale, des rétroviseurs différents et une prise 12V sous la selle.

La XA, qui est aussi la seule version livrable dans les jolis coloris jaune ou rouge et blanc, ne s’arrête pas là et ajoute également une série de fonctions électroniques baptisée SIRS, soit Suzuki Intelligent Ride System, et dont l’élément principal est une nouvelle Unité de Mesure de l’Inertie à six axes. Le système SIRS inclut une activation des freins lors d’arrêts en pente, la prévention du soulèvement de l’arrière durant les freinages intenses en descente, un ABS sensible aux inclinaisons et un freinage combiné qui s’ajuste constamment à la charge embarquée sur la moto afin de garder l’effort au levier constant.

Le trajet qui relie Marbella, au bord de la Méditerranée, à la pittoresque ville de Ronda est parsemé d’innombrables courbes et ponctué de plusieurs montagnes, mais il commence banalement en ville au milieu de la circulation où la nouvelle V-Strom a immédiatement fait penser à la version précédente en se montrant exceptionnellement amicale et facile d’accès. La nouvelle 1050 dégage non seulement une impression de grand raffinement mécanique très plaisant, mais elle offre aussi un équilibre si invitant qu’il n’y a littéralement aucune période d’acclimatation à ses commandes.

Le V-Twin d’un litre émet des sons feutrés et gronde doucement sans jamais vibrer de manière désagréable. On a beau critiquer Suzuki pour son rythme d’innovation relativement lent, le fait demeure qu’en peaufinant encore et encore cette mécanique, le constructeur en a fait l’un des moteurs les plus réussis du motocyclisme. Les performances sont très proches de celles de la version 2019 malgré la légère augmentation de puissance, c’est-à-dire agréables et appropriées, mais pas excitantes, toutefois. Pour ça, Suzuki aurait besoin d’élever la barre jusqu’à environ 125 chevaux, ce dont ce moteur est amplement capable. Sur une prochaine génération, peut-être.

L’arrivée du couple, par contre, s’avère très différente. Le V-Twin de la 2019 était calibré pour livrer un grand couple très tôt en régime, presque à la façon d’une custom, mais s’essoufflait avant la zone rouge. Sur la 2020, cette caractéristique n’existe plus et se voit plutôt remplacée par une livrée de puissance classique, c’est-à-dire plutôt généreuse à bas et moyen régimes, puis suivie d’une augmentation linéaire de l’accélération jusqu’à la zone rouge de 9250 tr/min. Tout ce qui concerne l’embrayage et la transmission fonctionne avec une douceur admirable, mais on note l’absence d’un sélecteur de vitesses assisté, et ce, même en option.

La V-Strom 1050 XA (aucune version de base n’était disponible durant le lancement de presse du modèle) continue d’afficher de grandes qualités en virage. Les routes de cette région de l’Espagne sont carrément un paradis pour la moto. On parle de centaines de courbes en tous genres qui se succèdent au fil des chaînes de montagnes qu’elles traversent, mais sans toutefois que le revêtement soit en parfait état. La V-Strom semble avoir été créée pour exceller dans cet environnement tellement elle s’y montre agile, précise et efficace. Sans circulation pour ralentir le rythme, la XA a pu être poussée si fort et si aisément qu’il est difficile d’imaginer une sportive pure qui aurait pu la suivre sans se mettre dans le trouble. Le cadre se montre parfaitement solide, la direction est aussi précise que légère, les suspensions calibrées juste à mi-chemin entre fermes et souples absorbent tout sans jamais paraître surmenées, et les freins n’ont besoin que d’un ou deux doigts pour faire un excellent travail. À ce sujet, le système de freinage combiné ne semblait pas tout à fait naturel lors des premières minutes en selle, mais il s’est probablement ajusté de lui-même, tel qu’annoncé par Suzuki, puisqu’il a rapidement renvoyé des sensations normales durant le reste du test.

S’il est un environnement où la grosse V-Strom n’a jamais excellé, c’est en sentier. Le modèle n’est tout simplement pas construit pour être malmené comme une BMW R-GS ou une KTM Adventure. Cela dit, grâce à une position de type aventure très équilibrée et à la souplesse des suspensions, il reste tout à fait possible d’entrer dans la nature par des routes de terre ou de gravier pas trop abîmées, ce qui fera l’affaire des nombreux motocyclistes qui ne sortent de la route qu’occasionnellement et sans l’intention de rouler en mode rallye. Pour les plus agressifs, le marché offre d’autres modèles.

Suzuki a fait progresser sa grosse V-Strom de façon très habile en 2020. La concurrence féroce du segment aventure demandait une certaine évolution malgré le fait que le modèle n’était pas très vieux. En choisissant de conserver les éléments majeurs, d’ajouter quelques fonctions et de rajeunir la ligne en s’inspirant du style de la DR-BIG, Suzuki a réussi à rendre la V-Strom plus désirable sans la repenser complètement. Bien joué. Cela dit, tout n’est pas rose. Entre autres, on note une facture qui grimpe considérablement, surtout dans le cas de la XA qui est clairement la plus intéressante des deux versions. Heureusement pour Suzuki, le prix de ces aventurières augmente constamment — trop, peut-être —, ce qui permet à la V-Strom 1050 de demeurer une bonne valeur, mais le fait reste que plus la facture grimpe, plus l’acheteur est en droit d’être exigeant. Par exemple, on aurait au moins souhaité des poignées chauffantes de série plutôt qu’optionnelles. Puis, il y a de petits irritants, comme le pare-brise pas très facile à ajuster et qu’on ne peut monter ou descendre en roulant comme c’est le cas sur beaucoup de motos, ainsi que de plus gros problèmes, comme la selle qui n’est maintenant que moyennement confortable et qui devient la première source d’inconfort sur long trajet.

Tout cela étant dit, l’ensemble que représente la nouvelle V-Strom 1050 s’avère quand même très difficile à ne pas aimer, surtout avec la jolie nouvelle ligne et particulièrement si ce que l’on recherche est une aventurière non extrême autant en termes de capacité hors route que de prix.

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