KTM 1290 Super Duke R 2020 : Plus sauvage et plus civilisé à la fois

Par Paul Penzo Publié le

Revu en profondeur, le gros roadster est meilleur que jamais

Avec son design minimaliste et ses lignes aiguisées, la KTM 1290 Super Duke R 2020 dégage une énergie sauvage. La finition est de qualité et parmi les composantes haut de gamme les plus visibles, on remarque les étriers Brembo de dernière génération qui permettent de réduire le poids non suspendu, les supports de repose-pieds ajustables avec levier de vitesse facile à inverser pour un usage sur circuit, et un nouveau bras oscillant avec tringlerie. Les amateurs de mécanique trouveront une foule de détails techniques supplémentaires en encadré.

En usage routier, cette Katoum est confortable avec sa selle étonnamment souple. Les rétroviseurs sont fonctionnels, la suspension avale les bosses en douceur, la livraison de puissance est costaude mais facile à doser, et le système quickshift bidirectionnel permet de changer les vitesses sans embrayage de façon très fluide. Sur circuit, quand on franchit le cap des 240 km/h en sixième, on ressent un surplus de puissance comme si on injectait de l’oxyde nitreux : la machine tire progressivement de plus en plus fort jusqu’à plus de 260 km/h, puis il faut appliquer les freins pour négocier le virage numéro un.

Il faut une bonne dose de self-control pour piloter cette machine tout en restant dans les limites de l’acceptabilité sociale. L’acheteur idéal est probablement un ancien propriétaire de machine très sportive ou un ancien coureur qui recherche maintenant une machine plus confortable et plus fonctionnelle tout en conservant la possibilité de trouver le nirvana sur une piste de course de temps en temps. Pour les autres, il faudra être très prudent, surtout si on désactive les systèmes antipatinage et anti-wheelies.

Pilotage sur route

Toutes les motos mises à notre disposition étaient équipées d’un dispositif quickshift et de modes de conduite supplémentaires activables par le concessionnaire. Certaines avaient également un silencieux accessoire.

La partie routière de notre aventure se déroule en Algarve, au sud du Portugal. Notre guide est l’ingénieur en chef de cette troisième génération de 1290 Super Duke R (SDR). Tout en nous entraînant vers des routes de montagne et de bord de mer, il nous démontre qu’il adore faire des wheelies… Il y a des épisodes de bruine et les routes sont mouillées, mais il y a très peu de trafic.

Tel qu’on nous l’a recommandé, je choisis le mode de conduite Sport avec ABS en mode supermotard, ce qui désactive les senseurs d’angle d’inclinaison et l’ABS à l’arrière. L’accélérateur répond en douceur et sans à-coups, la puissance maximale est entièrement disponible et elle est livrée de façon intense mais conviviale, ce qui me permet de faire moi aussi des wheelies à l’occasion. Bridgestone a mis au point un pneu arrière S22 spécifique pour la 1290 SDR. De concert avec l’antipatinage, il donne une sensation de contrôle et de confiance. À l’avant, l’ABS entre en action trop facilement lors des freinages d’intensité moyenne, ce qui engendre une pulsation nette dans le levier est un crissement du pneu.

En baissant un peu les yeux en roulant, on aperçoit le tableau de bord et son écran ACL bien lisible. Mais le reste du temps, la position de conduite et l’absence de carénage de la SDR font en sorte qu’on a l’impression de rouler sur une bête sauvage pratiquement invisible. Avec son couple extrêmement généreux, sa puissance explosive à hauts régimes et son grondement autoritaire, ce gros duc est vraiment enivrant à piloter sur la route.

Pilotage sur circuit

Nous avons eu la chance de faire six sorties de 20 minutes sur le circuit de Portimão. Dès notre arrivée, j’ai remarqué avec enthousiasme qu’il y avait des machines munies d’un système d’échappement complet Akrapovic Evolution Line, de tés de fourche orange avec amortisseur de direction plus sophistiqué et de pneus lisses branchés sur chauffe-pneus. Plaisir en perspective!

Ça me dérange toujours moins de rouler un peu plus doucement quand il faut apprivoiser un nouveau circuit. Je commence donc avec une SDR de série et je choisis le mode de conduite Course avec livraison de puissance Route pour adoucir un peu la réponse. C’est renversant de voir toute la technologie qu’on offre maintenant dans les roadsters. Je mets l’ABS en mode supermotard et l’antipatinage en position intermédiaire (5 sur 10).

Le circuit de Portimão est l’hôte des compétitions de superbike de la FIM et son tracé est l’un des plus techniques d’Europe, sinon du monde entier. Il y a des virages aveugles et des changements de niveau, un peu comme à Mosport. En désactivant le dispositif de contrôle des wheelies, je peux facilement soulever la roue avant en cinquième vitesse. La position de conduite est confortable tout en permettant d’adopter facilement une position de pilotage de course. L’absence de pare-brise fait cependant en sorte que mon torse offre beaucoup de prise au vent, même si je me recroqueville au maximum sur le réservoir.

J’essaie ensuite une des machines exotiques et je suis emballé : elle est plus rapide et elle tient mieux la route que le modèle de série. Mais il y a amplement de quoi s’amuser avec un modèle de base en optant pour les paramétrages dont je parlais plus tôt et en réduisant l’antipatinage au niveau 3. Je pourrais rouler comme ça pendant des heures et des heures…

Exception faite du peu de protection contre le vent, la 1290 SDR offre pratiquement tout ce dont vous pouvez avoir besoin sur un circuit technique et très rapide. Le couple et la puissance sont solides et ils augmentent progressivement avec le régime, le feedback en virage est bon et les changements de vitesse sont faciles. La machine semble préférer qu’on maintienne la puissance sur la roue arrière en milieu de virage, surtout dans les courbes rapides : plus je tordais la poignée, plus elle voulait tourner. Grâce à la puissance et à la souplesse du moteur, on pouvait choisir entre deux rapports pour négocier la plupart des virages; en optant pour le plus élevé, on économise l’énergie du pilote tout en réduisant le soulèvement de la roue avant.

J’ai peu de critiques à formuler. L’une d’elles concerne mon nez encore endolori par la pression de mon casque vu l’absence de protection contre le vent… Soulignons aussi qu’il y a seulement trois circuits au Canada où l’on peut vraiment exploiter le potentiel de la SDR. Le travail des aides au pilotage est clairement perceptible au lieu d’être fluide et discret. Aucune des motos que nous avons essayées n’était munie exclusivement des configurations de série; je crois que la plupart des configurations électroniques optionnelles devraient être déjà incorporées dans les machines de base. Et finalement, je ne suis pas sûr que les ex-coureurs pourront facilement éviter de se faire arrêter pour cause d’élans d’enthousiasme incontrôlables…

Ce qui rend cette moto hautes performances unique, c’est qu’elle a été conçue comme une moto de route avec tous les éléments de confort pour en faire une excellente machine de tous les jours.


Survol des principales nouveautés techniques

La 1290 Super Duke R 2020 a perdu près de 6 kg et gagné 3 ch tout en devenant plus performante sur la route et sur la piste. Voyons comment KTM s’y est prise pour améliorer un des meilleurs – sinon le meilleur – roadsters de grosse cylindrée au monde.

Précisons d’abord que cette troisième génération a été revue en profondeur puisque plus de 90 % des pièces sont nouvelles. Les composantes conservées sont essentiellement au niveau du vilebrequin, des bielles et des ensembles cylindre et culasse. KTM ajoute également qu’aucun des changements visant à améliorer les performances en piste ne devait avoir un effet négatif sur le comportement routier.

Moteur et alimentation

Les carters moteur ont été redessinés de façon à déplacer le centre de gravité, améliorer la rigidité et accueillir un pivot de tringlerie de l’amortisseur arrière. L’embrayage anti-sautillement et la transmission ont été améliorés tout en affichant une réduction de poids de près de 800 gr. Les tolérances ont été resserrées pour augmenter la puissance et améliorer le contrôle des émissions. Les doubles bougies à allumage décalé sont alimentées par des bobines plus performantes.

Le système d’admission d’air à haute vitesse à deux prises a été remplacé par une prise unique située entre les deux moitiés du phare à DEL, et l’air est dirigé vers un boîtier d’admission plus gros (2,8 litres). Deux injecteurs supplémentaires ont été disposés dans les conduits admissions redessinés afin de mieux contrôler le mélange air-essence et de répondre aux normes EU4. Ces changements contribuent à livrer le surplus de puissance à haute vitesse dont je parlais dans le texte principal. Le système d’échappement redessiné permet de sauver près de 2 kg même avec les deux convertisseurs catalytiques.

Châssis

Les carters moteur et le cadre en treillis améliorés ont permis de tripler la rigidité en torsion selon KTM, tout en réduisant le poids de 2 kg. Le bras oscillant est maintenant relié à une tringlerie et il est 15 % plus rigide. Cet aménagement permet d’utiliser un amortisseur à plus longue course et de mieux contrôler les paramètres d’amortissement afin d’améliorer le feedback en milieu de virage et de faciliter les transitions droite-gauche.

L’amortisseur WP APEX, avec circuits séparés pour l’amortissement en compression et en détente, est muni d’une molette d’ajustement de la précontrainte du ressort. Un des poteaux de fourche permet de contrôler l’amortissement en compression, l’autre en détente. La cartouche de la fourche est maintenant de 34 mm. La plupart des ajustements de suspension se font facilement avec des molettes. KTM est propriétaire de WP Suspension.

Dispositifs électroniques

ABS sensible à l’angle d’inclinaison, contrôle des wheelies, départ canon, réponse de l’accélérateur, pression des pneus, régulateur de vitesse, navigation GPS, intégration avec les téléphones intelligents, etc.. L’antipatinage permet maintenant de gérer le déplacement latéral de la roue arrière. Les ajustements sont faciles à faire grâce à l’écran TFT de 5 po et aux gros boutons de contrôle au guidon, qui permettent également de changer les ajustements en roulant.


Des Canadiens qui gravissent les échelons chez KTM

KTM apprécie les Canadiens, on dirait! Notre première étoile est Tom Etherington, ancien directeur des ventes pour le Canada. Il travaille maintenant au siège social des États-Unis en tant que vice-président aux ventes pour KTM Amérique du Nord. Je me souviens qu’il courait sur des OW01 en classe pro pendant que je grimpais les rangs chez les amateurs. Je me souviens également qu’il hébergeait les KTM destinées à la presse dans son garage en Ontario. Un véritable professionnel passionné qui sait aussi rouler.

Florian Burguet est l’ancien directeur général de KTM Canada. Il est maintenant vice-président marketing mondial au siège social de KTM en Autriche. Florian est entré chez KTM Canada en 2003 puis il est devenu directeur général en 2010; il a également été vice-président marketing pour l’Amérique du Nord pendant un moment. À son arrivée en Autriche, en 2017, Florian a commencé comme directeur général pour KTM et Husqvarna. Un homme souriant avec une excellente vision d’ensemble.

Claudie Lapointe a travaillé comme spécialiste en marketing pour KTM Canada. Je ne l’ai pas rencontrée personnellement, mais je sais qu’elle a récemment déménagé au siège social autrichien où elle œuvre comme directrice des canaux de communications numériques pour la firme. Peu de temps après être entrée chez KTM, elle a demandé à Florian de définir ses principaux objectifs à atteindre. Florian les a inscrits sur une feuille qu’il a remise à Claudie. Il avait oublié cet événement jusqu’à ce que Claudie revienne le voir, quelques années plus tard, avec la même feuille pour lui proposer de définir une nouvelle série d’objectifs. Une autre étoile canadienne qui a eu droit à une promotion bien méritée.

Très cool.

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