Nous voici rendus à la troisième partie de notre traitement des embrayages. Comme nous l’avions énoncé dans le premier segment de cette série, l’embrayage permet de coupler et découpler le moteur de la boîte de vitesses. Lorsque le couplage est effectué, c’est-à-dire une fois que l’embrayage est en prise, il devient tout aussi simple pour la livrée de mouvement de se faire d’une direction que de l’autre, soit du moteur à la roue arrière ou en sens inverse (comme c’est le cas lorsqu’on relâche les gaz ou descend une pente, par exemple).
Sens unique s.v.p.
Si le transfert de l’énergie de rotation partant du moteur est pratiquement toujours souhaitable (du moins une fois que le pilote a fait le choix conscient de relâcher le levier d’embrayage), on ne peut pas toujours en dire autant lorsque le transfert passe à la direction inverse. Si cela n’était pas particulièrement problématique lorsque la motorisation deux-temps avait la cote dans l’industrie (notamment puisque le deux-temps roule plutôt librement lorsque les gaz sont relâchés), l’arrivée en force des moteurs à quatre temps (notamment les versions à grande cylindrée et à taux de compression élevé) a changé la donne, entre autres en raison de la tendance prononcée de ces moteurs à produire beaucoup de freinage-moteur en décélérant (parfois au point de bloquer la roue arrière). Comme nous l’avons pratiquement tous appris en jeunesse à bord de nos vélos, le blocage de la roue arrière mène presque inévitablement à une perte de contrôle alors que le train arrière perd son adhésion et devient très imprévisible. Donc, afin d’éviter ce phénomène en situations à risque (notamment lorsque la chaussée est glissante ou lors d’une entrée de virages), il est souhaitable de réduire, voire d’éliminer la décélération en compression produite par le moteur.
La nécessité est la mère de l’invention
Connu sous de nombreux qualificatifs (embrayage à glissement, antisautillements, antiblocage, limiteur de couple,…), l’objectif énoncé ci-dessus (soit de réduire ou d’empêcher le freinage en compression) est commun. Comme c’est souvent le cas, la piste de course fut le laboratoire responsable de cette innovation. Plus particulièrement, nous pouvons remercier Honda et sa célèbre coursière NR500 (voir la photo) d’avoir lancé le bal. L’année était 1979 et le géant japonais misait sur un retour en compétition Grand Prix après de nombreuses années d’absence. À la différence de ses concurrents (qui, eux, privilégiaient la motorisation deux-temps), Honda choisit de retourner à la guerre avec une moto à moteur quatre-temps. Conscient que ce choix introduisait un problème lié au blocage de la roue arrière aux entrées de virages, le fabricant développa un embrayage qui découplait la roue arrière du moteur en décélération. Si la carrière de la NR fut de courte durée, celle de l’embrayage antiblocage, elle, ne faisait que débuter.
Aujourd’hui
Si les embrayages à glissement sont rendus une nécessité sur les motos sport, la réalité est que ceux-ci se retrouvent aussi de série sur une foule de motos, y compris des modèles de tourisme et des customs. Si sa capacité à améliorer les entrées de virage est moins mise en valeur sur ces dernières, la capacité de l’embrayage à éliminer le blocage de la roue arrière sur les moteurs à grande cylindrée rend la conduite nettement plus sécuritaire. Ceci est particulièrement vrai sur les motos équipées de gros monocylindres ou de V-twin où le freinage en compression produit par les énormes pistons peut rapidement et facilement surpasser la traction disponible à la roue.
Maintenant que nous sommes familiers avec la raison d’être de ces embrayages, nous examinerons leur fonctionnement dans un prochain article.
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