En manque de courbes?

Par Pierre René de CotretPublié le

Voici un remède infaillible : une escapade sur le Blue Ridge!

Comment décrire le feeling de la traversée du Blue Ridge? Si vous avez déjà fait le parc de la Mauricie, multipliez par 100. Si vous avez déjà roulé dans les montagnes italiennes, on s’approche pas mal… Chose certaine, c’est la longue route sport et panoramique la plus extraordinaire à distance raisonnable du Québec.

Ce qui rend le Blue Ridge si unique, même par rapport aux Alpes ou aux belles routes d’Europe, c’est qu’il vous permet de rouler de façon ininterrompue, pendant près de 1000 km, presque uniquement sur des routes sinueuses, très sinueuses même! Et pendant tout ce temps, vous ne traverserez pratiquement aucune ville. La route, toujours la route. Et des paysages magnifiques.

Le Blue Ridge Parkway est passablement connu, mais il est aussi précédé par les 160 km du Skyline Drive. Le Skyline commence à Front Royal, en Virginie. Pour s’y rendre, il faut compter environ 1000 km à partir de Montréal. Le trajet se fait facilement en deux jours par les autoroutes, mais vous pouvez également prendre les belles petites routes du Vermont et de l’État de New York si vous avez le temps.

Le Blue Ridge et le Skyline sont deux routes tracées dans les Appalaches à des fins uniquement panoramiques. Elles ne jouent aucun rôle utilitaire, elles contournent les villes et les villages, et les camions sont interdits. La route serpente souvent sur une crête étroite avec des points de vue alternativement sur la droite et sur la gauche. Spectaculaire! Pour manger ou dormir, il faut généralement sortir de ce chemin exceptionnel pour atteindre les villes ou villages environnants.

Au total, ça donne près de 1000 km de plaisir en perspective. Et 2000 si vous revenez par le même chemin! C’est d’ailleurs ce que je vous recommande puisque le trajet dans l’autre sens est tout aussi fascinant.

Sur le Skyline, et surtout sur le Blue Ridge, il y a d’innombrables courbes à 180 degrés (et même un peu plus!). Ces longs virages en épingle sont extraordinaires parce qu’ils vous permettent de demeurer penché très longtemps, parfois jusqu’à une quinzaine de secondes. Pensez-y, 15 secondes avec l’univers à 45 degrés, ça paraît délicieusement long. Puis tout de suite après vient un autre virage, et un autre, et un autre encore… C’est comme le paradis…

Un autre avantage particulièrement intéressant de ces longues courbes, c’est qu’elles durent assez longtemps pour que vous puissiez accélérer graduellement pendant que vous les négociez, et donc faire graduellement incliner votre moto de plus en plus. Vous entrez pépère dans une courbe et quand vous ressortez, vous êtes surpris par l’angle que vous avez réussi à atteindre. Et au bout de quelques centaines de courbes, oups, votre botte ou votre repose-pied effleurent le sol sans que vous ayez jamais eu l’impression de rouler en fou. C’est une façon magnifique et tout en douceur de perfectionner son pilotage.

La limite de vitesse est de 35 mi/h sur le Skyline Drive, et de 45 mi/h sur le Blue Ridge (55 à 70 km/h environ). Pas très rapide, donc. Et il faut être prudent. Lors de ma dernière randonnée, j’ai croisé un ourson, des chevreuils, plusieurs dindons sauvages, et quelques policiers (je ne me suis jamais fait arrêter). Mieux vaut donc rouler à vitesse raisonnable dans les sections droites, ce qui permet d’admirer la succession de panoramas absolument magnifiques, et réserver les sensations de conduite aux virages. Il y a en des milliers, littéralement! Avec ma BMW R1100 GS (1999), j’avais aussi tendance à souvent rouler en quatrième plutôt qu’en troisième vitesse. Ainsi, le moteur tourne plus lentement, ce qui renforce la sensation de fluidité tout en réduisant le bruit. Cela permet aussi de rouler à bonne vitesse de façon plus discrète et sans faire sursauter les cyclistes et les autres usagers de la route et du parc.

En parcourant le Sky Line Drive et le Blue Ridge Parkway, vous n’aurez pratiquement aucune navigation à faire pendant des jours et des jours. Normalement en moto, même avec un GPS, il faut toujours suivre la carte et être attentif pour ne pas perdre son chemin, prendre la bonne sortie, tourner à la bonne intersection, etc. Ici il n’y a qu’une route à suivre et les indications sont claires. On ne se pose pas de questions, et on ne se perd jamais pendant au moins une semaine! Extrêmement reposant!

Le timing pour faire le Blue Ridge est extrêmement important. J’y suis allé à la mi-septembre, AVANT la période des feuilles colorées, et il y avait étonnamment peu de trafic. Les jours de semaine, je n’avais généralement qu’une dizaine d’automobiles à dépasser par jour, ce qui est vraiment très peu. Au milieu de la saison des couleurs, la circulation devient très dense et les haltes sont encombrées.

En réalité, cette route est si belle et les courbes sont si invitantes que, si vous avez le moindrement un tempérament de pilote sportif, le trafic excessif vous rendrait complètement fru, à tel point que la randonnée perdrait une bonne partie de son intérêt.

Et de toute façon, même si vous y allez de manière plus contemplative, pendant tout le temps que vous suivrez de près un Winnebago qui pue le diesel dans l’espoir de le dépasser, vous n’aurez pas de fun. Et quand vous aurez finalement réussi à le dépasser, vous n’arrêterez pas à la magnifique halte routière qui suit un ou deux kilomètres plus loin. Non monsieur. Non madame. Parce que vous savez que si vous arrêtez, vous allez encore être pris pour suivre et dépasser le !@#$%?&?%$# de Winnebago…

Bref, le fait de rouler dans une période sans trafic est extrêmement précieux.

Le Blue Ridge se termine à Cherokee, en Caroline du Nord, mais des motocyclistes rencontrés en route m’avaient suggéré de plutôt arrêter une trentaine de kilomètres avant, à Maggie Valley. Bonne idée! Cherokee fait très « trappe à touriste » tandis que Maggie Valley est une petite ville sympathique avec beaucoup de motels et beaucoup de motocyclistes devant les portes. En plus, il y a un immense et agréablement bordélique musée de motos qui vaut vraiment le détour, appelé Wheels Through Time. Ici, au bout du Blue Ridge, on commence à se sentir de plus en plus « dans le Sud » : le climat est plus chaud, les gens sont relax, la végétation est luxuriante.

À partir de Maggie Valley, il y a encore de très belles promenades à faire, dont la boucle du Cherohala Skyway, tout aussi magnifique et sportive que le Blue Ridge. Pour m’y rendre, je suis passé par la très célèbre route Tail of the Dragon et ses 318 courbes sur 11 milles. Boutique de souvenirs et immense stationnement pour motos en bas. C’est effectivement une route très sportive, et en m’arrêtant à mi-chemin pour examiner la portion noircie sur le côté de la bande de roulements des pneus, je peux confirmer que j’ai incliné ma machine comme rarement auparavant. Faut croire que les 1000 km de courbes accumulées au cours des jours précédents avaient fait leur œuvre…

Pour revenir, j’ai fait exactement le même chemin en sens inverse et la route était tout aussi belle et enivrante. De plus, la recherche des motels et restaurants se trouvait simplifiée par le fait que j’étais passé quelques jours plus tôt. En tout, j’ai été sur la route pendant 14 jours et j’ai parcouru près de 5000 km.

En roulant, je me disais souvent que c’était comme si je faisais du ski alpin dans la poudreuse, mais sans le froid… Ou comme si je volais comme on vole dans les rêves… Le plaisir à l’état pur.

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One thought on “En manque de courbes?

  1. Bien d’accord pour endosser ton propos. Magnifique. En 2015 je l’ai fait. Mon seul regret est d’avoir entendu parler de cette ”trail” il y a environ 10 ans et d’avoir eu 60 ans avant de la découvrir. Je compte y retourner avant d’être vieux!

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