Yamaha Tracer GT 2019: Moto de tourisme ou d’aventure?

Par David BoothPublié le

Une très bonne machine en tout cas

Moto de tourisme ou moto de tourisme d’aventure? La question peut sembler académique, mais elle est intéressante. Alors suivez-moi quelques minutes dans mon raisonnement, svp!

On pourrait dire que les motos de tourisme d’aventure sont les VUS du motocyclisme. Ce sont des machines fonctionnelles, conçues pour tout faire, théoriquement capables d’aller partout et de rouler sur tous les terrains en toutes circonstances.

Si vous êtes à peu près d’accord avec moi jusqu’ici, la prochaine question qui se pose, c’est : quels sont au juste les attributs qui font qu’une moto de tourisme devient une moto de tourisme d’aventure? Dans le domaine des voitures, on voit bien que la gamme de véhicules qui portent l’appellation de VUS est extrêmement large : elle s’étire de l’Audi Allroad (une station wagon à quatre roues motrices, en fin de compte) jusqu’au Jeep Wrangler (amenez-en d’la garnotte). Qu’en est-il dans le cas des motos? Qu’est-ce qui définit une moto de tourisme d’aventure?

La capacité à performer hors route n’est certainement pas un critère. La BMW S1000XR et les premières Multistrada de Ducati ont fini d’enterrer cette lubie pour de bon. La légèreté, alors? La R1200 GS de BMW pèse 244 kg – c’est très lourd – et la nouvelle 1250 devrait afficher 5 kg supplémentaires en raison de son système de calage variable des soupapes. Au passage, déboulonnons un autre mythe, à savoir que les machines de tourisme d’aventure sont plus légères que la déclinaison sport équivalente : la version RS de la R1200 pèse 8 kg de moins que la GS… La simplicité technique? Avez-vous roulé sur une Triumph Explorer 1200 dernièrement?

Le look hors route des motos d’aventure est probablement un argument plus solide. Ce créneau est en expansion constante, mais la plupart des modèles affichent encore, au moins en partie, un ADN visuel de machine hors route. Il y a toutefois des exceptions. Visuellement, la BMW S1000XR n’a absolument rien à voir avec une moto hors route. Quant à la Duke, à moins de la chausser avec des pneus à crampons, je vous défie de trouver une ressemblance quelconque avec une Honda CRF. Même la Multistrada n’a conservé aucun air de famille avec la Ducati 450 RT.

Après avoir jonglé avec toutes ces réflexions afin de définir ce segment, celui qui connaît la plus forte croissance dans notre univers motocycliste, j’en suis venu à la conclusion que ce n’était pas le look hors route qui définissait les motos d’aventure, mais plutôt la position de conduite hors route. Même la XR de BMW, qui nous a servi de contre-exemple à deux reprises, répond à cette définition. Son pilote est assis bien droit, avec les mains posées sur un guidon large de type motocross, et les repose-pieds sont en position neutre par rapport au reste du corps. J’ai même poussé le raisonnement plus loin : je me suis dit qu’il fallait se lever sur les repose-pieds en conduisant pour faire une dernière validation. Si vous avez l’impression d’être au guidon d’une moto hors route (trop lourde), que vous voyez un pare-brise à l’avant et des sacoches rigides de chaque côté, alors vous êtes sur une moto de tourisme d’aventure!

Je me pensais brillant avec mon raisonnement et ma puissante définition. Jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’elle inclut aussi la nouvelle Tracer GT de Yamaha… Quand je m’assois sur la GT, je me sens exactement comme sur ma vieille V-Strom (mis à part le fait que la selle est un peu trop inclinée vers l’avant). En position debout, je suis tellement à l’aise que je me sentirais presque d’attaque pour traverser le Sahara (si elle ne pesait pas 227 kg et si elle n’était pas munie d’un pneu avant de format sport, 120/70ZR17).

Par contre, comme on peut le voir sur les photos, la Tracer GT échoue à pratiquement tous les autres critères. Son style n’évoque même pas de façon lointaine celui d’une moto hors route, je n’oserais pas aller sur la pelouse mouillée avec les pneus d’origine, et le débattement de la suspension avant fait à peine 137 mm (moins de 5,5 po). Et pourtant, à l’instar des pseudo VUS dont les compétences hors route sont pratiquement nulles, la Tracer GT projette une image de polyvalence semblable à celle qui a rendu les motos d’aventure si populaires.

Donc, comme je le disais plus tôt, la position de conduite de la Tracer est tout à fait dans la veine des V-Strom et Africa Twin de ce monde, bien que le guidon soit un peu moins large. Ce qui veut dire qu’elle est beaucoup plus confortable que bien des machines de tourisme sportif qui font la fortune des chiropraticiens. En remplaçant la selle d’origine par une Sargent, par exemple, votre entrejambe ne se retrouverait plus coincé contre le réservoir, et vous pourriez probablement faire des journées de 500 km sur cette machine. La hauteur de la selle est ajustable, de 850 à 865 mm. En position élevée, je pouvais mettre les pieds bien au sol (je mesure 5 pi 11 po).

Un bémol côté confort : la protection contre le vent. Le pare-brise d’origine (ajustable) est assez petit et dans sa position la plus élevée, il ne fait que générer un surplus de turbulences, en ajoutant peu de protection. Si vous êtes à l’aise avec une protection aérodynamique du type de celle d’une Honda VFR, vous n’aurez pas à vous plaindre. Mais sachez que vous n’obtiendrez pas la bulle de calme que semble suggérer la position de conduite. Vous pourriez opter pour le pare-brise de tourisme plus élevé proposé par Yamaha, mais vous y perdrez sans doute pas mal côté look. Cela dit, la Tracer GT est notamment conçue pour les escapades touristiques de courte durée et elle s’avère très confortable en pareils cas.

On a beaucoup vanté, et avec raison, le tricylindre de 847 cc de Yamaha avec vilebrequin à disposition cruciforme des manetons. Il est doux en tout temps, mais il peut se montrer très énergique quand on tord la poignée, ce qui produit une musique qui ressemble un peu à celle de ma vieille Laverda RGS Jota. Ce moteur n’est pas aussi sauvage ou enivrant que celui de l’italienne, mais il garde un petit côté rebelle qui le distingue des quatre cylindres japonais habituels. À bas régimes, il n’a pas le couple intense de ma vieille RGS (surtout que je l’ai fait passer à 1116 cc…), mais à partir de 4000 tr/min, il commence à tirer très fort et la puissance grimpe ensuite jusqu’à 115 ch, ce qui est amplement suffisant pour ce genre de moto. À 120 km/h, le moteur tourne calmement à seulement 5000 tr/min. La transmission est très fluide et la GT est livrée avec un dispositif quickshift.

Par rapport à la Tracer tout court, la GT a également droit à de petites modifications bien ciblées côté suspension. L’amortissement en compression de la fourche KYB inversée de 41 mm estmaintenant ajustable. Et surtout, la précharge du ressort arrière est désormais ajustable sans outil, ce qui est très pratique quand on ajoute des bagages ou qu’on prend un passager.

Le calibrage de la suspension convient tout à fait au concept de tourisme d’aventure. J’ai vérifié et les données techniques des ressorts de la fourche de la GT sont presque identiques à celles d’une V-Strom 1000 2018. À l’arrière, c’est encore mieux : l’amortissement est assez ferme pour prendre un passager tout en étant assez souple pour livrer un roulement confortable sur les routes défoncées. En fait, la Tracer GT est l’un des rares modèles à prix (raisonnablement) abordable qui ne risque pas de vous obliger à remplacer l’amortisseur pour rouler avec un passager ou des bagages.

En faisant passer cette machine de FJ-09 à Tracer, Yamaha a ajouté 60 mm à l’empattement, pour une mesure finale de 1500 mm (59,1 po). Même s’il s’agit là d’un empattement plutôt long, la GT est étonnamment agile dans lesenfilades de virages serrés. Cela s’explique notamment par son poids relativement léger pour une moto équipée de sacoches latérales (227 kg) et son angle de fourche de 24 degrés.

Je ne suis pas aussi emballé par toutes les particularités de la GT par rapport au modèle de base. Ma principale critique concerne l’écran TFT. Cet écran présente énormément d’informations et il est assez lumineux pour demeurer bien lisible même en plein soleil. Par contre, en présentant autant d’informations dans un petit écran (exactement le même format que celui d’un iPhone 5), on se retrouve avec un lettrage si petit qu’il devient illisible à moins d’avoir une vision absolument parfaite. Au final, le tableau de bord de la Tracer de base s’avère plus utile.

J’ai aussi des réserves par rapport aux valises. Elles sont minces, élégantes et de couleur coordonnée, ce qui fait qu’elles s’intègrent très harmonieusement à la moto. De plus, lorsqu’on les enlève, les supports sont très peu visibles. Les lignes demeurent donc épurées, ce qui devrait notamment plaire aux plus jeunes acheteurs du groupe ciblé par Yamaha, soit les 30 à 55 ans.

Le problème, c’est que ces valises sont passablement petites pour un véritable usage de tourisme : seulement 22 litres chacune. Votre blonde ne pourra pas apporter ses escarpins Louboutin pour les sorties en ville, c’est sûr. Et les couvercles, très semblables à ceux des valises de Suzuki, sont parfois un peu difficiles à fermer.

Ce qui rend ces bémols plus difficiles à accepter, c’est le prix établi par Yamaha Canada pour ses valises. Si vous jetez un coup d’œil au catalogue d’accessoires de la Tracer de base, vous les trouverez, offertes en option, à 1670 $. Plus loin dans ce même catalogue, on trouve aussi les Shad SH36, plus grosses et plus costaudes, à 716,95 $. En fait, vous pouvez commander, directement de chez Yamaha Canada, une paire de valises latérales Shad avec le kit de montage, plus l’excellente valise centrale extensible SH58X, pour à peu près le même prix que les deux petites valises de la GT… Avec ce trio de valises Shad, vous obtenez une capacité de chargement impressionnante de 130 litres, versus 44 litres pour les valises de la Yamaha.

Somme toute, je n’hésite pas à recommander chaudement la Tracer aux motocyclistes qui recherchent une machine de tourisme de format moyen. Mais je n’arrive pas à être aussi affirmatif quant à la déclinaison à privilégier. Si vous recherchez une moto de tourisme léger, toute prête à partir à l’aventure, avec une excellente tenue de route, quelques caractéristiques high-tech et une paire d’élégantes (mais petites) valises rigides, allez-y pour la GT, à 14 559 $.

Mais si vous voulez gagner de l’espace de chargement et êtes prêt à investir un peu de votre temps, vous pourriez acheter la Tracer de base et utiliser les quelque 2600 $ économisés pour acheter une paire de valises Shad et leur quincaillerie de montage. Il vous resterait ensuite assez d’argent pour acheter un amortisseur arrière de première qualité, et probablement même une valise centrale Shad ou des poignées chauffantes. En ma qualité de bricoleur économe, je crois que c’est ce que je ferais personnellement. Avec cette approche, toutefois, on perd le dispositif quickshift de la GT (non indispensable), l’écran TFT (moins pratique à mon avis) et le régulateur de vitesse (c’est ce qui me manquerait le plus).

Donc, oui, allez-y pour la Yamaha Tracer! Et je vous laisse décider si vous préférez le modèle tout équipé mais plus cher, ou si vous voulez créer votre propre machine sur mesure.

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