BMW R nineT Racer : QUAND LE « LOOK » PRIME

Par David BoothPublié le

Il y a un prix à payer pour tant de beauté
Qu’êtes-vous prêt à sacrifier pour posséder une œuvre d’art ? C’est la question que semble poser la BMW R nineT Racer à tous ses acheteurs potentiels.
La plus récente déclinaison rétro de la gamme R nineT est indubitablement une création artistique. Elle est plus impressionnante encore que certains modèles de Ducati qui reprenaient des modèles plus anciens, comme la MH900e Mike Hailwood replica ou la GT1000. La R nineT Racer vous ramène directement à l’ambiance des années 1970, quand les Rock & Rollers s’adonnaient aux drogues plutôt qu’au yoga, et que les motos sport étaient par définition capricieuses et inconfortables (pensez à la Ducati 750 SS ou à la Laverda Jota 1000, par exemple).

Et ça marche. Les passants, amateurs de motos ou non, sont impressionnés. Si on fait exception de la Ducati 916 originale, cette BMW est la machine sport qui attire le plus de commentaires positifs des observateurs. Des admirateurs m’ont même fait de grands signes pour m’inviter à arrêter afin de l’examiner de plus près. Si vous la stationnez devant la terrasse d’un café, vous deviendrez instantanément ­populaire, autant auprès des motocyclistes que des non-motocyclistes.
Quel est le prix à payer pour cette œuvre d’art, alors ?

Le problème n’est certainement pas du côté des performances. La Racer est loin d’être une moto supersport, mais son bicylindre à plat de 1170 cc, refroidi à l’air, est énergique avec ses 110 ch annoncés, son couple solide à bas régime, et son couple maximal de 86 lb-pi à 6000 tr/min.

Cette machine ne manque pas de caractère non plus. Le bicylindre original de BMW remonte à 1921. Bien sûr, il a énormément évolué depuis, mais il conserve un petit côté primaire qui donne la sensation d’être sur une « vraie » moto. De plus, l’échappement aux courbes réussies émet une musique qui renforce l’effet de voyage dans le temps si populaire depuis quelques années.

Le châssis n’est pas véritablement un facteur limitant non plus. Les amateurs avisés remarqueront que même si la Racer se veut le modèle plus sportif de la gamme R nineT, c’est celui qui est doté de la suspension la moins sophistiquée. À l’avant, on retrouve une fourche conventionnelle de 43 mm, non ajustable, alors que les autres déclinaisons sont munies de fourches inversées. Mais en pratique, on ne le remarque pas vraiment. La Racer est une grosse bête avec son empattement de 1491 mm. De plus, son poids (220 kg tous pleins faits) est trop élevé par une marge d’au moins 20 ou 30 kg pour afficher de véritables prétentions de « racer ». Une suspension Öhlins haut de gamme ne serait donc pas nécessairement à sa place. Cela étant dit, la Racer tient étonnamment bien la route. Il faut un certain effort pour l’inscrire en virage, mais une fois qu’elle y est, elle file de façon imperturbable. Malgré son look, cette moto n’est pas faite pour les circuits de course, mais avec sa stabilité et son comportement sain, elle est très agréable à piloter avec entrain sur les routes sinueuses.

Côté équipement, on ne peut pas se plaindre non plus. Bon, d’accord, les étriers avant ne sont pas à montage radial, mais ce sont tout de même des Brembo à quatre pistons, et l’ABS est livré de série. De plus, comme la plupart des béhèmes, la Racer peut être livrée avec poignées chauffantes (toujours très utiles) et système antipatinage (pas indispensable). Vous pouvez même opter pour des roues à rayons si vous voulez pousser le concept rétro encore plus loin. Au poste de pilotage, on remarque la présence d’un véritable compte-tours (contrairement aux Pure et Urban GS). Et bien sûr, le petit carénage bikini joue un rôle important pour compléter le clin d’œil aux années 1970.

Alors, que doit-on sacrifier pour piloter cette œuvre d’art roulante ?

Le confort. Il est pratiquement inexistant. Le problème ne vient pas du roulement (la suspension offre une souplesse plus qu’acceptable) ni de la selle (acceptable, elle aussi). Non, c’est la position de conduite qui mine le confort. Depuis la Ducati 750 SS, aucun manufacturier n’avait créé une moto qui exige autant de contorsions de la part de son pilote. Même la Ducati 916, pourtant passablement décriée à cet égard, était beaucoup plus accueillante.

Le guidon bracelet est très bas, mais surtout, il est extrêmement avancé. On se retrouve ainsi avec un résultat complètement à l’opposé de la position de conduite compacte des motos sport modernes (même celles avec guidon bracelet). De plus, l’espace très serré entre la selle et les repose-pieds peut vite devenir exigeant pour l’entrejambe. À vitesse plus élevée, la pression de l’air allège un peu la pression sur les poignets, mais elle n’aide en rien à améliorer le confort par ailleurs. Parmi nos essayeurs, la personne qui a semblé le plus à l’aise sur la Racer est un ami qui mesure 6 pi 6 po. Avec ses longs bras, il pouvait atteindre le guidon plus facilement que moi. Mais avec ses grandes jambes, il devait se recroqueviller terriblement sur les repose-pieds. En d’autres termes, la R nineT Racer est parfaite pour ceux qui veulent faire des sorties de 30 minutes ou moins pour se rendre au café branché/pub à la mode/kiosque à poutine du coin pour épater la galerie le vendredi soir.

Cela dit, il ne s’agit pas là d’une critique ­terminale. Dans le monde du motocyclisme, il y a toujours eu amplement de place pour les bijoux sur roue. Les Harley V-Rod (et les autres machines avec repose-pieds extrêmement avancés) et les chopper avec guidon gorille sont tout aussi difficiles pour les lombaires inférieures. Le manque de confort n’a pas empêché la 916 d’être convoitée. Et les « café racer » assemblés à partir de cruisers japonais des années 80 que pilotent certains hipsters semblent être passablement inconfortables aussi.

Soulignons en terminant que la R nineT Racer n’est pas une moto dispendieuse : 14 150 $. BMW a su réaliser des économies judicieusement sélectionnées. C’est le cas par exemple de la fourche conventionnelle dont nous avons parlé plus tôt, et du réservoir en acier plutôt qu’en aluminium. Résultat : la Racer est le deuxième modèle le plus économique de la gamme Heritage, en constante expansion, du constructeur bavarois. Somme toute, cette moto a su réaliser une combinaison enviable : forte présence BMW, allure particulièrement réussie et prix étonnamment raisonnable. Ces trois atouts devraient faire le bonheur de ceux qui recherchent un bijou sur deux roues. À condition qu’ils comprennent que c’est un bijou qui se porte seulement 30 minutes à la fois.

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