Par Dean Hadd, Waterloo
Mon père a toujours eu des motos, alors j’ai eu ma première à un jeune âge. J’ai toujours aimé voyager en moto. Moi et ma conjointe Sylvie avons roulé à travers le Canada. J’ai acheté une Triumph Trophy 1997 en 2006, sur laquelle nous avons parcouru presque toutes les routes pavées du Québec et fait plusieurs voyages dans les Maritimes. À 183 739 km, le 27 juillet 2015, ma Triumph connaîtra une fin tragique.
À une intersection en T, non loin de chez moi, un camion 10 roues ne m’a pas vu et m’a coupé la voie. J’ai eu le temps de freiner un peu et d’avoir quelques pensées : je vais le frapper! ça va faire mal! rien ne sera plus pareil! Le côté droit de la moto a happé le pare-choc du camion. « Une chance que nous n’allions pas vite! » me suis-je dit, avant de perdre connaissance.
Je me suis réveillé quelques heures plus tard au CHU de Sherbrooke. J’avais la jambe droite amputée au-dessus du genou. Après 12 jours à l’hôpital et quelques autres à la maison, je suis allé au Centre de réadaptation de Saint-Hyacinthe. Là, j’ai rencontré mon équipe, le Dr Desbiens, le Dr Chicoine, Annabelle, Fannie et les techniciens Rémy, Cathy, Anne-Marie et Nancy. Après 18 mois j’avais eu plus de 350 rendez-vous et passé de nombreuses heures avec les techniciens. Après seulement quelques mois de thérapie, ils avaient décidé que je serais un bon candidat pour une prothèse hydraulique avec ordinateur et microprocesseur. Sur YouTube j’ai vu quelqu’un faire de la moto avec une prothèse semblable et j’étais déterminé à faire de même. Au Québec, personne avec une amputation fémorale n’avait reçu de permis pour un deux roues. Il fallait passer un examen spécial, personne ne sachant si c’était possible de le réussir.
Après de longs mois de réadaptation et d’attente, j’ai reçu ma prothèse électronique. Pour m’entraîner, j’ai acheté une Kawasaki EX 500 1992. Légère, basse de terre, et facile à manœuvrer. Je m’entraînais tous les jours, mais seulement 15 minutes à la fois, car je ressentais beaucoup de douleur. Après trois semaines à circuler autour de la maison et dans un cul-de-sac en gravier, j’avais accumulé presque 500 km. J’étais prêt à faire l’examen à l’Institut Constance-Lethbridge, à Montréal, le seul endroit au Québec à faire passer ce genre de test.
Le jour de l’examen arrive, j’étais très nerveux. Je ne savais pas à quoi m’attendre. La première partie se fait à l’intérieur, à basse vitesse et arrêté. J’ai rapidement compris que ce serait plus difficile que prévu. Plusieurs manœuvres compliquées, faire tomber la moto et faire des freinages de l’arrière en mettant seulement le pied avec prothèse par terre. Ce fut les pires deux heures que j’ai passé en moto. Quand est venu le temps d’aller à l’extérieur, il grêlait. Ils ont dû annuler et je n’avais jamais été aussi content.
Chez moi, pour augmenter ma confiance, j’ai installé deux roues de sécurité qui empêchent la moto de tomber par terre, un peu comme la moto utilisée lors de l’examen. Après encore 500 km d’entraînement, je me suis beaucoup amélioré. Mais deux jours avant mon examen, je suis tombé à la maison et c’était impossible de me présenter. Après une semaine en béquille, j’ai repris l’entraînement et deux semaines plus tard, j’étais prêt pour le grand jour. Cette fois j’étais moins nerveux. Je savais à quoi m’attendre, j’étais confiant. Après une vingtaine de minutes à l’intérieur et aucune erreur, c’était le temps pour l’examen extérieur. Une autre demi-douzaine de manœuvres sans aucun problème. Un an et six semaines après mon accident, je suis devenu le premier amputé fémoral au Québec à recevoir un permis pour un deux roues.
Plusieurs choses ne sont pas pareilles, mais il y en a qui n’ont pas changé. Deux semaines plus tard, j’ai acheté une Triumph Tiger 2016.