J’aime bien les revues de fin d’année, que ce soit le Bye Bye, Infoman ou encore le décompte des accidents reliés à la moto durant les 12 derniers mois. Si les deux premiers servent surtout à nous divertir ou encore à nous faire rire (souvent jaune) face à la bêtise de nos politiciens et personnalités publiques, le troisième m’amène souvent une réflexion, et toujours un moment de recueillement en pensant aux amis ou connaissances décédés au fil des ans depuis que je fais de la moto. Avec des titres sensationnalistes comme : « Hécatombe en moto », « Nombre élevé de décès en moto », et, de mon avis, le plus biaisé : « Le bilan des motocyclistes décédés est loin d’être réjouissant encore une fois cette année au Québec », je me demande toujours quel est le but de tels titres.
L’an dernier, 50 motocyclistes ont trouvé la mort sur les routes du Québec. C’est 50 de trop. Au-delà des statistiques, il s’agit de pères, frères, fils, mères, sœurs, filles qui partageaient tous la même passion que nous : rouler sur deux roues. Mais aux yeux des friands des chiffres, ils ne constituent qu’un nombre : 50. On a beau nous le rappeler à la radio, à la télé, dans les journaux et maintenant dans les médias sociaux, pratiquer le motocyclisme est une activité qui comporte certains risques, nous le savons et vivons avec. Mais étant donné que nous vivons dans une société de plus en plus calfeutrée dans la ouate qui cherche à se protéger de tout en se vaccinant, en diminuant les limites de vitesse et en nous culpabilisant pour tout ce qui est amusant, nous, motocyclistes, constituons une bande d’irréductibles qui roulent à contre-courant.
Quoi de mieux pour décourager les gens qui pratiquent une activité à risque qu’une bonne dose de statistiques terrifiantes? Le martèlement du nombre de décès dus à la vitesse, à l’alcool au volant ou encore au tabagisme a fait son œuvre. Oui, les 50 décès constituent un nombre non négligeable, mais dans quelle perspective devons-nous le percevoir? Selon Statistique Canada, il y avait 204 762 motos et cyclomoteurs immatriculés au Québec en 2015 (les chiffres de 2016 n’étant pas encore disponibles). Donc « seulement » 50 sur 204 762 immatriculations, ce n’est pas énorme en termes de statistiques, mais le chiffre 50 reste impressionnant au niveau sensationnalisme.
Autre fait intéressant de ce bilan 2016, je me situe dans la tranche d’âge la plus représentée, celle des 40-59 ans, et ce, pour encore plus de 10 ans! En fait, je crois avoir toujours fait partie du groupe le plus représenté dans ces statistiques, et vous, lecteurs de Moto Journal, qui me ressemblez beaucoup si je me fie au nombre de lecteurs qui viennent me jaser au Salon de la moto, en faites partie également. Normal, direz-vous, nous avons débuté dans le monde de la moto il y a de ça trois décennies et constituions à l’époque le groupe le plus représenté dans les accidents. Si nous roulons encore aujourd’hui et sommes encore le groupe le plus représenté, c’est que l’accès au permis moto pour les jeunes est devenu tellement compliqué et coûteux qu’ils passent à autre chose de moins dangereux comme un téléphone cellulaire (qu’ils utilisent en textant au volant avec les conséquences que nous connaissons…) ou encore se tuent à plusieurs dans la même automobile. Étions-nous si terribles dans le temps? En gardant en tête le chiffre 50, je me suis mis à la tâche de retrouver des statistiques remontant justement à mon adolescence et un peu avant. Car avec le sensationnalisme, c’est toujours payant de ne parler que d’une augmentation du nombre de victimes en ne comparant qu’avec les 5 ou 10 dernières années… (le plus bas total de 40 décès fut atteint en 2011 et 2014). Je découvris donc qu’en 1977, il y a de ça 40 ans, 175 488 motos étaient en circulation dans la province. Devinez le nombre de décès. Allez-y, lancez un chiffre… Eh bien non, vous ne l’avez pas… En 1977, 137 motocyclistes perdaient la vie dans la Belle Province. Un sommet fut atteint deux ans plus tard avec 148 morts.
Si nous comparons les chiffres, nous pourrions dire que depuis 1979, nous nous sommes améliorés de près de 34%. La moto moyenne a beaucoup évolué au cours des quarante dernières années, mais le facteur décisif impliqué dans la majorité des accidents, le facteur humain, demeure toujours le point faible de l’équation. Une meilleure formation des motocyclistes (celle obligatoire présentement est loin de l’être, mais c’est beaucoup mieux que rien du tout comme dans le temps), une plus grande conscientisation des autres usagers de la route (lorsqu’on tient le volant, nous devons nous concentrer à cette tâche uniquement), le port des équipements protecteurs à chaque sortie et un meilleur entretien des routes pourraient contribuer à une diminution de ce fameux chiffre 50.