La Trans-America Trail: 7500 kilomètres de poussière, de boue et de roche

Par Moto JournalPublié le

Par Roland David et Sylvain Rioux

Nous sommes deux amis; nous nous connaissons depuis plus de 25 ans et partageons un intérêt commun pour la motocyclette depuis tout ce temps. Notre expérience se limitait toutefois à la moto de route. À la recherche d’un nouveau défi, et après avoir lu sur le sujet, nous avons décidé, à l’automne 2014 (avec un départ prévu à l’été 2016), de nous attaquer à la fameuse Trans-America Trail (TAT); une expédition hors route qui nous ferait traverser les États-Unis d’est en ouest jusqu’à l’océan Pacifique à travers les États du Tennessee, Mississippi, Arkansas, Oklahoma, Colorado, Utah, Nevada, Californie (brièvement) et Oregon.

La TAT est une piste tracée par l’Américain Sam Correro, il y a plus de 20 ans. C’est un sentier de 7500 kilomètres de terre battue, de gravier, de routes forestières, de sentiers de quad, de routes de fermes, d’anciennes voies de chemin de fer avec des sections de boue, de sable épais, de roche et parfois même de neige! C’est l’occasion de traverser le continent par des routes inaccessibles en automobile et de visiter des villages isolés de l’Amérique.

La TAT est parcourue chaque été par quelques centaines de motocyclistes du monde entier, venant des États-Unis, du Canada, d’Europe et même parfois d’Asie!

Le choix des motos
Une fois la décision prise de partir, il nous fallait acheter nos motos hors route, ne possédant que des routières. Après quelques recherches sur les motos utilisées par ceux qui nous avaient précédés dans cette aventure, notre choix s’est arrêté, au printemps 2015, sur la Kawasaki KLR 650. Ses avantages sont nombreux : mécanique simple, motocyclette fiable et robuste, capable de supporter un poids appréciable de bagages, une agilité démontrée sur tous les types de terrains et un réservoir permettant une autonomie de plus de 400 kilomètres. C’est aussi une moto facile à modifier avec une multitude de pièces disponibles sur les marchés secondaires. Un principal désavantage : son poids assez élevé, qui se fait sentir lorsque la route devient plus difficile. Au final, son prix de vente à l’état neuf de moins de 6000 $ en a fait un choix facile!

L’entraînement et le départ
N’ayant jamais fait de motocyclette hors route de notre vie, une question importante subsistait : avions-nous l’étoffe nécessaire à ce défi? En mai 2015, nous avons suivi une formation d’une journée en conduite hors route qui s’est soldée par cinq à six chutes de notre part et par deux côtes fêlées pour Roland! Non découragés, nous avons fait 1000 kilomètres en forêt durant l’été autour du lac Taureau, de la région de La Tuque, de Manawan, de Casey et de Parent. À l’automne 2015, nous nous sentions fin prêts pour cette aventure et impatients de partir enfin l’été suivant.

Le 11 juillet 2016, après avoir parcouru les 1600 kilomètres de route qui nous amènent à notre départ de la TAT à Bakersville en Caroline du Nord, nous voilà enfin en route vers l’océan Pacifique!

Le Tennessee et le Mississippi
Du 11 au 16 juillet, nous traversons d’abord ces États plutôt faciles à parcourir. Il est vrai que sur la TAT, plus l’on va vers l’ouest, plus cela devient difficile. La TAT est à 75% pavée au Tennessee, puis à 50% au Mississippi pour devenir ensuite presque à 100% hors route dans les autres États plus à l’ouest.

Au Tennessee, nous devons traverser à gué cinq rivières dans la même journée, juste après Tellico. Plusieurs motocyclistes tombent et noient leur moto cette journée-là. Au Mississippi, nous faisons un léger détour vers Clarksdale, afin de prendre un verre et d’écouter de la musique au Ground Zero Blues Club, un bar unique par son ancienneté et son décor, et où serait né le blues américain. Un arrêt à ne pas manquer!

L’Arkansas et l’Oklahoma
Le 16 juillet, nous traversons le fleuve Mississippi par le pont de l’US49 et entrons en Arkansas, une étape importante sur le parcours de tous ceux qui font la TAT. Une vingtaine de kilomètres plus loin sur la piste, une pancarte indique « TAT stop and sign in » avec, aux côtés de la piste, un cahier de notes avec les noms de tous ceux qui sont passés avant nous. Cette pancarte et ce cahier ont été installés par Percy, un octogénaire qui voyait plusieurs motocyclistes passer par son village isolé d’Oneida sans comprendre pourquoi, jusqu’au jour où l’un d’eux tomba en panne et lui demanda de l’aide. Nous avons rencontré Percy un peu plus loin au village où il insista pour nous offrir le petit-déjeuner, malgré nos protestations.

Plusieurs problèmes mineurs se présentent les uns après les autres. Tout d’abord, la météo américaine nous annonce une vague de chaleur dangereuse pour la semaine à venir, avec des températures de 42-43 degrés Celsius. Puis, le sable et parfois la boue nous font faire des chutes et nous occasionnent des blessures légères (maux de dos, côtes fêlées, genoux endoloris, etc.).

La poussière en abondance inouïe nous provoque des irritations aux yeux, obstrue les filtres à air des motos, occasionne une panne et nous oblige à de fréquents nettoyages. Un phare en panne, un garde-boue arraché, des protège-mains brisés suivent.

Par contre, la TAT est de plus en plus sauvage et intéressante. Elle disparaît quasiment parfois dans des champs ou seuls nos GPS nous permettent de ne pas la perdre. Tout le long de ces deux États, nous avons croisé des dizaines de chevreuils sur la piste, quelquefois en proche collision et des centaines de lièvres (aucun ne fut frappé par une chance incroyable pour eux)!

Le Colorado
Du 21 au 24 juillet, le Colorado nous a donné droit à une panoplie de conditions de route telles que des forêts accidentées, des montagnes spectaculaires, des plaines avec des pâturages de bisons et de bœufs. Vraiment, c’est l’État où nous nous sommes dit le plus souvent, dans nos casques : « Maudit que c’est beau! »

À quelques reprises, le trajet officiel de la TAT nous a fait passer par des routes privées. Parfois, nous avons dû faire des détours importants afin de respecter le refus des résidents qui ne nous autorisaient pas à passer sur leur propriété. Nous nous souvenons d’une affiche où il était inscrit « NO TRESPASSING » et à côté de celle-ci, une autre affiche de propagande supportant l’élection de Donald Trump. Cette deuxième affiche s’est avérée vraiment convaincante.

Par ailleurs, le Colorado est aussi l’État où nous avons atteint les limites de nos motos et probablement les nôtres. Par exemple, nous devions franchir trois cols, dont l’Engineer Pass, qui fut facile à gravir, mais difficile en descente, car nos freins ont surchauffé les rendant inefficaces. Malgré nos respectifs 35 ans d’expérience de moto, c’était la première fois où nous étions confrontés à une telle difficulté. Nous avons ensuite entrepris le deuxième col, soit l’Imogene Pass. Aux deux tiers de notre ascension, nous nous sommes résignés à l’abandonner et à revenir sur notre chemin. Nos motos étaient trop lourdes pour ce type de terrain.

À ce moment, si quelqu’un nous avait partagé son désir de faire la TAT, nous lui aurions probablement répondu de se trouver un autre projet!

L’Utah
Le 25 juillet, nous entrons en Utah. Quelle merveilleuse sensation que de sortir des montagnes du Colorado le matin et de descendre dans les canyons de l’Utah dans la même journée. Les paysages sont uniques, arides et les routes sont difficiles.

La température a avoisiné les 45 degrés. Nos multiples chutes ont été pénibles. Les conséquences ont été des maux de dos, des genoux fragilisés, des côtes douloureuses et au moins une épaule amochée.Le 25 juillet, nous entrons en Utah. Quelle merveilleuse sensation que de sortir des montagnes du Colorado le matin et de descendre dans les canyons de l’Utah dans la même journée. Les paysages sont uniques, arides et les routes sont difficiles.

Du fait des vibrations, nous avons dû prendre une pause mécanique afin de resserrer un grand nombre de boulons sur nos motos. Nous avons été également étonnés par l’usure rapide de nos pneus. Pour l’ensemble de notre voyage, nous avons consommé sept pneus chacun. Malgré tout, nous avons constaté la robustesse et la fiabilité de nos Kawasaki KLR 650.

Le Nevada
Le 29 juillet, nous entrons dans le royaume du sable du Nevada, un des plus beaux souvenirs de notre voyage. Un matin, nous avons traversé une vallée désertique entre deux chaînes de montagnes. Aucune route, aucune maison, aucun humain, mis à part nous, sur des centaines de kilomètres. Soudainement, quelques chevaux sauvages nous faisaient la course avec, plus loin, des chèvres de montagne et quelques bisons. Une image hors du commun. La route est parfois presque impossible à distinguer à travers les broussailles. Nos GPS se sont avérés indispensables.

Nous avons maintenant un nouveau partenaire avec nous. Adrian, un confrère de la TAT, s’est joint à nous après s’être séparé de son partenaire initial. Un troisième motocycliste n’est pas de refus et il était imprudent pour Adrian de continuer seul sur la piste.

L’Oregon
Enfin, le dernier État; nous sommes presque rendus! C’est ce que l’on pensait en entrant en Oregon le premier août. Cette région nous a permis de découvrir les superbes montagnes et forêts de séquoias. Lors de notre dernière journée, le 4 août, nous avions 200 kilomètres à faire pour rejoindre notre point d’arrivée. Nous avons emprunté des sentiers forestiers. Plusieurs problèmes nous attendaient; routes fermées ou inexistantes, d’énormes séquoias tombés et bloquant la piste, GPS incapables d’indiquer le chemin, la batterie de la moto de Sylvain qui a rendu l’âme et des rations d’eau qui devenaient insuffisantes. Par moment, nous avons envisagé de coucher dans la forêt, bien que sans équipement de camping.

Finalement, nous avons réussi à trouver notre chemin après 140 kilomètres supplémentaires de route et 5450 mètres d’ascension.

Nous sommes deux personnes qui avons passablement voyagé dans le passé. Ceci étant dit, cette aventure est pour chacun de nous un souvenir absolument inoubliable.

Liens utiles
Les sites officiels de la TAT :

www.transamtrail.com

https://sites.google.com/site/gpskevin/adventurerides/trans-america-trail

Des vidéos inspirantes sur la TAT :

https://www.youtube.com/watch?v=5mnb-fnRxS8&t=3s

https://www.youtube.com/watch?v=0BOOxl8jQhc&t=353s

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