Grande piste, petite moto et gros plaisir

Par Guy CaronPublié le

Au podium, samedi en fin d’après-midi, j’aborde Colin dans un coin. « J’ai vu une Ninja 300 sous l’auvent de Kawasaki qui n’a pas bougé lors des courses aujourd’hui. Demain, je vais être dans mes cuirs et si la moto est libre, je saute dessus pour les essais. »
Le patron du CSBK me répond : « D’accord Guy. Passe tôt demain à la direction de course pour signer la décharge, puis nous réglerons ça avec les gens de Kawasaki ». Je l’ai contacté lundi lorsque j’ai appris qu’un essai me donnait la chance de me rendre au Canadian Tire Motorsport Park pour la dernière ronde du championnat CSBK. Ma démarche de dernière minute pour rouler venait de s’enclencher. Le mardi, Brad, chez Kawasaki, m’informa qu’il ne lui restait que quelques-unes de la vingtaine de Ninja 300 préparées pour la piste l’an passé pour promouvoir la série réservée à ces motos. « Nous en avons vendues plusieurs et celles que j’ai sont réservées. » Les représentants des médias qui roulent en fin de semaine ont été choisis et je n’étais pas sur la liste.

Le dimanche matin, je stationne mon camion près de la remorque Kawasaki. Après quelques discussions et un aller-retour à la direction de course derrière Brad sur une KLX 110, j’enfile mes cuirs qui n’affichent pas les écussons requis pour la série. Ce détail sera rectifié, un peu à contrecœur, par John de Bickle Racing après la session d’essai. Le moment est venu de prendre la piste sur la moto numéro 8. Je n’ai roulé qu’une seule fois ici, moins d’une demi-heure, en 1985, et ça ne s’était pas très bien terminé à cette occasion.

Ce matin, j’ai une session de 20 minutes pour me rafraîchir la mémoire et tenter de m’y retrouver. La petite Ninja est l’outil parfait pour la tâche. Il y a quelques endroits où je suis sérieusement perdu; ma vitesse d’entrée dans le virage 3 est trop lente et je cherche de quelle façon enchaîner les virages 4 et 5a. Au moins, je me reprends dans le virage 8 au bout de la longue ligne droite. Avec un 175, 180 km/h affiché au compteur (vitesse variant selon ma position et de l’aspiration derrière les autres pilotes sur la ligne droite), je me relève, diminue à peine les gaz et lance la Ninja dans le virage sans toucher les freins. Beaucoup plus simple que d’avoir à juger la vitesse d’entrée de courbe en dosant les freins avec une moto plus rapide.

J’ai recours à la méthode reconnue de suivre un pilote plus rapide pour accélérer mon assimilation du tracé. Rien de tel que de puiser dans l’expérience de ceux qui en disposent pour compenser. J’aurais besoin d’au moins deux ou trois séances supplémentaires pour m’y retrouver par moi-même et encore! Jean-Philippe, qui s’occupe avec Brad de la flotte des Ninja de la série chez Kawasaki, me montre comment mieux enchaîner les virages 4 et 5a. Je profite de l’aspiration pour le doubler sur la ligne droite pour ensuite le voir me faire l’intérieur à l’entrée du virage 3. Une manœuvre un peu ambitieuse sur les freins, ambitieuse au point où il ne peut éviter JP qui est devant nous. Heureusement, les deux restent en selle malgré le contact et je me faufile à l’intérieur. La moto de rechange que je pilote ne devrait pas m’être retirée après tout.

Un coup d’œil aux feuilles de chrono révèle que j’ai fait le sixième temps. Pas mal… jusqu’à ce que je réalise qu’il y a un écart de trois secondes avec le premier. Je vais devoir trouver quelque chose si je veux m’approcher de l’avant du peloton! J’ai passablement de sautillement de l’avant dans les virages plats, les ajustements de suspension sont un point où j’espère trouver un peu de confiance pour m’aider à refermer l’écart. Quelques mesures rapides confirment que mes 62 kg font à peine bouger les suspensions. Zéro affaissement à l’avant et seulement huit millimètres à l’arrière, loin des 25 à 30 mm que je crois nécessaires. On me dit que John doit faire les ajustements sur la moto. Il vient constater mes dires : oui, la moto est ajustée pour un pilote bien plus lourd et, ensuite, il me dit que je devrai m’y faire. D’accord, au moins ce ne sera pas différent des essais.

À la pré-grille, je suis sur la quatrième ligne, n’ayant pas fait les qualifications. J’ai une surprise : Bodhi Edie s’aligne à mes côtés. Suite à un bris sur sa Superbike ce matin, il se retrouve avec nous, sur une Ninja 300 que quelqu’un a sorti d’un chapeau. « Salut Bodhi, on va avec les gars en avant? » « Yes man! » et un pouce en l’air sont la réponse de mon voisin du fond de la grille.

Dès que le départ est donné, nous prenons tous deux vers la gauche, tandis que le peloton vise plus directement le virage 1, à droite. Nous doublons les pilotes de la troisième ligne. Sur les premiers tours, je rate mon entrée dans le virage 5a à répétition. Dans le feu de l’action, mon habitude de rouler en piste avec un sélecteur de type GP me fait monter deux vitesses plutôt que de rétrograder. Pas très productif, je dois me parler dans mon casque vu que mon cerveau ne coopère pas ici! Le soleil a aussi réchauffé la piste, les pneus Dunlop Alpha 13 adhèrent maintenant mieux qu’aux essais, ce qui n’est pas un avantage pour moi et ma moto aux suspensions trop rigides. Le problème de sautillement du train avant s’intensifie. J’ai retranché 2,7 secondes sur mon temps, j’y mets du cœur, mais je stagne à ce niveau. Je peux à peine garder le contact avec Bodhi. Il est plus jeune, plus rapide et simplement meilleur que moi. Vers la mi-course, nous dépassons Brad. Au même moment, Bodhi se retourne et fait le geste de le suivre. Je crois qu’il s’adresse à son hôte qui lui fournit la moto et je laisse donc Brad me doubler. À l’entrée du virage 3, j’assiste à une reprise de ce que j’ai vu ce matin aux essais : Brad freine très, très tard. J’avais déjà pointé ma Ninja vers l’intérieur de la courbe avant qu’il n’entre en contact avec Bodhi. Cette fois, je vois deux motos vertes et leurs pilotes qui glissent. Quelques erreurs de sélection de vitesse plus tard et je me retrouve en bonne compagnie. Le groupe derrière est maintenant à ma hauteur et je m’amuse avec cinq autres pilotes ; nous visons tous la sixième place. Heureusement que mon point fort est le virage 8 et que je sais bien utiliser l’aspiration!

J’ai croisé Colin en fin de journée. « Comment ça s’est passé, Guy? » « Très bien, je me suis vraiment amusé. Je crois que je vais préparer une Ninja 300 pour aider un jeune pilote à participer à la série l’an prochain. » « Parfait! » me répond-il. « Passe me voir demain, je vais te donner un ensemble de carénage. Tu vas avoir un départ pour préparer une moto. » Merci Colin! Maintenant, j’ai une petite moto de piste verte dans mon garage. Elle est totalement d’origine et devrait être le sujet d’une série d’articles sur la façon de se retrouver en piste à un prix abordable dans ces pages bientôt. À suivre…

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