Mais qui était donc le Human Fly?

Par Marc ParadisPublié le

Le hasard fait bien les choses parfois. Prenons par exemple cette chronique qui, comme chacune de ses précédentes, débute par une page blanche qui peut avoir une durée de vie de 5 minutes à plusieurs semaines, selon mon inspiration du moment. C’est facile de trouver des sujets portant sur la moto me direz-vous… je vous l’accorde, mais trouver autre chose à dire que de parler de ma dernière sortie à moto demande parfois un peu de recherche et aussi un peu de chance. Pour cette présente édition, j’ai eu recours à l’une et l’autre, mais surtout à l’apport d’un ami et d’artisans témoins d’une autre époque.

Vous vous souvenez sûrement de René Blouin, qui m’avait permis de fouiller dans sa collection de dépliants de motos pour l’article « Fous de la pub » publié dans le numéro d’août 2016. (Il faisait aussi partie des participants de ma « ride de cheaps » du mois dernier.) Ce même René collectionne aussi les magazines de motos et, de surcroît, les anciens numéros de Moto Journal et autres magazines américains des années 1970-1980. Comme il en avait un bon nombre en double, il m’en a cédé volontiers. J’ai alors commencé à dépouiller plusieurs dizaines d’exemplaires encore très bien conservés. (Je ne dis pas centaines pour ne pas faire peur à ma conjointe qui se demande bien ce que je peux trouver d’intéressant dans ces vieilles revues, et comment je trouverai l’espace pour les entreposer!)

C’est donc dans un salon encombré et parfumé à l’odeur du papier quadragénaire que je me suis mis à la tâche de classer mon butin à la recherche d’inspiration, mais aussi pour me remémorer ces chères années. Dans les numéros de septembre et décembre 1977 de Moto Journal (à l’époque du grand journal qu’il fallait déplier), ces articles rédigés par Jean-Pierre Belmonte, qui fut rédacteur en chef et éditeur de Moto Journal durant de nombreuses années, et d’un certain Pierre René de Cotret, oui, oui, notre traducteur actuel… ces articles donc ont attiré mon attention. En fait, la lecture du titre me rappelait que ce bon vieux Jean-Pierre m’avait raconté l’aventure en question les larmes aux yeux tellement il riait. Il s’agit bien sûr du seul super héros québécois, l’inimitable Human Fly! Quand je dis super héros, je ne parle pas d’un personnage de papier (lire bandes dessinées) mais bien d’un véritable homme masqué portant une cape blanche contrastant avec son accoutrement rouge bariolé de minces lignes blanches.

L’homme, dont l’identité demeurait secrète, s’était fait connaître du public en réalisant une cascade pour le moins inusitée, soit en se faisant attacher debout sur le dos du fuselage d’un DC-8 où il est resté 15 minutes, à une vitesse de 300 milles à l’heure (480 km/h). Le tout s’était relativement bien déroulé, mais c’était sans compter une averse que le pilote de l’avion n’avait pu contourner. Avez-vous déjà reçu une averse en roulant à cette vitesse vêtu d’un habit moulant et de collants? Human Fly non plus… avant ce jour-là. La douleur fut telle qu’il en perdit connaissance et sa convalescence dura six semaines! Qu’à cela ne tienne, notre homme était maintenant célèbre, et même Marvel Comics l’avait approché pour publier ses aventures (cinq numéros étaient déjà sortis et imprimés à 300 000 exemplaires chacun).

Que faire comme prochain coup d’éclat? Pourquoi ne pas battre le record d’Evel Knievel en sautant par dessus 27 autobus (le record de Knievel étant de 13), rien de moins! Pour rendre l’exploit possible (ou du moins le tenter), on a demandé à Ky Michaelson de modifier une Harley-Davidson Sportster en lui greffant deux fusées capables de fournir 1000 livres de poussée en lieu et place du V-Twin.

Ce fut donc durant la froide soirée du 7 octobre 1977, dans un Stade olympique accueillant seulement 3000 spectateurs, qu’Human Fly a dû s’exécuter. Bien qu’en retard de près d’une heure et demie, Human Fly se décida enfin à tenter le coup. Bien que son engin ait été assez puissant, il semblerait que le super héros n’ait pas accéléré suffisamment pour atteindre la vitesse requise pour le saut. Il devait s’élancer de la rampe à 130 km/h, mais en fait, il n’allait qu’à un peu moins de 100 km/h, faisant en sorte que la moto atterrit directement sur le quatorzième autobus, pour poursuivre sa course jusqu’à la rampe prévue pour l’atterrissage, qu’il défonça. Human Fly passera sous cette même rampe et se retrouvera aux soins intensifs après avoir subi l’ablation de la rate, qui aurait éclaté lors de l’accident, et le traitement d’une cheville fracturée, d’un genou tordu et de multiples égratignures.

Qu’est donc devenu le super héros depuis? Nul ne le sait. Si vous faites des recherches sur le Web, vous trouverez le nom de Rick Rojatt associé à la légende, mais était-ce bien lui qui pilotait la Sportster ce fameux soir d’octobre 1977?

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