Tu as les moyens de rouler à moto? Tu es bien chanceux! Qui d’entre nous ne s’est jamais fait poser cette question? En fait, presque tout le monde désirant faire de la moto et possédant les capacités physiques pour le faire peut techniquement y trouver son compte. Si, pour certains, il est inconcevable de rouler autre chose qu’une moto de l’année, pour d’autres (et ils sont plus nombreux qu’on ne pourrait le croire), le simple fait de rouler sur deux roues comble leur besoin de liberté.
L’idée de prouver mon point a germé il y a de ça plusieurs années en lisant un article dans un magazine américain. Leur expérience consistait à rouler 1000 milles sur une moto payée 1000 $ ou moins. Certains réussirent, d’autres eurent moins de succès. Ne disposant pas des mêmes moyens logistiques et surtout ne pouvant compter sur mes confrères de Moto Journal tous très occupés durant la belle saison, je me tournai donc vers quelques amis (anciens et nouveaux) à qui je soumis l’idée qui m’était revenue à l’esprit en réalisant l’entrevue avec Claude Carrier l’hiver dernier. Ce dernier aurait pu en faire partie, mais ayant flambé son budget moto sur une rutilante Triumph Street Twin, il dut donc déclarer forfait. Je me mis donc à éplucher les sites d’annonces classées dès le mois de mars à la recherche d’une monture potable à moins de 1000 $. Parfois, ma liste comprenait plus de 20 motos potentielles. De la Ninja 600 1985 à la CBR125 en passant par une panoplie de customs des années 80. N’ayant aucune balise pour concentrer mes recherches, je tirais partout. Jusqu’au jour où je dénichai une CBR250 en très bon état à moins de 2000 $. Que faire? Brûler mes propres règles et augmenter le montant maximal? Après tout, il s’agit de mon idée et de mes propres règlements! Ce sera donc une ride pour les cheaps possédant une moto qui, en état de marche, leur a coûté moins de 2000 $. Même en convertissant le 1000 milles en 1000 kilomètres, la logistique (lire camion d’assistance) devenait presque nécessaire étant donné l’incertitude de fiabilité que pourraient offrir certaines machines… L’idée de faire le tour du parc de la Mauricie, qui me fut suggérée par Patrick, fut donc adoptée. Je partirai de Québec avec René, Olivier et David, Benoit venant théoriquement nous rejoindre à Shawinigan pour le dîner. Visant surtout l’agrément et l’observation du paysage (du moins à l’aller, au retour, on verra!), nous désignons René comme leader de notre petit groupe, lui qui connaît bien la région de Portneuf. Riche idée, j’y découvre moi-même des sections de route que je n’avais pas encore eu le loisir d’explorer. Nous rejoignons la 138 un peu avant Grondines et poursuivons sur cette route jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pérade, où un arrêt café sera apprécié par les caféinomanes de notre groupe. Ne désirant pas arriver en retard à notre rendez-vous avec Patrick chez Équipements Les Chutes, je sonne le retour en selle, direction Champlain où nous emprunterons la 359 Nord, pas vraiment une route pour les motos sportives en raison de sa constitution rectiligne… Petite bifurcation vers l’ouest sur le rang Saint-Mathieu et nous voilà rendus ou presque… Après avoir affronté la circulation du centre-ville de Shawinigan, nous arrivons à destination à 11 h 55! Petite visite des lieux, le temps de ramasser Olivier tombé en pâmoison devant la Honda Elsinore en exposition dans la salle des motos hors route et en selle, direction du casse-croûte chez Jeannot, suggestion de notre guide en KLR! Quoi de mieux que de parler moto en mangeant un burger et une poutine arrosés d’une root beer? Je vous l’accorde, ce breuvage ne compte pas des adeptes dans tous les foyers… Rendu ici, vous devez vous demander où se trouve Benoit? Nous aussi! Le connaissant, je me dis qu’il nous rejoindra sûrement dans le parc.
Après avoir bien mangé et refait le plein de nos montures, nous mettons le cap sur notre objectif : le fameux parc de la Mauricie. Un peu avant d’y arriver, Patrick ne peut s’empêcher de nous faire découvrir le majestueux pont couvert de Saint-Mathieu-du-Parc. Ce pont couvert, cité monument historique, en est un du type « Town québécois » construit en 1936. Ce pont d’une seule travée mesure 24,54 mètres de long et 5,77 mètres de large. Quelques photos plus tard, nous étions en ligne pour payer notre droit d’entrée (7,80 $) dans le parc national. C’est à partir de ce moment que la Virago de David commença à sentir le charcoal! Croyant que ce ne serait que passager (petite fuite d’huile accumulée lors de l’attente), je ne m’en soucie guère : il doit être au courant… En arrêtant pour prendre les classiques photos de groupe, nous décidons de faire un échange René et moi (il avait déjà fait essayer sa CX à Olivier) juste pour voir si sa moto se comporte comme dans mes souvenirs (Michel, mon photographe et ami en a possédé une à la fin des années 90, un autre achat de cheap!). À part la suspension arrière qui talonne un peu, le moteur m’a vraiment impressionné par son couple et sa douceur. On passerait la journée à s’amuser à rouler sur le couple. Les freins avec leur système antiplongée (un terme à la mode dans les années 80) sont typiques de cette époque et ralentissent bien la moto sans avoir la force de soulever la roue arrière… Au prochain arrêt photo, j’entends un son familier se rapprochant, un son que je viens même tout juste d’entendre… une autre CX! Eh oui, il s’agit bien de Benoit, dont la trajectoire contraire à la nôtre fait que nous nous retrouvons avec quelques heures de retard sur le plan initial… Une fois les présentations faites (je suis le seul à le connaître, ayant séjourné chez lui pour un article sur son entreprise de location de motos hors route Québec Moto Loisirs (voir MJ mars 2010), nous repartons à la recherche d’autres endroits photogéniques. Il faut dire qu’avec ses 63 kilomètres de courbes dans un environnement boisé parsemé de lacs, les bons spots ne manquent pas… Même si la qualité du revêtement peut me tenter de tordre la poignée, au risque de semer mes compagnons, je résiste, me convainquant que le but de la randonnée est plutôt de rouler mollo que de faire frotter les repose-pieds. De toute façon, la limite de 70 km/h m’en dissuade. Bien que la vitesse soit contrôlée par un constable attitré au parc, à notre sortie, des agents de la Sûreté du Québec nous interceptent afin de vérifier l’état de nos silencieux. Étant tous munis des systèmes d’origine ou presque (ceux de la Virago de David proviennent d’une version plus récente, les originaux ayant pourri comme c’était souvent le cas sur ce type de moto), nous ne craignons pas de nous soumettre à l’inspection, contrairement à certains… Pour ma part, je dois parfois vérifier sur le compte-tours pour savoir si mon moteur est en marche, donc rien à craindre de ce côté-là, mais quelle ne fut pas ma surprise de me faire dire par un agent que mon pneu avant était fini! Un pneu installé il y a deux mois et qui a à peine parcouru 2000 km! Une petite formation sur les pneus de motos ne serait pas à négliger pour certains…
Ayant personnellement un souper de prévu à Québec, le retour se fera via les autoroutes. Nous nous séparons donc un peu après l’entrée de Saint-Jean-des-Piles (qui, en fait, constitue notre sortie!). Benoit retournant à Saint-Michel-des-Saints et Patrick à Shawinigan, les quatre mousquetaires de l’avant-midi remettent le cap sur la Vieille Capitale. Possédant une meilleure autonomie que David sur sa Virago qui, lui, doit s’arrêter pour ravitailler en essence, je décide de pousser d’une traite la distance. René s’arrêta avec lui pour lui tenir compagnie, au cas où sa fuite d’huile dégénérerait… ce qui ne fut pas le cas heureusement.
En conclusion, nous avons parcouru aux alentours de 450 kilomètres sans anicroche avec six motos totalisant un coût d’achat (incluant les réparations et/ou modifications) d’environ 8000 $. Je pourrais dire sans grand risque de me tromper que la totalité des motos que nous avons rencontrées ce jour-là valait plus que toutes les nôtres réunies. Les motocyclistes avaient-ils plus de plaisir? J’en doute! Nous ne sommes pas obligés de rouler la dernière nouveauté pour apprécier une belle route en bonne compagnie : juste un peu de volonté et parfois d’huile à bras et le tour est joué. Si vous lisez ce texte et ne possédez pas de moto, qu’attendez-vous?
David Charest
Yamaha Virago 750 1982
Kilomètres au compteur : 80 000
4000 km de parcourus depuis l’achat
Moto remisée pendant un certain temps, première moto de mon fils qui l’a restaurée, fait repeinturer, fait passer l’inspection. Il l’a roulée quelque temps avant de s’acheter une Harley-Davidson. J’en ai donc « hérité » moyennant la disparition d’une reconnaissance de dette d’environ 1000 $.
Le principal problème mécanique rencontré fut qu’elle tournait seulement sur un cylindre à l’occasion (il s’agit d’un bicylindre). En réfléchissant au problème, j’en vins à la conclusion qu’il s’agissait du capuchon de connexion qui était défectueux. Ensuite, j’ai rajouté de l’air aux amortisseurs arrière (c’était une caractéristique à la mode chez Yamaha au début des années 80). J’ai aussi fait refaire la selle, mis une batterie neuve et une couple de petits problèmes électriques qui se sont résolus grâce à Internet et à des forums Facebook; en demandant, on trouve toujours la solution! C’est ma seule moto.
René Blouin
Honda CX650E 1984
Kilomètres au compteur : 73 000
600 km de parcourus depuis l’achat
J’ai acheté cette moto d’un copain qui avait eu un léger accident avec. Je l’ai payée 300 $. Ayant un bon inventaire de pièces à la maison, je n’ai eu qu’à acheter un clignotant (10 $)! Je ne recherchais pas nécessairement ce modèle en particulier, mais disons que le prix demandé m’a beaucoup influencé. Un autre copain qui en possède deux pourrait lui aussi me les céder, j’aurais donc un bon bassin de pièces. Je prévois l’envoyer en France pour un prochain voyage. Elle finirait donc ses jours sur le Vieux Continent…
Olivier Errecalde
Kawasaki KLR650 2003
Kilomètres au compteur : 44 000
8000 km de parcourus depuis l’achat
Je l’ai payée 1900 $ chez un concessionnaire de Québec (SM Sport). Étant Français, j’ai toujours adoré les double usage. N’ayant pas une panoplie de choix dans cette fourchette de prix, je choisis donc la plus populaire et aussi en raison de la fiabilité du modèle. J’ai possédé, au milieu des années 2000, une 600 XT 1986 que j’ai adorée (dénichée par Marc). Je l’ai vendue à regret en raison du prix des plaques (je ne pouvais plus la plaquer antique) et autres frais inhérents. Une autre raison justifiant l’achat de la KLR : ma sœur et son conjoint sont venus faire un tour au Québec et comme ils n’avaient pas de véhicule, j’en vins à la conclusion que ce serait intéressant pour eux de visiter la Belle Province à moto. J’ai ajouté quelques pièces (sélecteur de vitesse, pare-brise et rétroviseurs). Je l’utilise uniquement sur la route d’où mes Michelin Anakee à vocation routière.
Patrick Bélanger
Kawasaki KLR650 1987
Kilomètres au compteur : 57 000
1200 km de parcourus depuis l’achat
Étant passionné de motos depuis l’âge de 8 ans, cette KLR représente bien mon obsession pour les motos hors route et double usage des années 70-80. J’ai acheté cette KLR (1300 $) d’un client (je suis conseiller aux ventes chez Équipements Les Chutes) qui se procurait une autre KLR 2009. Lorsque je me suis aperçu qu’il s’agissait de la première année de production de la 650 (auparavant 600 cc), je sautai sur l’occasion de me la procurer.
Changé les pignons et la chaîne pour une DID Gold à 200 $ (prise sur ma CR500) et aussi changé la selle. Cette moto m’aide aussi dans mon métier. Les acheteurs potentiels de KLR neuves voient la continuité et la longévité du modèle.
Benoit Pelletier
Honda 500CX Custom 1980
Kilomètres au compteur : 62 000
5000 km de parcourus depuis l’achat
Payée 800 $ en 2009. Je l’ai achetée pour ma femme, car elle lui plaisait et aussi parce que ces motos ont une bonne réputation de robustesse. Elle l’utilise un peu, mais elle aimerait bien un moteur plus gros! J’ai changé le générateur électrique (250 $), puis remplacé le CDI par un boîtier Ignitech (100 $). Les pannes électriques et électroniques constituent une bonne part des problèmes des motos des années 1980. |
Marc Paradis
CBR250R 2011
Kilomètres au compteur : 20 000
3000 km de parcourus depuis l’achat
Ma CBR est définitivement la plus récente du lot (de 8 ans avec la KLR d’Olivier et de 31 ans avec la CX de Benoit!), mais contrairement aux raisons qui ont motivé mes compagnons, les miennes étaient d’une triple vocation. Premièrement, j’ai acheté cette moto principalement pour ce projet d’article comme mentionné dans le texte principal. Deuxièmement, après un premier contact en 2011, je m’étais dit qu’un jour je m’amuserais de nouveau au guidon de cette petite machine économique. Troisièmement, mon plus jeune (Xavier, 14 ans) désirait débuter sur piste, mais n’avait pas de monture autre que sa CRF230… Donc, trois bonnes raisons pour augmenter le nombre de motos dans le garage! En négociant un peu, j’obtins la CBR pour 1700 $ avec un changement de pneus pour des Bridgestone Battlax BT090 plus adhérents que les IRC d’origine qui commençaient à montrer un profil carré! N’ayant ni le temps ni le talent pour bricoler sur une vieille brette, j’optai donc pour la solution facile. À part changer l’huile et lubrifier la chaîne, la petite Honda ne m’a pas fait faux bond. Mon plus vieux l’empruntant même pour notre randonnée familiale des vacances au Lac-Saint-Jean.