Sturgis, Dakota du Sud, capitale du biker old school. Un village perdu dans les collines du Midwest américain qui devient, l’espace d’une semaine, le lieu de rassemblement de quelque 500 000 personnes qui viennent faire le party et rouler dans les fameuses Black Hills.
Si cela vous semble curieux que Moto Guzzi ait choisi cet endroit pour y faire le lancement nord-américain de son tout nouveau modèle bagger MGX-21 Flying Fortress, vous n’êtes pas seul. Mais c’est pourtant dans cet endroit bucolique que je me suis rendu dans les jours précédant le fameux Bike Week pour assister à la célébration du nouveau bijou du fabricant italien. Les bonzes de Moto Guzzi allaient profiter de l’occasion la semaine suivante pour faire essayer leurs nouveaux joujoux aux hordes de motocyclistes qui envahissent ce bled perdu pour faire le party, s’acheter des t-shirts avec des têtes de mort et essayer des motos de toutes sortes. S’il y a une place pour tester l’intérêt du mâle américain typique pour un bagger de conception et fabrication italienne, c’est bien ici. Ce n’est probablement pas les gens les plus ouverts aux autres cultures qui viennent ici. Disons qu’il y avait plus d’affiches de Trump que d’Hillary dans la ville et aux alentours. Alors, si ces motocyclistes aiment cette moto, la plupart des autres l’aimeront aussi.
On n’avait pas fait les choses à moitié. Pour l’occasion, on avait bien sûr invité le directeur général de Aprilia Racing, Leo Mercanti, mais aussi le réputé designer Miguel Galluzzi. Designer de modèles mythiques comme la Ducati Monster et la Aprilia Dorsoduro pour ne nommer que celles-ci. Ces distingués messieurs étaient sur place pour répondre aux questions des journalistes, mais aussi pour profiter de l’occasion pour rouler et échanger avec nous sur la création de ce tout nouveau modèle.
Le Flying Fortress est une version moderne du bagger typique. Grâce à l’expérience de M. Galluzzi, on a repris le concept classique de la moto confortable, basse et équipée de sacoches latérales et on l’a amené à un autre niveau. On a créé une moto répondant aux exigences de cette catégorie, mais on a haussé la barre en termes de look.
Car cette moto est définitivement différente. Ce qu’on remarque d’abord, ce sont les nombreuses pièces de carbone. Le long garde-boue avant, l’aile arrière stylisée et les valises aux formes allongées. Mais ce qui frappe surtout, c’est la très grande roue avant de 21 pouces dont le centre est équipé d’une espèce d’enjoliveur de carbone. Toutes ces pièces donnent effectivement l’effet d’une forteresse sur deux-roues. D’ailleurs, le nom de code de cette moto est MGX-21 Flying Fortress. Si on dissèque ce nom, on comprend M pour Moto, G pour Guzzi, X pour « un petit peu hors-norme » et 21 pour la dimension de la roue avant. Le sobriquet Flying Fortress vient du nom du bombardier B-17 dont s’est inspiré Galluzzi pour les dessins de cette moto. On aurait aussi pu parler de requin marteau dont le pare-brise avant rappelle clairement la tête.
La MGX-21 est basée sur la plate-forme du California 1400 de Moto Guzzi. L’entraînement est à cardan et le gros moteur V-twin à 8 valves produit 95 chevaux à 6500 tours et 89 livres de couple à 3000 tr/min. Un système Ride-by-Wire permet d’insuffler la vie à ce gros bloc moteur de trois façons; les noms sont italiens, mais le principe est le même et ça nous donne l’occasion d’apprendre un peu d’italien en même temps. Il y a un mode sport (Veloce), un mode Touring (Turismo) et un mode pluie (Pioggia). Pour ce lancement de presse où nous roulions en groupes dans les montagnes des Black Hills, mon mode préféré était le Turismo qui offre une réponse rapide sans être trop agressif. Par contre, dans ce mode, il fallait descendre d’une ou deux vitesses lors des dépassements. En mode Veloce, descendre d’une seule vitesse suffisait pour monter les révolutions suffisamment pour dépasser les nombreux bikers tatoués et bien gras roulant pépère et sans casque. D’ailleurs, ce n’est qu’une fois les sessions photo terminées que, tel un équipage de B-17, moi-même et deux autres comparses avons pu nous échapper et tester les capacités réelles de cette belle bécane. Chanceux de ne pas croiser de state trooper, nous avons clenché pas mal de petits groupes de bikers qui n’ont probablement vu que trois lumières arriver dans leurs rétroviseurs, puis trois points noirs au loin devant eux. Comme quoi un bagger moderne peut s’avérer très amusant dans les longues courbes. Nous étions en feu et les trois Guzzi nous ont permis d’attaquer la route avec aplomb. La garde au sol des repose-pieds est bien assez haute pour éviter de frotter par terre même dans les courbes assez prononcées.
Le moteur est doux et la sonorité de l’échappement est agréable sans être trop prononcée. En fait, la forteresse volante est un engin idéal pour faire tourner les têtes. Avec les nombreuses pièces de carbone, son gros pare-brise à la forme unique et surtout ses roues munies de cap en carbone et ses têtes de moteur rouges, plusieurs bikers venaient spontanément à notre rencontre lorsque le groupe de journalistes s’arrêtait quelque part. Comme toutes les fois où je roule des Guzzi, cela donnait lieu à des histoires du genre « Ah! Une Guzzi! J’avais un ami qui en avait une dans le temps… » et se complétait ensuite avec plusieurs déclinaisons d’histoires rocambolesques d’une autre époque.
Le cadre est le même que le California, mais la suspension a été améliorée pour offrir une meilleure direction. La grande roue avant de 21 pouces est un peu difficile à manier lorsque l’on se déplace à basse vitesse, mais les ingénieurs de Guzzi ont conçu une espèce d’amortisseur de direction qui agit graduellement pour éviter que la roue ne plonge de côté lors d’un virage serré à basse vitesse. Ça ne donne pas l’agilité d’une supermoto, mais ça aide à diminuer l’effet du poids et de la dimension de cette grosse roue d’acier forgé.
La fourche de 45 mm offre 4,2 pouces de débattement et, à l’arrière, on retrouve un système dual shock offrant un ajustement hydraulique de la précontrainte. Les seules fois où l’on a vu les limites de cette moto furent dans les courbes serrées ainsi que sur les chaussées très bosselées. J’ai moi-même senti la moto valser un peu sous mes fesses alors que j’ai frappé une bonne bosse dans une longue courbe. Par contre, les suspensions et le cadre rigide ont vite fait de stabiliser la moto tout en la gardant dans l’angle de la courbe. La MGX-21 est une bagger dans le style, mais avec une touche de performance bien italienne.
Parlant de performance italienne, la grosse bagger italienne est équipée de freins Brembo. Deux disques de 320 mm à l’avant sont pincés par de gros étriers teintés du même rouge clair que les têtes de moteur et un disque de 282 mm à l’arrière. Pour encore plus de sécurité, on a aussi ajouté trois modes de contrôle de la traction.
La selle est plutôt basse à 29 pouces et offre un niveau de confort digne d’un trône pour les riders de toutes les tailles. Le pare-brise dégage une bonne bulle d’air pour la poitrine et il n’y a pas de turbulence au niveau du casque, du moins pas pour le pilote de taille moyenne comme votre humble essayeur. On retrouve un système de son assez puissant, le Bluetooth, un port de chargement et un régulateur de vitesse. J’ai été étonné de constater par contre qu’on doit régler sa vitesse à nouveau chaque fois qu’on remet le régulateur, car il n’y a pas de fonction Resume. De plus, les boutons pour augmenter ou diminuer la vitesse font réagir le moteur un peu brusquement. Étrange.
Les valises latérales offrent 29 litres d’espace, mais il faut être ingénieux pour réussir à y mettre 29 litres de matériel. Comme pour plusieurs motos sport-tourisme ou cruisers, la forme oblongue et l’ouverture latérale de ses sacoches ne sont pas des plus pratiques pour les refermer sans que rien ne tombe. Toutefois, leur mécanisme de fermeture est bien conçu et facile à manipuler.
Alors, qu’ai-je pensé de cette moto? Je l’ai adorée. Moto Guzzi a réussi avec brio le défi de revisiter le vieux concept du bagger et de l’amener dans une autre ère où même une grosse et longue moto peut être à la fois un outil pour s’amuser avec réserve dans les courbes, mais aussi pour faire le tour des États-Unis dans le confort… à condition de ne pas vouloir traîner trop de linge.