Entrevue avec Richard Goulet de la Boutique Le 63

Par Éric MénardPublié le

Dans le monde de la moto, on voit des concessionnaires de motos de plus en plus gros, mais il y a encore des petites boutiques qui subsistent et qui ont un cachet énorme. Le 63 sur Mont-Royal est une de ces boutiques exceptionnelles. À moins de vivre dans une caverne depuis deux ou trois ans, si vous êtes motocycliste, vous savez que la mode qui bat son plein actuellement dans le monde de la moto est les cafés racers. Nous sommes allés rencontrer le propriétaire de la boutique Le 63, Richard Goulet.

Ça faisait longtemps que je voulais te rencontrer parce que tu es vraiment le proprio du château fort à Montréal et au Québec qui se spécialise dans les cafés racers, old school.

Oui, je pense qu’on est les seuls! On a commencé il y a trois ans environ. On a commencé par passion, sans faire d’étude de marché. Pour nous, l’important, c’était de travailler, de vendre des choses auxquelles on croyait et qu’on aimait. On croyait à la culture old school parce qu’on y évolue depuis longtemps.

Tu as commencé dans la moto il y a un bon bout de temps?
À 13 ans, j’ai commencé avec une petite moto enduro. Ensuite, je suis passé au motocross, puis à la moto de route. J’ai arrêté un bout de temps. J’ai acheté ma première Bonneville en 2001. J’ai la première Bonneville qui est arrivée à Montréal. À partir de 2003, je débutais un club de cafés racers.

Tu étais vraiment un précurseur parce qu’en 2003, on ne parlait pas de cafés racers. Il y avait la Monster chez Ducati qui était d’inspiration café racer, mais il n’y avait pas encore la mode de remonter de vieilles motos comme on voit plus aujourd’hui.
Oui, c’est ça. Ce n’était pas encore arrivé ici. C’est une culture qui vient plus d’Angleterre. Le terme indique que c’est des motos dénudées faites pour rouler d’un café de village à un autre le plus vite possible ou de faire une boucle dans le village et de revenir au même café avant que la toune qui joue dans le juke-box au départ ne finisse. Ce sont les jeunes Anglais vers la fin des années 60 qui ont créé cet engouement pour ce style de moto.

Ceux qui sont dans le monde de la moto depuis longtemps se demandaient bien comment on allait faire pour attirer les plus jeunes dans le monde de la moto. Les trentenaires. La réponse, ce n’est pas des nouvelles motos, mais de vieilles motos. On voit plein de jeunes gars et filles de 30 ans qui se remontent un vieux bike et qui tripent. Ils viennent sûrement ici pour tout au moins prendre des idées. Ça vient aussi avec un habillement et le lifestyle. Ici, on habille plus le conducteur que la moto.
Exactement, le phénomène a commencé avec les skaters. Ils ont commencé à vieillir et ils ont migré du skate à la moto. À 25-35 ans, ils ont plus de sous et ils lâchent la bicyclette et le skate et achètent des motos. La transformation pour eux a commencé par les motos et ils ont commencé à modifier leurs motos sans avoir un type en particulier. Ils ne faisaient que ce dont ils avaient envie. Il y a un côté artistique et le plaisir de créer. Il n’y a pas de règles strictes. Pour 1000 $ de modifications, tu peux avoir du plaisir.

C’est drôle parce que cette génération « techno » des trentenaires prend des vieilles motos, sans aucune technologie, pas d’ABS, rien et ils travaillent là-dessus pour le fun de le faire. Est-ce que tu t’attendais à vivre de ça? Pensais-tu que ça marcherait?
C’est un risque, mais on l’a tenté parce qu’on aime ça. Quand on fait quelque chose qui sort des tripes et qu’on est passionnés, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas. On a du vintage et on aime fouiner pour trouver du linge unique. Il faut dire aussi qu’ici, on n’est pas un magasin de pièces. On a des casques et tout ce qui va sur le conducteur. Les bottes, les jeans, etc. On a du Biltwell, du Brixton, du Deus et d’autres marques. En fait, le seul item que j’ai pour une moto, ce sont des poignées.

Moi, je trouvais des pièces vintage des années 50 et 60 des rockers d’Angleterre. Moi, j’étais un rocker avec la veste pleine de badges et pas un mods. C’est méconnu et c’est tellement un petit marché qu’on s’est aperçus que les hipsters prenaient beaucoup de place dans la culture old school. Alors, on a pris une tangente vers cette culture.

Décris-moi ta clientèle. On est quand même au cœur du plateau Mont-Royal.
J’ai beaucoup de touristes. C’est là qu’on s’aperçoit que la culture old school ou ce que j’appelle la culture garage, c’est en fait la culture de « customiser », de travailler la matière mécanique. Notre inventaire se rapproche de la culture garage le plus possible. Pourtant, on a des touristes qui ne connaissent pas ça et qui le découvrent ici. On a des gens qui raffolent de ça et même certains aiment tellement ça que ça les incite à s’acheter une moto.

D’après toi, pourquoi est-ce si fort avec les gens de 30 ans cette mode de garage et de motos cool?
C’est un engouement qu’on n’avait jamais vu avant. Avant, pour être cool, il fallait acheter une Harley à 20 ou 30 000 $… Si tu avais une japonaise, tu passais pour un moins que rien. Aujourd’hui, tu arrêtes sur un coin de rue et tu veux voir autre chose que des motos habituelles.

L’engouement est plus facile. Tu t’aperçois qu’avec une moto de moins de 2000 $, tu peux avoir quelque chose de différent.

C’est souvent ça qui attire plus l’attention des gens que des nouvelles motos dans les salons de la moto.
Absolument. Je crois que ça va évoluer vers autre chose. On est passés du café racer traditionnel vers les Brats à un moment donné. C’est un designer japonais qui a créé une moto avec une selle droite et des guidons plus droits et l’a appelée « Le brat » et c’est devenu une marque de commerce. Là, les grosses compagnies récupèrent ces idées et en font des modèles de série. Ce sont de belles motos qui offrent l’essentiel du style, mais sans le travail requis pour les monter et les entretenir.

Moi, ce qui me fait peur, c’est que ces jeunes qui arrivent dans notre univers de la moto quittent après 2-3 ans et ensuite aillent faire autre chose.
Les jeunes de 20 à 30 ans qui s’achètent des motos influencent des gens plus âgés à revenir vers la moto. N’oublions pas aussi qu’il y a plein de jeunes en scooter qui attendent juste de pouvoir s’acheter une moto pas chère pour commencer. Je pense que la moto, c’est plus qu’un simple hobby ou passion. Si quelqu’un n’a jamais fait de moto, c’est difficile de lui expliquer le feeling. La moto, c’est le seul véhicule à moteur qui se conduit avec son corps. C’est pour ça qu’on se sent libre comme un oiseau. Si tu mets une troisième roue sur ta moto, ce sont les bras qui conduisent. T’es fait. Ça change tout!

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