Pirelli Diablo Rosso III: Question d’angle

Par Paul PenzoPublié le

Des pneus à deux gommes avec un plus fort penchant pour les courbes
Pirelli a invité 70 journalistes du monde entier dans le nord de l’Espagne pour faire l’essai de son nouveau pneu sport. Le plan est de passer la première moitié de la journée sur l’un des meilleurs circuits de course de la planète au guidon d’une variété de motos sport. Puis, en après-midi, nous irons rouler sur les magnifiques (et très bien pavées) routes panoramiques des environs, cette fois avec des motos « naked », ou épurées.

La veille, pour nous mettre dans l’ambiance, Pirelli nous avait offert des billets VIP avec accès aux puits et aux salons privés pour le championnat mondial de Superbike (WSBK) tenu à Motorland. Ce circuit de 5 km avec 17 virages est situé à environ 250 km de Barcelone. Il accueille à la fois des épreuves de MotoGP et de WSBK.

La série WSBK a été lancée il y a 28 ans et cette ronde était la 700e. Pirelli est le seul fournisseur de pneus pour cette série et ce partenariat est le plus long jamais enregistré pour une compétition de sports motorisés internationale à spécifications fixes. La firme fournit les pneus depuis 2004, ce qui contribue à égaliser les chances entre les compétiteurs. Cela a également permis à Pirelli de profiter de bancs d’essais précieux pour mesurer la réponse, la durabilité et l’adhérence des pneus au fil des courses.

Avant notre matinée d’essai en piste, Pirelli nous a expliqué que la traction sur pavé mouillé, la durabilité et la tenue de route avaient été les objectifs fondamentaux lors du processus de conception. En ce qui concerne le nom des pneus, pensez à Ferrari et Ducati et vous verrez sans doute la couleur rouge – rosso –, la couleur traditionnelle des machines de course italiennes. Cela dit, malgré leur net penchant sportif, les Pirelli Diablo Rosso sont d’abord destinés à un usage routier.

Les Diablo Rosso II, la génération précédente, étaient conçus pour être à leur meilleur à un angle de 45 degrés. Pour un usage plus nettement orienté vers la piste, les Diablo Supercorsa sont dans leur zone de confort à 58 degrés. Quant à ces nouveaux Diablo Rosso III, ils coupent la poire en deux avec leur angle de 52 degrés. Ce qui veut dire que les pilotes au tempérament sportif aiguisé auront amplement d’espace pour s’amuser et pour faire glisser leur genou sur l’asphalte.

Les matériaux utilisés dans la gomme du pneu évoluent très rapidement depuis quelques années. Pirelli nous a expliqué que le noir de carbone est ce qui fonctionne le mieux sur circuit, tandis que les composés 100% silice sont préférables pour la route. Dans le cas du Rosso III, Pirelli a opté pour un composé 100% silice pour le pneu avant. À l’arrière, par contre, la silice se retrouve seulement au centre du pneu, pour une durabilité accrue, tandis que le noir de charbon occupe 80% de la surface, sur les côtés, pour maximiser l’adhérence en virage. Le pneu arrière est plus rigide. À l’avant, la carcasse est plus souple pour offrir une meilleure absorption sur une variété de revêtements routiers. Tout cela est très bien en théorie, mais comment les pneus se comportent-ils en pratique?

Selon les prévisions météo, il y a un risque de pluie de 70%. Mais comme le dit ma blonde, les météorologistes travaillent dans des sous-sols sombres et sans fenêtres et ils ne voient pas ce qui se passe dehors… Alors pour l’instant, ça va, le temps est sec. Mais je suis plutôt nerveux pour cette première sortie avec un petit groupe, car je n’ai jamais piloté auparavant aucune des motos disponibles. De plus, nous avons seulement trois sorties de 15 minutes pour apprivoiser la piste, ce qui veut dire que j’ai beaucoup de nouveaux éléments à intégrer rapidement avant de pouvoir me concentrer sur la performance des pneus.

Il y a notamment des modèles de MV Augusta, Honda et Suzuki avec chacun leurs particularités en matière de contrôle de l’ABS et de l’antipatinage, de format de pneus, etc. Finalement, je décide de commencer avec une BMW S1000RR, de terminer au guidon d’une Ducati 1299 Panigale S, et de faire un choix improvisé entre les deux. Je mets la RR en mode Sport et me voilà en piste.

J’enfile les courbes et tout va bien pendant un moment. Mais un peu plus tard, j’accélère à fond en sortie de virage en pensant que je suis au début d’un grand droit. Sauf que je me retrouve aussitôt à l’entrée d’une chicane droite-gauche très serrée. J’applique les freins à fond, ce qui me permet de constater que le pneu avant fournit une bonne adhérence et un bon feedback. Ouf, je reprends mon souffle et je continue. Je commence à bien prendre le rythme lorsque, en passant devant les puits à toute allure, j’aperçois le prochain groupe qui attend, et l’officiel qui me regarde (sans doute avec un regard incrédule…).

C’est à ce moment-là que je réalise qu’il y a des feux rouges qui clignotent partout. Pour obtenir l’approbation de Dorna Sports, les pistes doivent être munies de ces feux rouges. Moi, je suis habitué aux officiels canadiens qui agitent des drapeaux dans les virages et aux autres endroits stratégiques, alors je n’ai rien vu. Faut dire également que j’étais dans un état de grâce, porté par la mélodie du moteur et rassuré par la performance des pneus.

En rentrant finalement aux puits, je me fais sermonner sévèrement par l’officiel (qui est surpris de voir que je parle italien). Cet écart de conduite m’a permis de gagner quelques minutes en piste, mais je ne suis tout de même pas fier de moi… Mais ce qui est fait est fait, passons à la moto suivante.

Je choisis la Honda 1000RR SP avec amortisseurs Öhlins et freins ABS. Par contre, cette machine n’a pas de dispositif pour les powershift ni de système antipatinage. Je stresse brièvement à l’idée de ne pas avoir tous les dispositifs modernes d’aide à la conduite, mais je me rappelle aussitôt qu’il y a très peu de temps que les motos ont de tels systèmes, et je sais que les Honda sont habituellement des machines au comportement convivial. Et je ne suis pas déçu. La puissance est livrée de façon fluide, l’accélérateur offre un bon contrôle et la moto est facile à balancer d’un virage à l’autre. Le profil de ce pneu est légèrement plus élevé que celui de l’ancienne génération, ce qui permet d’inscrire la moto en virage plus rapidement, mais il demeure quand même de forme plus arrondie que triangulaire.

Après ma session en piste avec la Honda, je descends de la machine et j’enlève mes gants pour sentir les pneumatiques avec la paume de ma main. Celui d’en arrière est très chaud. Puis, avec mon pouce, j’appuie fermement sur la gomme à différents endroits : les côtés sont plus mous et plus collants que le centre. C’est la manifestation bien visible des explications théoriques de Pirelli. Je fais le même exercice avec le pneu avant : les côtés sont plus mous aussi (sans doute parce que la friction les a fait chauffer), mais la texture est la même partout.

J’ai une petite hésitation avant d’embarquer sur une troisième moto. Peut-être devrais-je plutôt remonter sur la BMW ou la Honda, vu que je les connais déjà, ce qui me permettrait de mieux évaluer le comportement des pneus. Finalement, je garde ma première idée et je saute sur la Panigale – l’occasion est trop belle. Mais malheureusement, il se met à pleuvoir et on nous dit de mettre les machines en mode Pluie. Dans le cas de la Panigale, cela correspond à une réduction de puissance d’environ 50%, ce qui fait que je me retrouve avec « seulement » 100 chevaux.

Quelques journalistes me dépassent, dont un qui est habituellement plus lent que moi. Je remets donc la Ducati en mode Sport pour reprendre du terrain, même si l’arrière décroche un peu de temps en temps. Un peu plus tard, je vois un journaliste debout sur la pelouse, à l’intérieur d’une courbe, et j’aperçois sa moto couchée sur le côté. Les essais sur circuit sont finis pour aujourd’hui.

En après-midi, nous allons rouler sur des routes qui serpentent dans la magnifique campagne espagnole, au guidon de quatre différentes motos de type épurées. Mes deux préférées sont la Triumph Speed Triple avec son moteur de 1050 cc et la MV Augusta Brutale 800. Dommage qu’il pleuve, car il est difficile d’évaluer les performances des pneus dans ces conditions. Je peux cependant préciser que personne n’est tombé, ce qui est déjà un excellent point.

Les Diablo Rosso III sont offerts en différents formats, trois pour l’avant, et sept pour l’arrière afin de couvrir une grande variété de machines à roues de 17 pouces. Les prix varient entre 515 et 625 $ la paire.

Fonds de pension et perspectives pour la série WSBK
L’Office d’investissement du RPC, l’organisme qui fait fructifier nos contributions au Régime de pensions du Canada, est propriétaire de 35% de la société Dorna Sports S.L. Ce qui veut dire que nous possédons tous une petite partie de l’entreprise qui s’occupe des deux plus importants championnats de motos au monde. C’est bien, et ce qui est très bien aussi, c’est que Dorna offre d’excellents rendements.

Dorna s’occupe de la gestion et de la mise en marché du championnat de MotoGP et du championnat de superbike (WSBK) de la FIM. La promotion des produits ou des marques qui offrent le meilleur appui est un élément important dans la business de la course. Les pneus font partie des principales dépenses, ou possibilités de revenus, selon le point de vue.

Pirelli a bénéficié de son partenariat avec le WSBK en pouvant tester ses pneus en situations réelles, et en améliorant sa position sur le marché. Le WSBK est gagnant aussi dans la mesure où il y a un nombre suffisant de compétiteurs pour faire un bon spectacle. Et les pilotes ont l’avantage d’avoir tous accès aux mêmes pneumatiques (même si leurs frais sont parfois plus élevés parce qu’ils ne sont pas commandités par des compagnies de pneus).

Au cours des dernières années, c’est Kawasaki qui a dominé le championnat de WSBK, surtout après avoir abandonné le MotoGP, une série où il en coûte trois fois plus cher pour participer. Kawasaki a gagné quatre des cinq championnats en 2015, mais Chaz Davies a donné à Ducati sa première victoire de la saison 2016 lors de cette ronde importante. Il se pourrait bien que ce soit le début d’un changement de garde chez les manufacturiers.

Les nouveaux règlements introduits en 2015 obligent, par exemple, à utiliser des pistons de production. Pour une compagnie comme Ducati qui a homologué des motos de course à cet effet, il s’agit d’une très bonne chose. Kawasaki a actuellement une seule version de sa sportive de classe ouverte et elle ne peut plus modifier des paramètres comme les chambres de combustion. Résultat : leur machine de 2016 prend le départ avec 27 chevaux de moins que celle de 2014, et les autres manufacturiers regagnent du terrain.

Des jeunes Canadien(ne)s au championnat WSBK
Juste à côté d’une Honda CBR650F prête pour la course, j’aperçois le gourou canadien des suspensions John Cornwall qui semble réfléchir intensément. Il est ici, au circuit de Motorland, dans le cadre du championnat WSBK, pour aider la jeune Québécoise Stacey Nesbitt (18 ans) à bénéficier d’une machine bien préparée pour participer aux compétitions de la Coupe Junior européenne.

Ce championnat s’adresse aux hommes de 14 à 21 ans et aux femmes de 14 à 24 ans. Il faut débourser 24 450 € (environ 35 000 $) pour participer aux huit rondes de la série et les compétiteurs conservent leur moto à la fin. Ils doivent cependant payer pour leur transport, leur logement et les réparations de la moto. En comparaison avec ce qu’il en coûte pour faire de la compétition au Canada, le tarif est raisonnable compte tenu de la visibilité et de l’expérience européenne qu’on y gagne.

Stacey a terminé au second rang parmi les sept femmes lors de sa première participation à la Coupe, mais elle n’était pas du tout satisfaite de sa 27e position globale. Stacey a remporté trois championnats canadiens et elle a été choisie recrue de l’année en 2015. Le fait qu’elle soit si déçue de sa 27e place me paraît un excellent présage. Que ce soit contre des filles ou des garçons, Stacey est programmée pour gagner.

J’ai aussi rencontré le jeune Braeden Ortt (16 ans) de Calgary. Il était en train d’examiner sa moto et il m’a expliqué qu’il avait chuté en fin de semaine et que c’était un début de saison difficile.

Après avoir presque remporté la Coupe KTM lors du championnat de l’AMA de 2015 et après plus d’une année de course en Coupe Junior européenne, Braeden a été sélectionné pour courir dans la nouvelle classe Europe Supersport de la FIM au guidon d’une Honda CBR600RR. C’est la première course de l’année et les pilotes de cette classe courent avec ceux, de plus haut niveau, de la classe WorldSSP (Supersport World Championship), sur des machines moins sophistiquées. Avec cette approche, l’objectif de Dorna est probablement de gonfler ses grilles de départ tout en contribuant à faire émerger les futurs champions de MotoGP.

Pendant que nous discutons, le directeur de l’équipe arrive et il dit à Braeden qu’il devrait peut-être contester la décision. J’apprends alors qu’on a imposé à Braeden une suspension de deux courses pour conduite imprudente. Il y a eu un énorme bouchon au départ de la première ronde du WorldSSP, ce qui a entraîné des délais et un nouveau départ, et c’est Braeden qui en était la cause. Toutes sortes de choses peuvent survenir au cours d’une saison de course, les hauts et les bas sont nombreux, mais on en ressort plus fort.

Ça serait bien de voir Braeden et d’autres Canadiens et Canadiennes bénéficier de leur expérience en WSBK pour se démarquer au niveau international. Surtout que nous investissons déjà dans leur succès par l’intermédiaire de Dorna.

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