Son look ne fera peut-être pas l’unanimité, mais ses performances sont indéniables.
Nous sommes sur une piste d’atterrissage près de Huntsville, en Ontario. À en juger par les herbes environnantes et son apparence générale, elle a l’air abandonnée. Mais aucun des représentants de Yamaha Canada ne nous a promis formellement qu’il n’y aurait pas un Cessna qui essaierait d’atterrir pendant que nous nous amusons sur cette piste d’accélération improvisée. Cela dit, les membres de notre petit groupe de journalistes ne semblent pas du tout préoccupés par cette perspective pendant qu’ils tordent la poignée des FZ-10, YZF-R1S, XSR900 et FJR1300 mises à notre disposition.
Nous accélérons à fond de train. Puis nous freinons tout aussi fort, juste pour le plaisir, et pour sentir l’ABS qui fait son travail sur la roue avant. Ensuite, demi-tour et on repart dans l’autre sens, toujours au fond mon Léon. Comme ça faisait un moment que je n’avais pas roulé sur une machine de 150 chevaux ou plus, j’ai eu la bonne idée de demander à un technicien de Yamaha de mettre en fonction le système anti-wheelie de la R1S. Mais ne nous égarons pas, le but premier de ma présence ici, c’est de faire l’essai de la FZ-10 (appelée MT-10 en Europe), un modèle 2017 qui devrait déjà être disponible au pays au moment où vous lirez ces lignes.
Visuellement, la FZ-10 affiche une allure très moderne. Personnellement, je trouve son style trop agressif pour être esthétique, mais ce n’est évidemment pas l’avis de John Bayliss de Yamaha Canada. Il explique que cette machine remplace la FZ-1 et qu’elle est le vaisseau amiral de la gamme des FZ. La FZ-07 est propulsée par un bicylindre, la FZ-09 compte sur un tricylindre et la FZ-10 est équipée du moteur quatre cylindres de la R1 avec vilebrequin à manetons à disposition cruciforme.
Qu’on aime ou pas le look de cette nouvelle machine, les performances sont certainement au rendez-vous, autant ici sur cette piste d’atterrissage que plus tard sur les petites routes des environs.
Après une sortie en piste particulièrement enjouée, j’ai dit à quelques collègues journalistes : « La roue avant monte en l’air dans les trois premières vitesses! » « Bien sûr, a répondu l’un d’eux comme si c’était évident, c’est un moteur de R1. » C’est vrai, et même s’il y a tout de même des différences entre les deux engins, la FZ-10 tire avec une autorité indéniable. Ce moteur est très puissant et les accélérations poignée au fond sont enivrantes.
Quand on entre dans la catégorie de puissance de motos comme la FZ-10 ou la R1S, les différences de performances ne sont pas toujours faciles à percevoir. Certains pilotes auront l’impression qu’une machine donnée est plus puissante qu’une autre à cause de son vrombissement quand on met l’accélérateur au max, mais des mesures objectives pourraient révéler le contraire. Cela dit, le fait qu’une de ces motos soit plus rapide d’une fraction de seconde sur le quart de mille, ou que sa vitesse de pointe soit de 260 ou 270 km/h, ne fera aucune différence pour le motocycliste ordinaire, ni même pour les pilotes routiers les plus chevronnés. Avec les quatre motos – FZ-10, XSR900, FJR1300 et R1S – j’ai mis l’accélérateur complètement à fond sur la piste d’accélération. Sur papier, il y a des écarts de puissance importants entre les machines, mais de mon point de vue de pilote, je n’aurais pas pu dire laquelle était la plus rapide ou la plus lente. Ce sont toutes des motos extrêmement véloces et elles arrivaient toutes en bout de piste tellement vite que j’étais surpris à chaque fois que ce soit déjà le moment de freiner. Et cela s’applique à la FJR aussi. Lors de l’une des sorties, quand j’ai vu que le pilote devant moi tordait l’accélérateur, j’ai fait la même chose et la lourde machine de sport tourisme a suivi sans peine; elle n’a nullement semblé être devancée. Les rapports de transmission, le tirage final, le poids, le couple et différents autres facteurs influencent la façon dont une moto se comporte en accélération et les sensations qu’elle livre. Quand on est en présence de plusieurs motos très performantes, il est difficile (du moins pour moi) de percevoir laquelle est la plus rapide. Bref, à partir d’un certain niveau de performances, les différences s’estompent.
La FZ-10 est propulsée par un quatre cylindres de 998 cc qui produit « environ 160 chevaux » nous a expliqué Bayliss. Il ajoute que par rapport à celui de la R1, il a été recalibré pour livrer un couple supérieur à moyen régime, et qu’il est finalement très semblable à un moteur de R1S. Yamaha affirme que ce moulin produit 82 lb-pi à 9000 tr/min, ce qui correspond à beaucoup de punch pour une moto relativement légère (210 kg tous pleins faits). La R1S affiche un couple maximal semblable (83 lb-pi), mais il arrive plus tard, à 11 500 tr/min. Structurellement, ces trois moteurs ont beaucoup en commun : vilebrequin avec manetons à disposition cruciforme, accélérateur à commande électronique, embrayage antisautillements. Mais quand on y regarde de plus près, on découvre de nombreuses différences entre le moteur de la FZ-10 et celui des R1 et R1S.
À l’admission et à l’échappement, les arbres à cames ont un profil moins prononcé et la période de chevauchement d’ouverture des soupapes a été réduite. Le diamètre des lumières d’admission est légèrement réduit et les soupapes d’admission sont également un peu plus petites (31 mm au lieu de 33 mm). Toutes les soupapes sont en acier, plutôt qu’en titane comme sur la R1 et la R1S. Les calottes de piston sont plus aplaties, ce qui réduit le rapport volumétrique de 13,5:1 à 12:1 (mais il faut quand même utiliser de l’essence à indice d’octane élevé). Le vilebrequin est plus lourd que celui de la R1S (et ce dernier est plus lourd que celui de la R1). Le volant moteur est plus pesant également, ce qui contribue à améliorer le couple et l’accélération à bas régimes. Du point de vue de l’utilisateur, je peux effectivement confirmer que l’accélération de la FZ-10 à partir de basses vitesses est absolument emballante.
Les corps de papillons sont différents, et ils ne sont plus munis d’injecteurs secondaires. Le boîtier d’admission d’air est plus gros (12 litres au lieu de 10,5) afin d’adoucir les transitions quand on ouvre et ferme l’accélérateur. Du point de vue de l’utilisateur, je ne peux pas confirmer cette fois-ci l’efficacité de ce changement : j’ai trouvé que la réponse de l’accélérateur était saccadée lors des transitions. Plus tard, toutefois, en sélectionnant un mode de conduite moins sportif, les sautillements sont disparus. Peut-être aussi que j’avais le poignet droit trop nerveux et que le problème n’était pas du côté de la moto.
Autres différences par rapport à la R1 : le système d’échappement de la FZ-10 ne commande pas l’ouverture d’une chambre supplémentaire à moins de 7000 tr/min et les carters moteur sont en aluminium plutôt qu’en magnésium.
Les différences sont nombreuses également du côté des dispositifs électroniques d’aide au pilotage. La FZ-10 est dotée d’un régulateur de vitesse, un accessoire qui, ironiquement, serait parfois plus utile sur une R1 ou une R1S comme le savent ceux qui ont déjà fait de longues randonnées au guidon d’une moto à la position de conduite sportive prononcée. (Bayliss, un homme au tempérament de hors-la-loi extrême, nous a précisé avec un sourire en coin que le régulateur de vitesse peut être désactivé de toutes les façons classiques, mais également en fermant l’accélérateur. Ce qui signifie que les policiers qui vous suivent ou vous surveillent ne verront pas votre feu arrière s’allumer quand vous tenterez de revenir à la vitesse légale…). La FZ-10 est également équipée d’un système antipatinage à trois niveaux et désactivable, et du système de modes de conduite à trois positions D-Mode de Yamaha.
Contrairement aux R1, la FZ-10 n’est pas équipée d’un module de mesure de l’inertie. Elle n’a donc pas de dispositif de départs-canon, de contrôle des wheelies ou de contrôle des dérapages. Elle n’est pas munie non plus d’un système quickshift, mais on peut l’ajouter en option. Comme j’ai pu l’observer sur la piste, l’absence de système de contrôle des wheelies fait en sorte que la roue avant se soulève quand on tord l’accélérateur, mais cela ne m’a pas posé de problème.
La FZ-10 partage plusieurs composantes de châssis avec la R1, notamment une fourche inversée KYB de 43 mm entièrement ajustable, un amortisseur de direction et un système d’éclairage entièrement à DEL. Par contre, les freins ABS (avec étriers monoblocs à quatre pistons à l’avant, étrier à simple piston à l’arrière) ne sont pas reliés entre eux. Les jantes à cinq branches sont semblables à celles de la R1S. La selle est monopièce, contrairement aux R1 et R1S. Le guidon en aluminium est nettement plus haut que sur les pures sportives. Étonnamment, l’empattement est plus court de 5 mm. La batterie est plus puissante et le poids est un peu plus élevé.
Cela dit, la différence la plus importante se situe au niveau du confort du pilote. Comme la FZ-1 qui l’a précédée, la FZ-10 est une machine très confortable. Assez confortable, en fait, pour que vous puissiez envisager de traverser le pays au complet si vous en avez envie. Le guidon tombe naturellement en mains, les repose-pieds sont bien placés et ils sont plus bas que ce à quoi je m’attendais, ce qui crée un poste de pilotage plus spacieux. La selle m’a déconcerté au début à cause de sa section élargie qui donne l’impression d’avoir une bosse sous les cuisses, mais je m’y suis vite habitué.
Yamaha avait apporté au moins deux exemplaires de chaque modèle au complexe hôtelier Deerhurst, près de Huntsville, ce qui fait que lors des sorties de groupe, nous pouvions facilement changer de motos. Je me suis retrouvé à deux reprises au guidon de la XSR à moteur tricylindre. Avec sa quinzaine de kilos en moins, elle m’a semblé un peu plus vive dans les transitions d’une courbe à l’autre sur les routes en lacets, tout en étant pratiquement aussi rapide et tout aussi confortable. Mais quand je reprenais la FZ-10, je n’avais pas l’impression que son poids la pénalisait. Autrement dit, celle que je préférais, c’était celle sur laquelle je roulais… Cela dit, quand on fait grimper le moteur de la FZ-10 et qu’il émet une musique provocante tout en accélérant furieusement, on se dit qu’on est sur une moto particulièrement convaincante.
La FZ-10 est offerte en gris et noir (15 499 $) ou en gris bleuté (15 799 $).