Ducati XDiavel: Un vrai cruiser

Par Roland BrownPublié le

Mais avec tout le tempérament latin d’une Ducati.
Je roule sur un cruiser. Je roule sur un cruiser.

Ducati a insisté pour nous dire que la XDiavel était un véritable cruiser. Mais sur la route, je dois sans cesse me répéter cette phrase intérieurement parce que, côté conduite, je n’ai vraiment pas l’impression d’être sur un cruiser.

Je roule sur la magnifique route 94 qui serpente le long de la frontière mexicaine, près de San Diego, dans le sud de la Californie. Le guidon large et les repose-pieds avancés envoient bel et bien des signaux de cruiser. Mais je viens de franchir une série de courbes et la machine réagissait de manière solide et rassurante, même si je la faisais pencher très généreusement et que les talons de mes bottes frottaient sur l’asphalte.

Et maintenant, voici une ligne droite. Je tourne la poignée et le V-2 de 1262 cc à double arbre à cames en tête atteint le cap des 200 km/h en un clin d’œil, tout en émettant un grondement à l’admission tout à fait enivrant.

La XDiavel est un cruiser? D’accord, si Ducati le dit. Pourtant, dans sa publicité sur la Diavel sans X, la firme insistait sur le fait qu’il ne s’agissait PAS d’un cruiser. En réalité, par rapport aux cruisers traditionnels, on pourrait dire que la XDiavel est un multisegment, ou un croisement. D’où le X dans l’appellation.

Quoi qu’il en soit, cette moto ne ressemble certainement pas aux Ducati habituelles. Avec le marché des motos sportives en perte de vitesse, la firme italienne se devait de se diversifier, d’où la création de la Multistrada 1200 Enduro et de la gamme des Scrambler. En 2011, Ducati a fait un premier pas dans le monde des cruisers avec la Diavel. Et maintenant, elle y va à fond la caisse avec la XDiavel.

Dans ce dernier cas, Ducati a opté pour une approche plus directe. L’équipe de conception a passé plusieurs mois en Californie à rouler sur toutes sortes de cruisers, à assister à des événements motos, puis à créer les dessins initiaux, qui ont ensuite été peaufinés à Bologne. Il en résulte une machine qui reprend la thématique de base Diavel, mais poussée plus loin : le moteur est plus gros et plus flexible (avec une puissance maximale légèrement moins élevée), le châssis est plus long et plus bas, la position de conduite est plus relaxe.

Le nouveau V-2 Testastretta DVT 1262 desmo est conçu en fonction du couple à bas régime et de la douceur. Le gain de cylindrée de 64 cc par rapport au moteur de 1198 cc a été obtenu en allongeant la course de 3,6 mm. Le système DVT (pour Desmodromic Variable Timing) permet d’améliorer la combustion dans toute la gamme de régimes. Visuellement, le moteur est également plus dégagé, notamment parce que la pompe à eau est blottie au fond du V plutôt que fixée à gauche à côté de l’alternateur.

Avec ses 156 chevaux annoncés à 9500 tr/min, ce moteur cède seulement 6 chevaux à la Diavel, mais sa courbe de couple est sensiblement différente. Entre 3500 et 5000 tr/min, il offre un avantage marqué, soit de 10 à 20% de couple supplémentaire. Entre 6200 et 7800 tr/m, les données sont semblables, puis à plus hauts régimes, le 1262 affiche un couple inférieur d’environ 10%.

Côté châssis, on retrouve à l’avant le treillis caractéristique Ducati, complété par de costaudes pièces latérales en aluminium. Elles assurent une rigidité optimale et servent d’ancrage pour le bras oscillant monobranche massif, aussi en aluminium. L’angle de chasse de la fourche est de 30 degrés, soit 2 de plus que sur la Diavel. L’entraînement final est par courroie, une première pour Ducati.

Côté style, on conserve la selle minimaliste et le gigantesque pneu arrière de 240 mm. Le silencieux est presque entièrement sous le moteur et on voit clairement les deux sorties d’échappement biseautées devant la roue arrière. Le noir est la couleur dominante.

La selle est à 755 mm du sol (15 mm de moins que sur la Diavel), ce qui n’est pas particulièrement bas pour un cruiser. À partir du poste de pilotage, la vue vers l’avant est épurée : large guidon, petite rangée de témoins lumineux et écran TFT compact et bien conçu. Par contre, la jonction entre la partie principale du guidon et les poignées est moins réussie. Les commandes au guidon sont illuminées en rouge. À gauche, on trouve notamment un gros bouton qui permet de sélectionner l’un des trois modes de conduite. La XDiavel est dotée d’une clé de contact électronique.

En sortant de San Diego tôt le matin, nous étions enrobés dans la bruine, ce qui m’a donné une excellente excuse pour essayer le mode Urbain. Il limite la puissance à 100 ch et ajuste le système antipatinage au maximum. Ce cruiser allongé aux lignes musclées peut sembler intimidant à première vue, mais il s’est montré particulièrement facile à piloter grâce à la souplesse du moteur, la réponse très fluide de l’accélérateur et ses commandes à l’action légère.

En fait, la XDiavel était si facile à maîtriser que même le mode Sport convenait très bien sur le revêtement mouillé. Le mode Tourisme donne une réponse nettement moins vive, ce qui était utile pour la conduite en ville. La XDiavel livre une réponse tellement instantanée et enivrante que je ne pouvais pas résister à la tentation de tourner l’accélérateur pour sentir la poussée et entendre respirer le moteur (dont la musique est étonnamment audible pour une machine qui répond aux normes Euro 4).

Ce moteur est fantastique et, grâce au système DVT, il se comporte de façon remarquablement raffinée à bas régimes. Après que notre petit convoi d’une douzaine de motos ait franchi le pont vers Coronado, j’ai passé la sixième vitesse à environ 80 km/h, ce qui correspond à 3000 tr/min. En tournant l’accélérateur, le moteur répondait quand même très bien et on sentait simplement une légère vibration dans la selle. Elle s’estompait en approchant des 4000 tr/min alors que le moulin entre dans le cœur de son impressionnante courbe de couple.

Cette abondance de couple fait en sorte qu’on peut facilement passer les vitesses tôt (à moins de 5000 tr/min) tout en obtenant une accélération rapide et fluide. La boîte de vitesses m’a paru sensiblement plus douce que celle des deux dernières Diavel que j’ai pilotées. Si on tord la poignée avec entrain en première vitesse, la roue avant se soulève jusqu’à ce que le système antipatinage intervienne. Sur l’asphalte maintenant sec, le gros pneu arrière Diablo Rosso II offrait une bonne traction.

En poursuivant vers l’est de San Diego sur l’autoroute, nous avons eu l’occasion d’essayer les XDiavel à vitesse de croisière. Le régulateur de vitesse est livré de série. Cette Ducati n’offre aucune protection contre le vent, mais au moins la suspension livre un niveau de confort raisonnable. La fourche Marzocchi a un débattement de 120 mm. L’amortisseur arrière Sachs à montage horizontal permet une course de 110 mm, soit 10 de moins que la Diavel. Ce n’est pas énorme, mais c’est plus que sur plusieurs cruisers, et la tringlerie à effet progressif joue un rôle positif. Somme toute, la qualité de roulement est bonne, mais on sent parfois des coups dans la colonne sur les grosses bosses.

En matière de tenue de route, la XDiavel est étonnamment brillante. Au début, j’étais sceptique à cause du long empattement (1615 mm), de la fourche inclinée et du gros pneu arrière qui engendraient une sensation un peu étrange dans les virages urbains à basse vitesse. De plus, avec ses 247 kg tous pleins faits (10 kg de plus que la Diavel, en partie en raison des normes Euro 4), la X n’est pas un poids plume. Bref, même si la Diavel originale était dotée d’un excellent châssis, je ne m’attendais pas à ce que sa cousine cruiser se montre aussi enthousiaste sur les routes sinueuses.

En pratique, toutefois, j’ai vite réalisé qu’on pouvait lancer la XDiavel d’un virage à l’autre avec très peu d’efforts et en toute confiance grâce à la conduite étonnamment neutre et au bon amortissement de la suspension. Autre élément important : il y a suffisamment de garde au sol pour bien profiter de l’adhérence des pneus Pirelli. On n’a pas à s’inquiéter d’être catapulté hors de la selle parce que les repose-pieds ou d’autres pièces touchent trop facilement au sol, comme c’est trop souvent le cas avec les cruisers.

Le freinage représente un autre point fort, surtout dans le cas du modèle à suffixe S, équipé d’étriers Brembo M50 (au lieu des 4-32 monoblocs) à l’avant. Mais même avec le modèle de base, on dispose d’une puissance de freinage impressionnante tout en étant contrôlable, et le frein arrière est bien calibré. De plus, la machine est dotée du superbe système ABS Bosch qui tient compte de l’angle d’inclinaison. Avec les redoutables étriers M50, la XDiavel S compte parmi les motos de route qui offrent le freinage le plus puissant et le plus fiable de l’industrie.

Quelques collègues ont trouvé que la position de conduite était un peu serrée et ils auraient aimé déplacer les repose-pieds un peu plus vers l’avant; on peut les avancer ou les reculer de 25 mm par rapport à la position centrale. Pour ma part, malgré mes grandes jambes, le poste de pilotage me convenait très bien. En début de journée, je trouvais que le large réservoir forçait à écarter un peu trop les jambes, mais je me suis vite habitué. Dommage que le guidon ne soit pas ajustable aussi. Toutefois, Ducati offre des guidons accessoires qui permettent d’avancer ou de reculer les poignées de 25 mm.

Cette moto est un peu plus polyvalente et fonctionnelle qu’elle n’en a l’air, notamment à cause de son réservoir de 18 litres, qui permet de parcourir environ 250 km avant de tomber à sec selon le petit écran du tableau de bord. Les élégants rétroviseurs renvoient une image claire à la plupart des régimes (mais pas en tout temps). Les clignotants sont dotés d’un système d’interruption automatique. Le modèle S offre également la connectivité Bluetooth et permet de contrôler un téléphone à partir du tableau de bord. Étonnamment, par contre, on ne trouve pas de prise USB ni de poignées chauffantes. Les deux versions sont livrées avec une selle de remplacement pour le passager un peu plus grande et munie d’un petit dosseret très bienvenu. Le système de départs-canon est aussi installé de série.

Dans la liste des accessoires, on trouve un petit pare-brise, une selle plus haute ou plus basse, un silencieux Termignoni et différentes pièces en fibre de carbone et en aluminium.

Bien sûr, ces extras viennent gonfler le prix d’une moto déjà relativement dispendieuse, mais il y a déjà plusieurs cruisers à prix comparable sur le marché. Les concurrentes les plus directes de la XDiavel sont probablement les V-Rod de Harley-Davidson. Lancés il y a 15 ans, ces modèles ont été améliorés au fil des ans, mais ils n’ont jamais été revus en profondeur depuis.

La XDiavel semble avoir ce qu’il faut pour entrer de plain-pied dans le monde des cruisers : empattement allongé, fourche inclinée, selle basse, repose-pieds avancés, gros pneu arrière, entraînement par courroie, style musclé et finition de haute qualité. En plus, c’est une machine sophistiquée et aucun autre cruiser V-2 n’offre le même niveau de performances côté moteur et tenue de route.

Pas de doute cette fois-ci, la XDiavel est un véritable cruiser. Mais elle ajoute dans l’équation le plaisir de conduire caractéristique des Ducati. Reste à voir si les amateurs répondront favorablement à ce mélange de style cool et de performances vitaminées.

La XDiavel S
Sur la XDiavel de base, le réservoir a un fini mat. La version S, plus chère, est dotée d’un fini lustré, de roues et de pièces moteur usinées, d’une fourche Marzocchi avec recouvrement DLC (Diamond Like Carbon – carbone sous forme de diamant), d’étriers de freins avant Brembo M50, d’une selle différente et de différents éléments esthétiques distinctifs.

La Diavel vue par Stefano Tarabusi
« Ce qui nous a convaincus d’entrer dans le segment des cruisers, explique Stefano Tarabusi, le chef de produit chez Ducati, c’est qu’il représente plus de 10% du marché dans tous les pays. À l’échelle mondiale, c’est énorme, cela correspond à plus de 180 000 motos pour 2015.

Tarabusi précise toutefois qu’il ne fallait pas brusquer les inconditionnels de Ducati ni le grand public en présentant un véritable cruiser, « le saut aurait été trop gros ». C’est pourquoi la Diavel originale était à mi-chemin entre une Monster et un cruiser à part entière.

« Les ventes de la Diavel ont été très satisfaisantes et nous avons donc décidé qu’il était temps de passer à l’étape suivante : la création d’un véritable cruiser Ducati. On peut voir une ligne continue entre la Monster, la Diavel, la XDiavel et le cruiser traditionnel. À mesure qu’on avance, l’empattement s’allonge, la selle s’abaisse, etc. C’est comme une exploration que nous faisons, et nous verrons bien où cela nous mènera… »

Est-ce que Ducati est prête à aller plus loin encore? « Ça nous plairait beaucoup parce que cela signifierait que nous avons eu du succès avec la XDiavel, poursuit Tarabusi. Si on veut devenir une marque mondiale, il faut couvrir tous les segments. Nous avons eu beaucoup de succès avec les Multistrada et les Scrambler et nous espérons que la même chose se produira avec la XDiavel. Nous ne fermons aucune porte. »

« Ce qui est essentiel, conclut Tarabusi, c’est de garder l’ADN de Ducati dans chacune des motos que nous produisons. En respectant cette règle, nous pouvons nous attaquer à n’importe quel segment de marché. Par exemple, nous ne fabriquons pas de bagger à l’heure actuelle, mais si la XDiavel s’avère un succès, j’aimerais beaucoup produire une bagger ».

Fiche technique

Modèle

Ducati XDiavel [XDiavel S]

Moteur

V-2 à 90 degrés, refroidi au liquide

Distribution

DACT, 8 soupapes

Cylindrée

1262 cc

Alésage et course

106 x 71,5 mm

Rapport volumétrique

13:1

Alimentation

Système d’injection Bosch, corps de papillon elliptiques

Puissance

156 ch à 9500 tr/min (annoncée)

Couple

128,9 Nm à 5000 tr/min (annoncé)

Embrayage

Multidisque, à l’huile, dispositif antisautillements

Transmission

6 vitesses

Suspension avant

Fourche inversée Marzocchi de 50 mm, course de 120 mm; précharge des ressorts et amortissement en compression et en détente ajustables

Suspension arrière

Amortisseur Sachs, course de 110 mm,

précharge des ressorts et amortissement en détente ajustables

Frein avant

2 disques de 320 mm, étriers monoblocs à 4 pistons Brembo M4-32 [M50]

Frein arrière

Disque de 265 mm, étrier Brembo à 2 pistons

Roue avant

3,50 x 17 aluminium coulé

Roue arrière

8,00 x 17 aluminium coulé

Pneu avant

120/70 x 17, Pirelli Diablo Rosso II

Pneu arrière

240/45 x 17, Pirelli Diablo Rosso II

Chasse/déport

30 degrés/130 mm

Empattement

1615 mm

Hauteur de la selle

755 mm

Réservoir

18 litres

Poids

220 kg à sec; 247 kg tous pleins faits

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