Yamaha se lance dans la course aux motos abordables avec la très compétente R3.
Dans l’univers des motocyclettes, il y a un point d’équilibre entre les machines trop grosses et les machines trop petites, entre celles qui sont trop légères ou trop lourdes, entre celles qui manquent de puissance et celles qui la livrent trop brutalement.
Au cours de votre vie de motocycliste, vous avez probablement possédé, ou au moins conduit, une moto qui combinait tous ces points d’équilibre. Pour les manufacturiers, il s’agit là d’un cocktail plus difficile à réussir qu’il n’y paraît. À cela, il faut aussi ajouter que la perception de l’équilibre peut varier sensiblement d’une personne à l’autre en fonction de notre taille, de notre expérience et de nos attentes. Une moto d’aventure ultra haute sur pattes pourra sembler parfaite pour un individu, mais complètement excessive pour un autre.
Cela dit, peu importe comment on l’évalue, la Yamaha R3 fait partie de ces rares machines à l’équilibre particulièrement réussi. Personnellement, et comme bien des motocyclistes d’expérience, je n’accepte pas facilement l’idée de réduire la cylindrée de ma machine, mais si je devais le faire, je serais très heureux avec cette moto.
Il ne pleut pas encore, mais cela ne saurait tarder. C’est pourquoi je porte déjà mes habits de pluie quand nous quittons le stationnement du Holiday Inn de Birmingham, en Alabama. Je suis tout de suite impressionné par la douceur du moteur de la R3, et par sa puissance surprenante pendant que nous nous dirigeons vers les collines. L’engin en question est un bicylindre vertical de 320 cc qui respire à travers huit soupapes actionnées par deux arbres à cames en tête.
À mesure que j’accumule les kilomètres, je réalise que la R3 est particulièrement manœuvrable, mais que sa selle demeure confortable, ce qui n’est pas toujours le cas avec les petites motos. (La Honda CBR125R, par exemple, se révèle merveilleusement accueillante pour tous les pilotes, mais à la fin de la journée, on peut avoir les fesses qui chauffent…)
Quand on roule à 120 ou 130 km/h, on sent bien que le moteur travaille, mais il ne donne jamais l’impression d’être à bout de souffle. Cet aspect est important, car personne n’aime pousser une petite machine au-delà de sa zone de confort (cela donne l’impression d’être cruel envers la mécanique…).
Juste au moment où ma tolérance envers les autoroutes commence à s’émousser, nous prenons une sortie et nous filons vers les montagnes. À mesure que nous prenons de l’altitude, un brouillard de plus en plus épais s’ajoute à la pluie intermittente. La route est cahoteuse et elle est rendue glissante par endroits à cause de la boue laissée par les 4×4, insensibles aux besoins des motocyclistes en matière de traction. Mais la R3 ne bronche pas. La selle est large (pour une petite moto, du moins) et la position de conduite avec torse relevé est rationnelle et efficace. Je suis très surpris par la souplesse du moteur. Pendant toute cette partie de trajet en serpentin, j’ai laissé la transmission en sixième vitesse et le petit bicylindre ne s’est jamais plaint.
Après un burrito à peu près comestible dans un restaurant mexicain près de Talladega, la Mecque des courses de stock-cars, nous constatons avec plaisir que la pluie a poursuivi son chemin vers l’est, en direction de la Géorgie. Les routes sont encore mouillées, mais nous pouvons accélérer la cadence. Dommage que la R3 ne soit pas munie de freins ABS. Je comprends que le prix est un élément particulièrement sensible dans le segment des petites motos, mais la R3 coûte seulement 4999 $, et son prix demeurerait raisonnable même si on offrait l’ABS en option. Dans cette catégorie, on retrouve la Honda CBR300R à 5199 $ avec ABS. Il s’agit d’une très bonne machine, mais sa puissance avoisine sans doute les 25 ch, soit environ une dizaine de moins que la R3 ou la Kawasaki Ninja 300 ABS, vendue à 5799 $ (5399 $ sans l’ABS). Il a aussi un autre nouveau joueur dans ce groupe, la KTM RC390 avec moteur monocylindre de 375 cc, mais elle est coûte nettement plus de 6000 $. En fait, c’est la Ninja qui est la rivale la plus directe de la R3, et je crois que cette dernière pourrait être offerte avec ABS tout en demeurant moins chère que la Ninja ABS.
Le lendemain, il pleut encore. Ce qui est doublement décevant parce qu’on nous offre la possibilité de piloter la R3 (et aussi la R1) sur le circuit de Grand Prix de
Talladega. Et en plus, c’est mon anniversaire. Je ne me laisse donc pas démonter, j’enfile mes cuirs et je saute sur la piste. Quel circuit étrange, pratiquement sans zones de débordement dans certains virages et parsemé de pylônes qui semblent disposés au hasard. Après mon premier tour, j’aperçois un homme au milieu de la piste qui agite frénétiquement les bras dans ma direction. Ah, je roule dans le sens inverse de la piste? Bon, d’accord…
Quand on roule dans le bon sens, cette piste est un véritable joyau et elle offre un niveau de traction extrêmement élevé, même sous la pluie. C’est un circuit relativement court et sur le petit droit, j’ai été surpris d’apercevoir 152 km/h au compteur, en quatrième vitesse. J’ai une théorie personnelle selon laquelle le niveau de confiance généré par une moto quand on la pilote sous la pluie donne une bonne idée de l’équilibre inhérent de la machine. Après deux jours de conduite dans la flotte, je peux confirmer que ma théorie ne prend pas l’eau, et que la R3 est aussi stable qu’elle est maniable.
Une anecdote révélatrice en terminant : vers la fin de notre première journée de route, on m’a offert changer ma R3 pour une FJ-09. J’ai refusé. Je n’avais pas encore assez roulé à mon goût avec cette machine délicieusement équilibrée.