BMW S1000XR: Un superbike de hors-route ?

Par Neil GrahamPublié le

BMW infuse une solide touche GS dans sa super sportive
Dans les lancements de presse, il y a une règle non écrite : on ne dépasse jamais le guide. Même les journalistes les moins futés la respectent, notamment parce que nous sommes généralement dans une partie du monde, et sur des routes, que nous ne connaissons pas. Mais cette fois-ci, c’est différent. Après 11 ans de voyages partout sur la planète, c’est la première fois que je participe à un lancement qui réunit au Canada des journalistes de plusieurs pays. Alors, après avoir sagement suivi le groupe pendant toute la matinée, je tords tout à coup la poignée de ma BMW S1000XR et je bondis devant le petit groupe.

Je ne sais pas trop ce qui m’a pris, sans doute l’impression de reconnaître une route que j’avais déjà prise il y a longtemps. Mais comme c’est souvent le cas, le timing de mon exubérance n’était pas trop bien choisi. Tout de suite après mon dépassement, j’arrive dans une section non pavée à pleine vitesse et dès que la route redevient en asphalte, je m’aperçois qu’il y a un virage serré qui approche très rapidement. J’applique les freins à fond, l’arrière de la moto se met mis à osciller, je prends le virage et je remets les gaz à fond.

Chose surprenante, la S1000XR s’est montrée parfaitement à l’aise avec mon comportement juvénile, ce qui m’a particulièrement impressionné compte tenu du fait qu’il ne s’agit pas d’une moto de tourisme d’aventure comme les GS. BMW la qualifie plutôt de « moto sport d’aventure ». Avec ce terme à la signification un peu vague, BMW essaie, comme bien d’autres manufacturiers, de donner l’impression d’avoir créé une toute nouvelle catégorie dans laquelle on ne retrouve qu’un seul modèle, le sien…

Au-delà de l’approche de marketing, il est relativement facile de situer la XR dans l’univers motocycliste. Avec son carénage et ses pneus larges montés sur des roues de 17 pouces, il s’agit clairement d’une routière. Sauf qu’elle offre une position de conduite de moto hors-route. Circuits de course mis à part, il s’agit là de la position idéale pour piloter une moto, comme nous le répétons souvent. La XR est dotée d’un guidon large, de repose-pieds bas et d’une selle confortable (mais non ajustable en hauteur comme c’est généralement le cas chez BMW).

Comme on peut le déduire à partir de la dénomination des modèles, la S1000XR est dérivée de la S1000RR (la superbike) et de la S1000R (la roadster). Mécaniquement, toutefois, elle est plus près de la roadster. Certains motocyclistes critiquent les manufacturiers lorsqu’ils réduisent la puissance maximale d’un moteur donné en le transplantant d’une machine de superbike à une machine routière. Pourtant, il s’agit généralement d’une excellente décision. Pour obtenir la puissance phénoménale de la S1000RR, BMW a dû sacrifier une partie du bon vieux couple à bas et moyens régimes. Mais il est de retour en force dans le moteur des S1000R et S1000XR, et c’est très bien comme ça. Cette déclinaison du quatre cylindres en ligne de 999 cc tire comme un tracteur.

Cela dit, même en version « réduite », la puissance maximale demeure impressionnante. Selon BMW, le moteur produit 160 ch à 11 000 tr/min et un couple de 83 lb-pi à 9250 tr/min (ce qui est tout à fait crédible compte tenu de la tendance de BMW à publier des données de puissance un peu inférieures à la réalité). De plus, comme cet engin aime bien les hauts régimes et qu’il est doté d’une transmission à rapports rapprochés au fonctionnement très fluide, il donne sérieusement envie de tordre la poignée de droite.

À 120 km/h en sixième vitesse, le moteur vibre un peu. Je n’avais pas senti ces vibrations sur la S1000RR. En roulant à fond de train avec une machine de superbike, on ne remarque pas les vibrations à moins qu’elles fassent bouger vos bottes sur les repose-pieds ou qu’elles vous engourdissent les doigts, ce qui n’était évidemment pas le cas de la BMW. À vitesse constante sur la route, par contre, on perçoit les choses différemment. À cet égard, cette XR dérivée de la RR me fait penser à la Yamaha FZ1 dérivée de la R1.

Le lancement de la S1000XR avait lieu dans la région de Muskoka, à l’est du lac Huron, à mi-chemin entre Toronto et North Bay. Il s’agit d’un choix judicieux parce que plusieurs des belles routes du coin ont un revêtement en mauvais état, et les plus intéressantes sont souvent carrément défoncées par endroits. Idéal pour tester les suspensions, donc. Avec ses 150 mm de débattement à l’avant et 140 mm à l’arrière, la S1000XR n’a pas peur des nids-de-poule.

La S1000XR est livrée de série avec l’ABS, un choix de deux modes de conduite (Route et Pluie) et un dispositif de contrôle de la stabilité. Nos modèles d’essai étaient également munis de la suspension à ajustement électronique offerte en option. Peut-être pour être au diapason avec le tempérament musclé du moteur, la suspension était plutôt ferme. J’en ai discuté avec des collègues journalistes devant un verre de Muskoka Cream Ale après notre randonnée; ils étaient aussi d’accord pour dire qu’un ajustement supplémentaire plus souple serait bienvenu pour les longues journées en selle.

Avant le départ pour cette escapade, je me suis sérieusement inquiété quand notre guide nous a montré tous les chemins de terre au programme de la journée. Ma crainte était double. D’abord, à la fin juin, les zones forestières sont infestées d’un implacable ennemi : le maringouin! Et ensuite, même si cette moto et ses semblables (les Multistrada, V-Strom, Versys et autres) permettent une véritable position de conduite hors-route, elles ne sont en aucun cas de véritables machines de hors-route. Surtout avec un poids annoncé de 228 kg et un moteur de superbike entre les deux pneus.

J’ai donc été très surpris de voir à quel point ma deuxième crainte était non fondée. Bien sûr, cette moto n’est pas faite pour les sentiers étroits et boueux, mais sur les chemins forestiers, elle est étonnamment à l’aise. Et comme certains de ces chemins étaient moins défoncés que les routes asphaltées que nous avions empruntées plus tôt, nous avons pu rouler à (très) bonne vitesse. Sur un des chemins avec une suite de montées et de descentes en montagnes russes, on pouvait s’amuser à donner une bonne dose d’accélérateur et à franchir les sommets avec la roue avant soulevée, et un beau jet de poussière lancé par le pneu arrière en prime.

Même si le système de freinage antiblocage est désactivable, je l’ai laissé en fonction pour cette portion de pilotage sur les chemins de terre. Par contre, j’ai choisi le mode Pluie. Certains diront peut-être qu’un vrai mâle ne doit jamais laisser un système électronique interférer entre son poignet droit et la roue arrière. Avec ma légère moto de course sur terre-battue et sa cinquantaine de chevaux, je veux bien. Mais avec une machine trois fois plus puissante et deux fois plus lourde, je suis tout à fait preneur en matière d’aides électronique. Elles me permettent de conduire cette grosse bête avec le même abandon que si j’étais sur une XR100. Ce qui nous ramène au virage dont je parlais au début… J’applique les deux freins à fond et je laisse la machine faire le travail. La roue arrière se promène de droite à gauche comme une queue de poisson, mais l’ABS me permet de rester en contrôle. Même chose lorsque j’accélère en sortie de virage et que l’antipatinage intervient. La tenue de route de cette moto sur des chemins de terre avec des pneus de route est une révélation pour moi. Chapeau à l’électronique, bien sûr, mais également à la position de conduite qui inspire confiance et facilite le contrôle, de même qu’au couple généreux et prévisible du moteur.

Comme c’est généralement le cas lors des lancements de presse, nos motos étaient équipées de la plupart des options disponibles. Si on veut monter un cran au-dessus du modèle de base (17 600 $), BMW offre un ensemble Touring avec suspension à ajustement électronique, porte-bagages, supports pour valises, poignées chauffantes, béquille centrale et dispositif facilitant l’installation d’un GPS. Prévoyez un supplément de 1625 $. L’ensemble Dynamic 1 (supplément de 1200 $) comprend notamment une fonction qui permet de monter et de descendre les rapports sans utiliser l’embrayage, des modes de conduite supplémentaires appelés Pro, un régulateur de vitesse et un système d’ABS Pro qui tient compte de l’angle d’inclinaison de la moto. Pour partir à l’aventure, il ne vous manquera plus qu’une paire de valises latérales et une valise centrale. (Oui, d’accord, une V-Strom avec un équipement semblable vous reviendra nettement moins cher.)

Compte tenu de l’historique de BMW en matière de motos de route qui ont des allures de motos hors-route, il est normal de vouloir comparer la S1000XR avec la R1200GS. Mais en réalité, ce sont des machines à la personnalité très différente. La S1000XR ne dégage pas l’attitude cool et relaxe de la R1200GS et de son gros bicylindre boxer. Le moteur de la XR a été conçu à partir d’un moteur de superbike; celui de la GS a un solide héritage de moteur de routière. Mais quand je roule sur cette route aux innombrables nids-de-poule qui tourne et monte et descend et tourne encore, j’ai l’impression d’être sur la machine idéale.

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