Au diable la mécanique, Neil Graham se concentre sur les effets concrets – et bénéfiques – des dispositifs électroniques d’aide à la conduite.
Je suis en Espagne. Le soleil a fait sécher la rosée matinale qui recouvrait la piste et un responsable agite le drapeau vert. On peut rouler. Pour cette première sortie, je résiste à la tentation d’aller trop vite et pour m’y aider, je m’oblige à rester en troisième vitesse. Cela me permet d’apprendre la piste et je sais qu’ultimement, cela me permettra d’aller plus vite à la fin de la journée.
Lors des lancements de presse, on est submergé d’informations sur la technologie des machines sportives modernes. Mais cette fois-ci, plutôt que de vous parler mécanique et de nommer des acronymes à ne plus finir, je vais vous parler du feeling du pilotage. Vous avez été nombreux à nous demander comment au juste se répercutaient dans la réalité tous ces dispositifs d’aide à la conduite. Alors voilà.
Premier élément : la confiance. Pour rouler vite en cette ère de l’électronique, il faut faire confiance. Mais ce n’est pas toujours facile. Quand on voit un solide garde-fou qui borde une falaise sur un belvédère, on peut le prendre en main, le sentir, et être sûr qu’il pourra nous protéger au besoin. C’est plus difficile dans le cas des dispositifs électroniques – notamment parce qu’on ne les voit pas. Voilà pourquoi, pendant que je roule dans les puits en me dirigeant sur la piste, je serre fermement le frein avant; la délicate fluctuation dans le levier me confirme que l’ABS est en fonction. Ce n’est pas le seul système, bien sûr, mais c’est un bon départ.
Cette machine est la plus récente déclinaison de la S1000RR de BMW et elle est dotée d’un moteur à la puissance phénoménale. Quand l’ancien champion mondial de superbike Troy Corser la pilotait au début du projet, il a expliqué qu’il hésitait à faire des wheelie avec sa machine de course parce qu’il avait peur d’être renversé vers l’arrière, à cause de la livraison de puissance très abrupte. Et il est vrai que les premières versions vendues sur le marché ne pouvaient pas être qualifiées de faciles et souples. Pour améliorer la situation, BMW s’est entêtée à développer son propre système de gestion moteur (au lieu de se tourner vers des fournisseurs externes), ce qui a fini par porter fruit comme en témoigne cette nouvelle version.
En arrivant au premier virage, je penche la moto et j’accélère jusqu’au virage numéro deux, et ainsi de suite pendant un premier tour. Je peux constater que la S1000RR a réellement été améliorée simplement en observant ma respiration : elle est calme et régulière. Les commandes d’accélérateur à la réponse explosive sont très bien pour donner une sensation de vitesse, mais avec une machine aussi puissante et aussi rapide en vitesse réelle, il est nettement préférable d’avoir un accélérateur qui permet de livrer la puissance de façon très fluide. Jusqu’ici, tout va bien, donc. Passons au tour suivant.
Je colle l’accélérateur à fond. La BMW enfile le grand droit avec une fureur enivrante. Mais ce qui est encore plus excitant que l’accélération, c’est le fait de savoir que les freins antiblocage vont faire leur travail dans quelques secondes. La plupart des motocyclistes – et c’est mon cas aussi – ne sont pas très bons au freinage. Le problème, c’est que les pneus, leur température et les variations du revêtement compliquent énormément l’évaluation du niveau d’adhérence disponible. Au bout du droit, je serre énergiquement le levier à deux doigts et je sens que la moto s’agrippe fermement au sol. Je sais donc que cette piste offre un niveau d’adhérence élevé, ce qui contribue à me relaxer encore un peu plus.
Il est plus difficile de faire confiance au système antipatinage qu’au système antiblocage. Mais si on ne se décide pas à sauter un jour dans le tuyau d’une glissade d’eau, on ne saura jamais ce que c’est… Avec un genou au sol au sommet d’un virage, je lance un grand cri (pour vrai) et je tourne l’accélérateur vigoureusement. Et il n’arrive rien de dramatique. Parce que l’ordinateur sait que la moto est penchée, qu’elle roule sur le bord des pneus et que s’il laissait passer toute la puissance, un dérapage et une chute s’ensuivraient. Mais à mesure que je redresse la moto en sortant du virage, l’ordinateur envoie une note dans un tube jusqu’à un écureuil assis à son bureau à côté des corps de papillon. L’écureuil lit la note qui dit que la machine roule maintenant dans la partie centrale de la bande de roulement du pneu. Il permet alors une ouverture de plus en plus grande des papillons. (Cette façon de voir me paraît plus rassurante, désolé pour les informaticiens…)
Jusqu’ici, les fabricants n’ont pas réussi à bien expliquer au grand public à quel point les technologies modernes sont peu invasives (et on peut sans doute adresser le même reproche à nous-mêmes, les journalistes). Dès que je roule à bonne vitesse, je n’utilise plus du tout le levier d’embrayage de la S1000RR. En effet, on peut monter et descendre les rapports sans l’embrayage. Je n’ai plus qu’à contrôler l’accélérateur, le frein avant (je n’utilise pas du tout le frein arrière) et le levier de vitesse au pied, ce qui me permet de porter toute mon humble capacité d’attention sur des tâches plus importantes, comme demeurer sur la piste, par exemple.
J’ai déjà passé un été à faire de la course sur terre-battue et ce que j’y ai appris me sert aujourd’hui. L’arrière de la S1000RR oscille en entrant dans les virages, mais ça ne me stresse pas. Ce qui me surprend, par contre, c’est que je commence à rattraper un pilote américain qui me tire toujours la pipe dans les lancements de presse. J’essaie de l’ignorer, mais cela devient de plus en plus difficile à mesure que je m’approche de lui. Je dois rester calme et me concentrer sur mes points de repère pour le freinage, porter les yeux vers le sommet de la courbe, accélérer, puis porter les yeux vers la sortie. Et ne pas altérer la séquence de mes déplacements de poids sur la selle. Je suis tout près de sa machine maintenant, et mon regard se porte sur des points de repère qui sont devant lui. Ma roue arrière patine à l’accélération en sorties de virage, mais l’ordinateur garde les choses sous contrôle. L’Américain pilote bien, mais je suis juste un peu meilleur que lui aujourd’hui. Au milieu du grand droit, je suis presque à son égalité lorsque j’aperçois le drapeau qui signale la fin de cette session. Je pourrais continuer et le dépasser, mais même les coureurs amateurs savent qu’il faut absolument respecter le drapeau à damier. Je me redresse, je bouge un peu la tête pour me détendre et je m’émerveille devant le génie de cette moto.
Si cette description a généré une émotion dans votre esprit, je vous encourage à aller rouler sur un circuit qui offre des essais libres et à vivre l’expérience vous-même. C’est comme une mégadose d’adrénaline à l’état pur. La vie est courte, et BMW vous offre la chance de rayer un rêve de votre liste de choses à faire pendant qu’on est sur Terre.